Benabdallah Djellab est comédien au théâtre régional de Sidi Bel Abbes. Il monte sur scène depuis plus de trente ans. Son expression « Ma hlou » (eau douce) dans la série « Wlad El hlal » réalisée par le tunisien Nasreddine Shili, et diffusée par en 2019, est devenue célèbre en Algérie. Il a campé avec force le rôle du mystérieux Fraj, le porteur d’eau.
Pour ce Ramadhan 2021, Benabdallah Djellab est distribué dans le sitcom « Fel 90 » d’Abdelkader Djeriou, diffusée par Echourouk TV. Il cumule déjà une douzaine de travaux pour la télévision. Il a notamment interprété un rôle dans le feuilleton « Aissat Idir » du jordanien Kamel Laham et « Rijal el forkan » du syrien Khaled El Khaled. Il accorde rarement des interviews à la presse.
24H Algérie: Vous réclamez à plusieurs reprises la constitution d’une équipe nationale du théâtre. Pourquoi ?
Benabdallah Djellab: Il existe beaucoup de jeunes talents vivant dans des zones reculées, marginalisées, qui ont besoin d’être visibles sur la scène artistique. Là où ils sont, ils ont déjà acquis une certaine expérience avec des troupes locales de théâtre ou de musique. Ces talents éparpillés échappent aux couvertures médiatiques. Doit-on les laisser dans cette situation ou plutôt leur donner l’occasion de monter sur scène ? Aussi, ai-je proposé depuis plusieurs années de créer une équipe nationale de théâtre.
Certains vous diront qu’il existe déjà un théâtre national à Alger…
Cela n’empêche pas de créer cette équipe qui sera formée de meilleurs comédiens, metteurs en scène et scénographe. Cela se fera par roulement chaque année. Si de chaque wilaya nous prenons un comédien, nous aurons un nombre appréciable. Et, il sera possible de monter de grands spectacles avec par exemple trente comédiens sur scène.
Autre exemple : les lauréats du Festival national du théâtre professionnel d’Alger (FNTP) peuvent être sollicités pour renforcer chaque année l’équipe. Et cette équipe nationale du théâtre aura la charge de représenter l’Algérie à l’étranger et d’être programmée dans les cérémonies d’ouverture de toutes les manifestations culturelles liées au théâtre en Algérie.
Revenons à votre carrière. Vos débuts avec le théâtre remontent à mars 1984 à Sidi Bel Abbes.
Oui. Mon premier spectacle était « Ala khota al ajdad » (sur les pas des ancêtres), écrit par Dris Gargoua et mis en scène par Azzedine Abbar. J’ai joué également des les pièces « Rahou yekhref » de Youcef Mila et Mohamed Kadri, « Ghobrat el fhama » (poussière d’intelligence) de Hassan Assous, d’après l’oeuvre de Kateb Yacine, « En attendant Godot » de Azzedine Abbar. Je n’ai jamais cessé de jouer. Il est vrai que je fais peu d’interviews aux médias, je n’apparais pas à la télévision. Je suis un comédien qui rase les murs le jour et qui marche en plein route la nuit.
Pourquoi ?
J’ai l’impression que les gens ne me comprennent pas quand je parle.
D’où votre célèbre expression sur Facebook : « nskout khir » (je me tais, c’est mieux) !
Voilà. Mais, en même temps, je parle, mais les amis ne remarquent que « nskout khir ». Il faut parfois lire entre les lignes.
Quel est votre regard sur le théâtre fait en Algérie actuellement ? Vous êtes souvent pessimistes…
Le théâtre et l’art en Algérie sont dans le coma. Ils sont malades. Avec le Festival national du théâtre professionnel d’Alger et le Printemps théâtral de Constantine (organisés en mars 2021), nous sommes partis au chevet du théâtre pour lui remettre des roses. J’espère qu’avec ces deux événements, le théâtre reprendra ses forces.
Quelle est la cause de la maladie ?
Je ne sais pas. Peut-être à cause du public, du secteur de la culture. Pour dire vrai : le théâtre n’est pas l’enfant préféré du ministère de la Culture. Le théâtre ne fait pas peur car le public connaît tout aujourd’hui, est au courant de tout grâce aux réseaux sociaux, internet. Notre public a besoin de se reposer des pressions qu’il vit en extérieur.
« Benabdallah Djellab : je suis né artiste »
Le théâtre actuel est-il peu divertissant ?
Aujourd’hui nous sommes face à cette situation. Chacun réclame un genre particulier du théâtre : le public, les théâtres régionaux, les critiques…Il existe parfois des demandes du secteur de la culture pour les théâtres régionaux afin de monter des pièces liées à des événements historiques ou autre.
Or, les comédiens veulent faire du théâtre qui s’adresse au public. Les spectateurs aspirent à se voir sur scène, voir ce qu’ils vivent au quotidien. Les théâtres régionaux peuvent produire annuellement au moins deux spectacles, l’un s’adresse au grand public, l’autre à l’élite (…) Il m’arrive de quitter la salle après un quart d’heure car je ne suis pas attiré par le spectacle. Je sors sans rien dire.
Le spectacle grand public est censé donc faire des entrées pour le théâtre régional
Oui, parce qu’il faut arrêter d’attendre les subventions. Les théâtres doivent se prendre en charge sur le plan financier.
Etes vous d’accord avec Ahmed Rezzak qui revendique « le théâtre populaire »?
J’ai eu une expérience avec Ahmed Rezzak dans la pièce « Torchaka » qui a été présentée au moins une cinquantaine de fois dans des salles archi combles. Certains spectateurs sont revenus plusieurs fois la revoir. Aussi, faut-il encourager ce genre de théâtre parce qu’il plaît au public, fait remplir les salles, réalise des recettes. Comme pour les spectacles d’Ahmed Rezzak, les pièces montées par Abdelkader Djeriou ont attiré du monde au théâtre régional de Sidi Bel Abbes et ailleurs comme pour « Dellali »…
Pourquoi ce genre de pièces plaît au public ?
Ces pièces permettent au public de respirer un peu. Il sent que tel ou tel comédien le représente, parle en son nom. Les gens viennent au théâtre pour se reposer un peu, pas pour en sortir fatigués. Nous voulons que ce théâtre soit montré à la télévision.
Qu’en est-il pour le théâtre pour jeunes, pour les adolescents ?
Je suis pour ce genre de théâtre. Annuellement, les théâtres régionaux peuvent produire des pièces pour chaque public (enfants, jeunes, adultes). Chaque théâtre agit selon ses moyens.
Où vous vous sentez mieux : en rôles comiques ou dramatiques?
Dans les deux. Je n’ai pas de préférence. Et j’essaie de jouer juste.
Et pour le cinéma ?
Il n’y a pas encore eu d’occasions. Et, je ne sais pas s’il y en aura. Avec l’âge que j’ai, je peux être dans le rôle d’un père ou d’un grand-père(…) Je n’aime pas que mes travaux au théâtre ou à la télévision se ressemblent, camper les mêmes personnages. J’ai commencé très jeune dans le théâtre avec l’Association El Moudjahid de Sidi Bel Abbes.
Vous êtes venus par amour au théâtre
Je suis né artiste.
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