L’historienne Malika Rahal, présente au 27ème Salon international du livre d’Alger (SILA), qui se déroule jusqu’au 16 novembre 2024, est revenue sur la reconnaissance par le président français de l’assassinat de Larbi Ben M’hidi.
Emmanuel Macron a reconnu, le vendredi 1 novembre 2024, la responsabilité de l’armée française dans l’assassinat du dirigeant du FLN, Larbi Ben M’hidi en mars 1957. La France a toujours nié cette exécution sommaire du chef de la Zone autonome d’Alger durant la guerre de libération nationale, pendu dans une ferme au Sud d’Alger, après plusieurs jours de torture.
« La reconnaissance de cet assassinat atteste que le travail de vérité historique, que le président de la République a initié avec le président Abdelmadjid Tebboune, se poursuivra, l’objectif est d’aboutir à la constitution d’une mémoire apaisée et partagée. C’est aussi en pensant aux générations futures que le chef de l’État se fait devoir, encore et toujours, de chercher les voies de la réconciliation des mémoires entre les deux pays », a précisé l’Élysée dans un communiqué.
« On perd vraiment le temps en parlant de ce sujet. En France, on morcelle au maximum la question de la décolonisation jusqu’à ce qu’elle perde entièrement de son feu. Le but de la manœuvre, c’est d’éviter surtout de poser des questions de ce que cela signifie d’être aujourd’hui, anticolonialiste. Aujourd’hui, on assiste à l’alliance des pays impérialistes renouvelée dans le contexte de la guerre de Ghaza. Je le dis depuis longtemps : la reconnaissance morcelée est un outil complètement banalisé. On joue la carte Larbi Ben M’hidi, retenue depuis longtemps, pour pouvoir la jouer au moment où c’est important. C’est de cette manière qu’on traite Larbi Ben M’hidi ? Du côté algérien, c’est totalement inacceptable. Cela ne produit aucun effet réel », a-t-elle déclaré lors d’une conférence sur les « Historiens et le dévoilement des crimes coloniaux », animée avec Hosni Kitouni, chercheur en Histoire, au SILA.
« Des mesures qui banalisent l’engagement contre la colonisation »
« Du côté français, on reste sur une série de mini-reconnaissances étranges qui ne changent jamais la position politique de la France sur l’échiquier international. Elles sont également inutiles. Si vous lisez bien le communiqué (de L’Elysée), on en est au même point qu’en 1957 : Larbi Ben M’hidi coupable ou innocent ? Le texte ne tranche pas. Vous imaginez cette question ! Cela veut dire que parmi les milliers de disparus (durant la guerre de libération nationale), il y a des coupables ! Cela veut dire que ceux qui luttaient pour leur indépendance, sont coupables », a-t-elle ajouté.
Elle a confié qu’elle ne répond plus aux sollicitations des journalistes en France après les annonces d’Emmanuel Macron sur la période coloniale française en Algérie. « J’ai l’impression qu’on participe à cette série de mesures qui banalisent l’engagement contre la colonisation et lui font perdre sa valeur, son intensité et sa nécessité », a souligné Malika Rahal.
En mars 2021, Emmanuel Macron a reconnu la torture puis l’exécuction de l’avocat nationaliste algérien Ali Boumendjel par les paras français, en mars 1957 à Alger. Le meurtre a été maquillé en suicide. En septembre 2018, le président français a reconnu la responsabilité de l’Etat français dans la disparition du militant anticolonialiste Maurice Audin en 1957 pendant la guerre de libération nationale.
Malika Rahal a abordé, lors de la même conférence, l’enquête qu’elle mène avec l’historien français Fabrice Riceputi sur les disparitions forcées durant la guerre de libération nationale, surtout à Alger entre 1956 et 1958. Selon elle, il n’existe toujours pas de nombre exact de personnes victimes d’enlèvements en masse exécutés par les soldats français. « Combien sont-ils ces enlevés de la « Bataille d’Alger » ? Il existe différentes évaluations (…) On a parlé de 4000, 5000 ou 10.000. Le but de la situation coloniale est de gommer ces victimes, faire tomber ces colonisés dans l’oubli », a-t-elle dit.