Art naïf , art brut, orientalisme et autres avatars
Tableau de Baya
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Aujourd’hui on assiste dans le milieu de l’art à une demande de néo-orientalisme ou de néo-colonialisme liés aux questions géopolitiques, dont a rendu compte et a témoigné avec justesse la Biennale de Berlin en 2018.

Mais par le passé récent il y a eu une autre forme d’orientalisme, qui est celle qui consiste à classer certain(e)s artistes dans la catégorie « art naïf » ou « art brut » voire « primitif ».

Baya comme ChaIbia et Fatima Hassan ont été catégorisées ainsi . Il est à noter que le regard orientaliste se pose très souvent sur le corps ou l’expression des femmes .

Baya Mahedinne est née Fatma Haddad en 1931 . Elle commença à sculpter en argile les oiseaux et les fleurs qu’elle voit dans la maison de Marguerite Caminac à Alger où elle fait le ménage . Le sculpteur Peyrissac l’incitera à les transcrire sur papier, à la gouache, gouaches qu’il va montrer à Aimé Maeght de passage à Alger en 1943. 

En 1947 elle sera exposée à Paris et préfacée par André Breton qui évoquera « l’Arabie heureuse dont elle a pour mission de ranimer le rameau d’or » . Plus tard le peintre Khadda parlera de « spontanéité primitive qui a émerveillé un certain paternalisme ». Ce n’est qu’en 1949 que Baya rencontrera Braque et réalisera son voeu premier à Vallauris en créant des céramiques. 

Chaibia est née en 1929 à Chtouka  où elle grandit à la campagne. Elle se maria à l’âge de 13 ans et fut à veuve et mère de famille à l’âge de 15 ans. Autodidacte, elle peint à partir de 1963 après avoir entendu en rêve une voix lui dire : « Chaïbia prends les couleurs et peins ! ». Le critique d’art Pierre Gaudibert voit ses toiles et l’encourage. Elle expose pour la première fois en 1966 au Goethe-Institut de Casablanca, puis à Paris, au musée national d’Art moderne.

Le poète André Laude parlera d’elle «comme d’une terre non pétrifiée, où l’innocence, la culture populaire, sangs vivants irriguent encore les coeurs et les têtes, où le contact avec les forces naturelles, cosmiques n’a pas été rompu».

Chaïbia Tallal a été sans conteste la plus célèbre peintre du Maroc du 20ème siècle. Elle est la seule peintre du Maroc dont les œuvres sont cotées en bourse. 


Au sujet de Fatima Hassan le professeur El Kasri dans le catalogue 19 peintres du Maroc publié par le CNAC de Grenoble : « il serait déplacé de parler à propos de Fatima Hassan d’une recherche profonde sur la symbolique marocaine… elle ne fait que raconter dans la plus séduisante simplicité les références-constituantes d’un univers plus ou moins magique où nous avons tous évolué ». 

Tous les regards masculins, dominants, orientalistes se sont posés sur leur travail et à chaque fois on a parlé d’art naïf, on les a exposé dans les musées d’art brut quand un Chagall et d’autres était soumis à un traitement différent. Pour lui on évoquera souvent le qualificatif (justifié) de féerique.

Que l’on me comprenne bien , il ne s’agit pas pour moi d’un jugement de valeur sur le beau, certaines des artistes peintres évoquées  ne feraient pas partie de mon dictionnaire amoureux de la peinture mais d’une interrogation sur le statut que l’on donne à certaines artistes, sur les étiquettes dans lesquelles on les enferme à partir de leur genre . 

Certaines idées trainent leur vacuité durant des siècles et on pense que plus rien ne viendra les troubler lorsque, parfois une note vient les révéler et un frisson les rendre à nos instants de vie prés d’un ventilateur fatigué. 

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