Lancée en février 2021 par le ministère de l’Intérieur, la plateforme numérique pour la demande d’autorisation de sortie du territoire, qui « facilite le traitement » aux services de cette institution, met plutôt la misère aux citoyens algériens qui ont soumis leurs dossiers pour se rendre à l’étranger.
Refus « quasi-systématiques » avec « motif omniprésent », « mutisme » du ministère de l’Intérieur et « promesses » du ministre délégué chargé de la médiation … Des étudiants ayant obtenu leurs visas d’études, des conjoints d’européens ou des citoyens devant aller se soigner expriment leur désarroi devant cette impasse.
Le ministère de l’Intérieur, des collectivités locales et de l’aménagement du territoire a annoncé le lancement de cette plateforme le 18 février dernier. Le site, mis à la disposition des citoyens, permet d’introduire les demandes d’autorisations exceptionnelles de sortie pour des déplacements à l’étranger.
Le ministère explique cette démarche par son objectif « d’assurer une meilleure prise en charge des demandes formulées ». En théorie, les citoyens doivent ainsi introduire leurs demandes, avec les pièces justificatives, « en attendant de recevoir une réponse par email après examen des dossiers ».
Une autorisation rapidement exigée dans les aéroports par des compagnies aériennes étrangères, à l’image de Transavia, Air France ou encore ASL Airlines. A titre d’exemple, les vols reliant l’Algérie à la France concernaient ainsi les ressortissants européens et les Algériens résidant dans l’Hexagone. Les détenteurs de visa de type C, c’est-à-dire un visa de court séjour, devront, eux, présenter cette autorisation.
Cursus et personnes en danger faute d’ autorisation
Mais pas que. Des détenteurs de visas de type D, c’est-à-dire un visa long séjour, de plus de trois mois, consacré aux déplacements pour études, soins ou pour des déplacements familiaux, essuient également des refus à leurs demandes d’autorisation de sortie du territoire.
Omar a obtenu un visa de type C. Néanmoins, il s’agit d’un visa d’établissement qui équivaut, selon le Consulat de France, à un visa de type D en vertu de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Pourtant, il est interdit de quitter le territoire sans cette autorisation. « Ils ont nous redirigés vers la plateforme sur le site du ministre de l’intérieur. Il faut s’inscrire et mettre en pièces jointes les documents nécessaires. Or, les justificatifs à présenter ne sont pas mentionnés », explique-t-il à 24H Algérie.
« Beaucoup d’entre nous ont perdu leurs billets », dit-il. Mais « le pire », est « qu’aucune explication n’est donnée. Il s’agit d’un refus malgré les documents présentés, ou une demande de compléter le dossier sans nous donner la main pour le faire », raconte-t-il.
Les détenteurs de visas pour d’autres destinations, à l’image du Canada ou même la Tunisie, sont également bloqués par cette situation.
Myriam, étudiante, a déroché une bourse à l’étranger. Elle est également concernée par cette autorisation. « J’ai été refoulée à l’aéroport le 22 février 2021 sous le prétexte de ne pas avoir l’autorisation. J’ai raté le vol, ma réservation d’hôtel pour un confinement 7 jours. Des frais non remboursables », regrette-t-elle.
« Quelques jours plus tard, le gouvernement algérien a débloqué la situation pour les titulaires d’un visa français et certains visa de la zone Schengen … mais le reste aucune réponse. Une approche discriminatoire », estime la même source.
« Mutisme » du ministère de l’Intérieur, « promesses » de Karim Younes
Les citoyens qui n’ont pas été autorisés à quitter ce territoire, faute de ce document, soulignent un autre fait, encore « plus frustrant »: les motifs de refus. La majorité des personnes interrogées affirment ainsi avoir reçu « systématiquement » le même motif, lié « aux perturbations des vols internationaux, dues à la situation sanitaire ».
Le motif est d’autant plus frustrant que plusieurs compagnies étrangères sont actuellement autorisées à desservir en Algérie. Le ministère des Affaires étrangères vient d’ailleurs d’autoriser le rapatriement d’Algériens bloqués en Turquie et en France via ses compagnies.
Face à l’urgence de leurs situations et les dysfonctionnements relevés sur la plateforme, plusieurs des personnes concernées ont alors décidé de s’approcher du ministère de l’Intérieur. « Nous avons essayé de contacter les autorités au niveau du Palais individuellement puis collectivement. Personne ne nous a reçus. Les agents de sécurité et la police là bas nous ont empêchés d’entrer », fait savoir Myriam.
Ces personnes sollicitent alors le Médiateur de la République, Karim Younes, qui les as reçues, promettant de transmettre leurs doléances aux autorités concernées. « On a même essayé de contacter le maire d’Alger qui s’est présenté volontaire pour nous trouver un RDV pour rencontrer les responsables mais.. le jour J, on est encore refoulés », poursuit-elle.
Le 28 mars, plusieurs de ces personnes ont tenu un sit-in devant la Grande Poste, afin de protester contre leur situation. Hier, lundi 05 avril, un citoyen a été déplacé auprès de M. Karim Younes à bord d’une ambulance afin de demander sa médiation dans la délivrance d’une autorisation de sortie de voyage.
Le ministère de l’Intérieur n’a toujours pas réagi au désarroi de ces personnes. Nous avons tenté de contacter le département des relations presse. En vain.