À travers son projet « Machari3 7ouma », projets de quartier, la jeune designer Amira Louadah, tente de transformer les obstacles de l’espace urbain, en opportunités utiles à la communauté. Pendant plusieurs jours, les habitants de deux quartiers à Ouled Fayet, ont participé à des exercices, afin d’amorcer des discussions autour du rapport de chacun avec l’espace public.
C’est une expérience atypique à laquelle les habitants de la cité Bahdja et AADL d’Ouled Fayet, s’adonnent quotidiennement depuis une semaine. Amira, et les bénévoles qui l’accompagnent dans ce projet, ont installé trois obstacles dans cet environnement urbain; des rideaux à écarter, des plots à enjamber et des tapis par lequel il faut sauter.
L’idée est d’importuner les passants avec ces obstacles, qu’ils devraient franchir d’abord avec un mouvement corporel, pour ensuite les amener à se demander quel est l’intérêt de cette mise en scène.
« Ces obstacles sont un prétexte pour amener les gens à se poser des questions et engager une discussion. C’est un moyen d’inciter les habitants à parler des problèmes de leur quartier et de savoir comment ils souhaitent que les choses changent », précise Amira.
« Machari3 7ouma », est un projet qui s’inscrit dans le cadre du mémoire de fin d’études de Amira. Cette jeune femme prépare un diplôme en design industriel à L’École Nationale Supérieure de Création Industrielle, « ENSCI – Les ateliers » à Paris.
Les origines de ce projet reviennent au film documentaire qu’elle a réalisé il y a un an sur le paysage linguistique algérien, intitulé « La grosse moula ou li michan ».
« C’est comme un portrait de société, je devais aller à la rencontre des gens, les interviewer, passer du temps avec eux. Cette expérience m’a permis de dépasser les appréhensions que j’avais vis-à-vis de l’espace public. Certains stéréotypes sont tombés, d’autres se sont confirmés et à la fin du film. Cette expérience m’a permis de mieux cerner l’espace public algérois. Après cette expérience je voulais être dans l’action, ces gens à qui j’ai donné la parole, je voulais construire des projets concrets avec eux et ce n’est là que le projet machari3 7ouma à germer ».
Amira Louadah, et son œil de designer
Aller à la rencontre des gens, dans le cadre de la réalisation de son film documentaire, a permis à Amira d’observer l’espace public dans sa dynamique. Elle explique que les citoyens relèvent souvent ce qui cloche dehors. Ils sont parfaitement conscients des manques dans l’espace public. Les designers portent le même regard, avec un plus, celui qui leur permet de voir les possibilités créatives.
« Je vous donne un exemple. Dans un arrêt de bus a Chéraga, sur le tronc d’un arbre découpé un citoyen a mis une assise de chaise et c’est devenu un banc sur lequel les gens s’assoit pour attendre le bus. C’est un obstacle qui a été détourné pour le bien de la communauté. Un aménagement créatif qui révèle qu’il y a une envie d’avoir un espace public accueillant avec des commodités », fait remarquer la designer.
C’est dans cet esprit que le projet « Machari3 7ouma » évolue. Amira, aidée par des amis, a élaboré un programme sur plusieurs jours afin que chaque participant engage une réflexion sur son rapport avec l’espace urbain.
En plus des obstacles, Amira et ses amis ont accroché des affiches sur les murs avec des citations notamment « Aucun pont ne fait passer » pour que chacun réfléchisse à son sens et exprime sa propre interprétation. Elle a également fait des cartes avec des endroits dans le quartier qui ont été aménagés par les habitants.
« Dans mon projet de recherche, je pars d’une réflexion sur la prise de parole en public. Le but de ces exercices est de délier les langues. Que les gens soient suffisamment à l’aise pour exprimer des revendications, des espérances, des projets qu’ils souhaitent voir se concrétiser…etc ».
Ce 3 juin est le dernier jour de cette expérience. Ensuite les habitants des deux quartiers seront invités à une réunion de quartier, le vendredi 4 juin, afin de discuter des problématiques liées à l’espace urbain, d’identifier les besoins, et trouver un espace sur lequel les habitants peuvent intervenir ensemble.
« Pendant cette journée je souhaiterais également que les habitants vivent une dernière expérience. Les obstacles qu’ils ont dû détourner durant la semaine sur le terrain, le jour de la rencontre vont être transformés en objet de confort », souligne elle.
Le dernier jour du programme est prévu samedi 5 juin. Les idées seront concrétisées, il y aura un atelier de fabrication d’objet à partir de produits récupérés.
« Machari3 7ouma », est un projet à dimension sociale et sociétale. Il pose une problématique et tente de la résoudre avec la communauté . C’est pourquoi, Amira Louadah souhaite que le projet « Machari3 7ouma », se reproduise dans d’autres quartiers voire d’autres villes.