Jean-Noel Barrot, ministre des Affaires étrangères français, qui a adopté les propos hostiles à l’Algérie de son collègue Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur, cherche l’apaisement dans les rapports avec Alger.
Fortement critiqué par les députés de la France Insoumise (gauche) au sein de l’Assemblée nationale (Parlement), le chef de la diplomatie française a pris la parole, ce mercredi 15 janvier 2025, pour tenter de « calmer » les esprits en jouant sur les mots.
« La relation bilatérale entre la France et l’Algérie n’est pas une relation comme les autres. C’est une relation d’intimité profonde. C’est ainsi que le président de la République la qualifiait au moment où, en août 2022, il signait avec le président algérien une feuille de route qui déterminait les termes de notre coopération. Mais pour une coopération, il faut être deux et les raisons qui ont conduit les autorités algérienne à adopter une posture d’hostilité n’ont rien à voir avec l’Algérie ni avec ses intérêts (…) Ni l’Algérie ni la France n’ont intérêt à ce que s’installe une tension durable » », a-t-il déclaré.
Il est revenu sur la décision de Paris de considérer « le plan d’autonomie marocain » comme « solution » au conflit au Sahara Occidental. Cette solution passe par un référendum d’autodétermination des sahraouis, selon le droit international et les résolutions de l’ONU.
« Réunion » sur l’Algérie prochainement
« La France est un pays souverain qui choisit les termes de ses alliances avec d’autres pays et ce que la France entend construire avec le Maroc n’enlève rien à ce que la France entend construire avec l’Algérie », a indiqué le ministre français.
L’Algérie a retiré, depuis fin juillet 2024, son ambassadeur à Paris en signe de protestation contre la position de la France sur le Sahara Occidental. Alger a rappelé que la France est un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et qu’à ce titre est tenu de respecter le droit international et les résolutions onusiennes.
Jean-Noël Barrot a précisé que le président Emmanuel Macron et le Premier ministre François Bayrou réuniront dans les prochains jours les ministres concernés (par la politique extérieure) pour évaluer les suites à donner et « les mesures à prendre sur relations de la France avec l’Algérie.
Le chef de la diplomatie française a été malmené par les députés de l’opposition de gauche à cause de l’hostilité exprimée contre l’Algérie. Un discours largement alimenté par l’extrême droite.
« Savez-vous que la guerre d’Algérie est terminée depuis 63 ans ? Que la France coloniale l’a perdue car c’était une guerre criminelle et injuste? Pourquoi cherchez vous à la raviver ? Bien sûr quand des influenceurs font des appels au meurtre contre des opposants politiques au gouvernement d’Alger, il faut engager les poursuites judiciaires adéquates en France. Mais, vous en faites le prétexte à une surenchère insupportable et irresponsable. Vous multipliez les menaces et les provocations contre Alger comme sur le Sahara Occidental, en contradiction avec le droit international », a déclaré le député LFI de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud, en s’adressant au Premier ministre.
« Le vocabulaire arrogant et guerrier que vous employez n’a rien à faire dans les relations internationales »
« Vous stigmatisez des millions d’algériens, de binationaux, de français d’origine algérienne. Le vocabulaire arrogant et guerrier que vous employez n’a rien à faire dans les relations internationales. Les pires fantasmes de l’extrême droite que vous alimentez n’ont rien à faire dans le débat public. Vous osez affirmer que l’Accord franco-algérien de 1968 accorderait « un privilège » à l’immigration algérienne ? C’est un pur mensonge », a-t-il ajouté.
Le ministre de l’Intérieur, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal et l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt mènent une campagne particulièrement toxique contre l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif « à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ». Cet accord a été amendé à plusieurs reprises au point de le vider presque de son contenu par la partie française.
« Vous osez parler de « rente mémorielle » à propos de l’Algérie, comme si c’était un cadeau d’avoir subi 132 ans de colonisation et de souffrances. « Les belles heures de la colonisation », comme ose le dire votre ministre de l’Intérieur, c’est révoltant. En réalité, c’est l’algérophobie qui est votre rente politique. Vous soufflez sur les braises des haines passées, vous attisez la xénophobie, l’islamophobie et le racisme dans l’espoir d’exciter l’opinion publique et de masquer vos échecs, c’est répugnant. Et qui en paye le prix ? La France que vous discréditez, isolez et abaissez », a dénoncé Bastien Lachaud.
Et d’ajouter : « les peuple français et algériens que vous fracturez et opposez, la paix civile que vous menacez, alors quand allez vous cesser cette folle escalade ? Quand allez-vous en finir avec les postures néocoloniales ? Quand allez-vous construire enfin avec l’Algérie une relation diplomatique apaisée, fondée sur le respect mutuel et l’amitié entre des peuples frères ? ».
Retailleau « s’improvise en diplomate » avec l’Algérie
« Votre ministre de l’Intérieur s’est illustré par ses déclarations racistes en qualifiant une partie de nos concitoyens de « français de papier ». Il s’improvise en diplomate avec l’Algérie mais n’est en finalité qu’un piètre agitateur. Pour qui se prend Bruno Retailleau à vouloir provoquer une tension insupportable pour des millions de français qui vivent une relation directe d’affection et de fraternité respectueuse avec le peuple algérien ? « , s’est interrogée, pour sa part, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI au sein de l’Assemblée nationale.
« Depuis quelques jours plusieurs ministres ou dirigeants du camp présidentiel s’emploient à créer une escalade d’agressivité irresponsable contre l’Algérie. Tous les prétextes semblent bons. Certains dirigeants français jouent une absurde logique de revanche sur l’Algérie et utilisent un vocabulaire guerrier totalement inacceptable. Ce ton est insupportable pour des millions de Français intimement liés au bonheur commun de nos deux peuples », a dénoncé, dans un communiqué, le groupe parlementaire de LFI.
Et de poursuivre : « Le différend entre la France et l’Algérie au sujet de l’expulsion de l’influenceur algérien Doualemn ne doit pas se régler autrement que par l’application du Droit. S’ils sont confirmés, ses propos appelant à la violence notamment contre un opposant au régime algérien sont inacceptables. Mais ils ne peuvent conduire à priver le mis en cause de ses droits. En toute circonstance, la France doit être respectueuse du droit des personnes. Aucune situation particulière ne doit servir d’alibi a une volonté de détérioration supplémentaire des liens entre nos deux pays ».
A Parlement, France Insoumise envisage de censurer le gouvernement François Bayrou Bayrou, après avoir contribué à faire partir le gouvernement de Michel Barnier.