« Babour El louh » (un bateau en bois), diffusé durant ce Ramadhan 2022, enregistre des records d’audience. Le feuilleton aborde la thématique de la harga et du racisme d’une manière crue.
Réalisé par le tunisien Nasreddine Shili et produit par l’algérien Imad Hanouda, « Babour El Louh« , qui est à sa première saison, est diffusé par Echourouk TV depuis le début du Ramadhan. Le feuilleton a été déjà mis sur la plateforme Yara en 2021. Ecrit par la tunisienne Faten Chadli d’après une histoire d’Abdelkader Djeriou et de Nasreddine Shili, révisée par le script doctor Smail Soufit, « Babour El Louh » est un drama social underground qui raconte l’histoire d’un quartier à Arzew, dans l’Oranais, où des jeunes sont tentés par le départ, poussés par le désespoir.
Abdelkader Djeriou, qui joue le rôle principal de Hasni, sorte de « grand frère » dans le quartier, respecté de tous, a précisé dans une émission à Echourouk news que le feuilleton ne fait pas « la promotion » de la harga mais tente de donner quelques explications sur un phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières années en Algérie.
« Nous avons tenté de montrer quelques raisons qui poussent les jeunes à partir. Pourquoi les jeunes échouent ? La harga n’est pas une solution. La marine nationale nous a fourni des données sur ce phénomène. Il existe une volonté politique pour le combattre. Ce n’est pas le cas des pays voisins qui utilisent la migration clandestine comme une carte de pression sur d’autres pays », a-t-il expliqué dans la même émission.
Départs clandestins
Choqué par la maladie de sa petite fille Aya (Ritadj Saidi), Hasni, qui a empêché son demi frère Mourad de partir, verse, lui même, dans le « commerce » de la harga en faisant traverser les jeunes vers l’autre rive pour gagner un peu d’argent afin de soigner son enfant.
Clay (Nacer Soudani) et Zahi (Tarek Bouarara), autres demi-frères de Hasni, assurent, eux aussi, les départs clandestins alors que l’officier de police Ziane (Ahmed Meddah) essaie de trouver le réseau qui organise la harga. Ziane a perdu un frère, mort en mer. Un drame qui a provoqué une maladie psychique chez sa mère.
Mourad, interprété par Rabah Abdelkrim, un jeune rappeur de Béchar, est un champion de boxe dans sa région. Malgré cela, il n’est pas sélectionné en équipe nationale. « Pourquoi ne m’ont-ils pas pris ? Parce que je suis noir ? Parce que je suis pauvre? », crie-t-il avec douleur.
Il tente la harga mais est rattrapé par ses deux frères, Clay et Hasni, à la dernière minute. Il meurt accidentellement par le feu en se bagarrant avec Diga (Abdallah Merbouh), un passeur louche.
Refus de marier une femme blanche à un homme noir !
C’est la première fois dans un feuilleton algérien que la question du racisme est posée aussi clairement. Dans une autre scène, dans l’épisode 15 du feuilleton, la mère d’Ines (Souha Walha) est hostile au mariage de sa fille avec Clay parce qu’il est noir de peau. « Elle ne se mariera pas avec un homme comme lui. Tu n’as pas pensé à tes enfants comment ils seront », a crié la mère face à sa fille.
« Est-il honteux de marier un noir avec une femme blanche de peau ? », a réagi Amar (Aziz Boukerouni), le père qui finit par rejoindre l’avis de son épouse.
Rabah Abdelkrim, qui joue pour la première fois dans une feuilleton, a expliqué, lors d’un débat télévisé, qu’il est, lui même, victime de racisme dans la vie de tous les jours. Il a déploré que les artistes de Béchar et du sud algérien en général soient toujours marginalisés par les producteurs de dramas ou de films.
Retour de Houria Baba
Chanteuse oranaise de renom, Houria Baba, qui est native de la région d’Adrar, a interprété le rôle de Houaria dans Babor El Louh. C’est la première fois qu’elle est sollicitée dans une feuilleton algérien. Elle se prépare à reprendre le chant dans la vie réelle et n’est pas contre à jouer un rôle dans un autre feuilleton.
« Babour El louh », qui réunit également des acteurs tels que Mohamed Khassani, Fadéla Hachemaoui, Souhila Maalem, Yasmine Amari et Samia Meziane, aborde aussi la question de l’adultère, du mariage forcé, de la pauvreté, de l’informel, de la corruption et du chômage.
Ce feuilleton a confirmé le clivage du publique à propos des thématiques soulevées en deux camps diamétralement opposés.Les pourfendeurs crient au tollé et pointent de l’index une fiction qui gêne et une authentique prestation de tous les acteurs.Et pour cela ils déterrerent un argumentaire qui frise le ridicule dans un déni total des faits soulevés au motif que la culture du bled ne compte parmi ses fidèles de tels profils pathologiques tournés vers le crime et la transgression du code patriarcal emprunté du dogme islamique.A l’inverse il y a d’autres points de vue qui s’originent dans les revendications du Hirak,cause pour laquelle il a été empêché d’antenne l’an passé.Et nous voilà de nouveau dans une atmosphère qui déborde le champ artistique vers d’autres horizons politiques en quête de repères autour d’une Algériannité qui ne fait pas consensus faute de compromis et d’acceptation de l’altérité et la liberté d’expression et de conscience.