Le cinéaste hongrois Gábor Reisz étonne dans son film « Bad Poems », questionne le présent et critique les égoïsmes.
Et si l’amour était « un miracle » éternel ? Vaste question à laquelle tente de répondre « Bad Poems » (mauvais poèmes), le deuxième long métrage du hongrois Gábor Reisz, projeté, dimanche 7 novembre au soir, à la cinémathèque d’Alger, à la faveur des 6ème Journées du film européen en Algérie.
« Bad Poems » est un mélange de comédie, de psychodrame, de film choral, d’œuvre surréaliste, de satire sociale et de philosophie post-moderne.
Tout se construit autour de Tamás Merthner (Gábor Reisz), un trentenaire désabusé, qui rentre d’une rupture amoureuse à Paris avec Anna (Gábor Reisz), étudiante. La scène de rupture est filmée de plusieurs angles dans un jardin parisien comme pour souligner que « l’idylle » était bel et bien terminée, même si on ne connaît pas la raison.
Arrivé à Budapest, Tamas est agacé par les panneaux publicitaires sur le poulet. Et pourtant, la création publicitaire est son métier ! Il s’étonne que la capitale hongroise ne ressemble pas à Paris. « Paris n’a jamais été bombardée », réplique son père. La bataille de Budapest, entre 1944 et 1945, est l’une des plus meurtrières de l’histoire de la deuxième guerre mondiale. Budapest fut en grande partie détruite.
Perdu dans ses pensées
Tamas retrouve sa famille, ses anciens amis et ses collègues de travail mais reste obsédé par Anna. Il est toujours perdu dans ses pensées. Son passé et ses souvenirs remontent en plusieurs temps et mouvements à la surface. Tamas est montré à 7 ans (Barna Prukner), 14 ans (Mátyás Prukner) et 17 ans (Donát Seres). Et à chaque étape, l’amour est presque impossible malgré quelques tentatives.
Tamas fait semblant pour bien paraître aux yeux des autres, toujours les autres. Il se lance dans une petite expérience picturale à 7 ans. Incompréhension. Ses tableaux n’intéressent presque personne sauf Vali, sa tante, la seule qui l’écoute, qui le conseille.
A 14 ans, il fait du water-polo mais décide d’arrêter le sport sans savoir pourquoi. Et, à 17 ans, il se réfugie dans la musique grunge, l’underground, pour « rencontrer » les filles. Il écrit secrètement des poèmes pour savoir si l’amour était « un miracle ». Un vrai. Peine presque perdue.
La crise de l’homme contemporain
Les trois temps se superposent parfois comme pour évoquer la continuité d’une existence pas toujours heureuse. Il n’y pas que la « crise » du trentenaire qui se dégage mais celle de l’homme contemporain pris dans les filets de la consommation effrénée, de l’égoïsme social, de l’absence de repères, des déchirures familiales et des faux sentiments.
Et si l’amour n’était qu’un rêve et la vie un mystère ? Gábor Reisz verse dans l’onirique, les scènes ressemblent parfois à des tableaux de peinture en folie, comme celle de la rencontre amoureuse dans un champ de lavande. Le cinéaste ne manque pas, dans la foulée, dans une forme presque absurde, de brocarder la classe politique hongroise dominée depuis plus de vingt ans par l’extrême-droite menée par un certain Viktor Orbán qui considère que « les musulmans étaient « un danger pour la civilisation européenne ».
Obsessions sécuritaires
Cette idée raciste est présente dans un dîner de famille durant lequel Tamas ne se retrouve plus, reste silencieux, se contente de manger son gâteau !
Les obsessions sécuritaires de l’Europe post 11 septembre 2001 sont également évoquées avec humour dans le film « Bad poems » dont le sous-texte est intensément politique.
« Bad poems » complète avec finesse « For Some Inexplicable Reason » (pour certaines inexplicables raisons), le premier long métrage de Gabor Reisz qui évoque la crise existentielle d’un jeune homme en rupture de ban avec la société.