Benjamin Stora appelle la France à nettoyer les lieux des explosions atomiques dans le sud algérien

0
Benjamin Stora appelle la France à nettoyer les lieux des explosions atomiques dans le sud algérien
Google Actualites 24H Algerie

L’historien français Benjamin Stora a appelé la France à procéder au nettoyge des sites où des explosions nucléaires ont eu lieu dans le sahara algérien dans les années 1960.


« La France a procédé à de nombreux essais nucléaires avant et après l’indépendance de l’Algérie. Dix sept essais nucléaires, c’est considérable. J’ai préconisé de désigner une commission qui peut déterminer les lieux exacts où ces « expérimentations » ont eu lieu. Une fois l’identification des lieux faite, il faut procéder au nettoyage. La forme de réparation serait d’enlever et de nettoyer ces déchets, produits des essais nucléaires qui ont fait de nombreuses victimes après l’indépendance. Cela fait trois générations », a-t-il déclaré, lundi 10 février 2025, dans une interview à la chaine internationale algérienne Al24 news.
Entre 1960 et 1966, la France a effectué 4 essais aériens à Reggane et 13 essais souterrains à In Ecker, au nord de Tamanrasset. « Gerboise bleue » était le nom de code donné à la première bombe au plutonium (bombe A) qui a explosé le 13 février 1960 à 7h du matin à El Hammoudia, à Reggane.
La puissance de la bombe était de 70 kilotonnes, quatre fois plus forte que Little Boy, la bombe à base d’uranium, larguée par les américains le 6 août 1945 sur la ville japonaise d’Hiroshima (15 kilotonnes).


« 3 millions de mines »


Benjamin Stora a rappelé aussi les mines antipersonnelles laissées par l’armée coloniale française au niveau des frontières avec la Tunisie et le Maroc. « Ces mines n’ont pas toutes explosées ou enlevées. Au total, la France avait posé, avant de partir, 3 millions de mines qui ont continué à faire malheureusement beaucoup de dégâts après l’indépendance. Donc, il faut suivre ce qui s’est passé après 1962. Cela fait partie des chantiers mémoriels qui sont suspendus », a-t-il noté.
Benjamin Stora a qualifié la crise politique actuelle entre l’Algérie et la France de la plus grave depuis celle de 1971. « Il y a eu plusieurs fois des crises entre les deux pays, celle de 1971 était liée à la nationalisation des hydrocarbures. La crise actuelle est la plus importante parce qu’il s’agit d’une rupture de confiance », a-t-il soutenu.
Il a évoqué le rapport qu’il a remis au président français Emmanuel Macron en janvier 2021 sur la mémoire.
« On pourrait rétablir cette confiance en revenant à la question de la mémoire, de la réparation, l’application de certaines recommandations que j’avais préconisé dans mon rapport. Il y a aussi des questions très politiques comme celle du Sahara Occidental, pas uniquement celle de la mémoire. La question politique est venue percutée le travail sur la mémoire qui avait commencé. On oublie trop souvent qu’avant ce gel entre les deux pays, il y a eu l’installation d’une commission mixte d’historiens », a-t-il dit.


« Un fraction de la société française favorable à la monarchie marocaine »


Il a précisé que cette commission, composée de cinq historiens algérien et cinq historiens français, s’est réuni cinq fois, après l’annonce de sa désignation en août 2022, lors de la visite du président français Emmanuel Macron en Algérie. « La commission s’est réunie en Algérie et en France. J’entends souvent en France que l’Algérie n’a pas tendu la main, n’a pas répondu. En fait, non. La commission s’est réunie à Alger aux archives nationales algériennes que nous avons pu visiter. Nous avons été au Musée national du Moudjahid, au Musée nationale de l’armée, nous sommes allés à Constantine, ma ville de naissance. Donc, il y a avait toute une activité. Cette activité historique et mémorielle a été perturbée par des considérations politiques (…) il va falloir retrouver cette confiance pour ouvrir de nouveau le chantier mémoriel sur les graves questions qui touchent les deux pays », a-t-il dit.
L’Algérie a rappelé, fin juillet 2024, son ambassadeur à Paris, après la décision d’Emmanuel Macron de considérer « le plan d’autonomie marocain » comme « une solution » au conflit du Sahara Occidental.
A une question sur ce changement de position Benjamin Stora a estimé qu’il existe une « fraction dans la société française » qui a « été toujours en faveur de la monarchie marocaine ». « Et ceci, depuis plusieurs années. Elle a toujours manifesté ce penchant sur la question du Sahara Occidental en particulier. Donc, oui, je pense qu’il y a eu des pressions. Il y a des groupes qui sont très influents à l’intérieur de la société française à travers des chaînes de télévision, des médias. Ils sont très puissants aujourd’hui, beaucoup plus qu’auparavant. Il faut prendre la mesure et l’importance de la nouvelle puissance médiatique d’une droite dure, d’une droite extrême dans la société française. Cela a fini à peser sur la vie politique interne en France », a-t-il analysé.

Benjamin Stora a rappelé les dégâts et les atrocités de la colonisation de peuplement imposée par la France à l’Algérie à partir de 1830. « C’est la dépossession foncière, les massacres dont certains ont touché des régions entières comme à Laghouat, les enfumades (du Dahra), la prise de Constantine qui fut très violente en 1837, le siège de la ville de Constantine a duré un an. On trouve trace de ces atrocités du début de colonisation dans les mémoires de certains officiers français. Il y a le livre « L’honneur perdu de Saint-Arnaud » de François Maspero. Ce livre reprend toutes les lettres racontant les campagnes de la conquête coloniale. C’était absolument terrible. Le travail des historiens des deux pays est porter au public ce qui a été cette histoire (…) Il n’y a pas de drames pour ceux qui ont profité de cette colonisation en s’installant en Algérie. Mais, c’est un drame pour ceux qui ont subi cette grande violence avec des déplacements de population, des dépossession jusqu’à la perte de noms », a rappelé l’historien.

Article précédentAllocation touristique de 750 euros : Tebboune convoque une réunion sur les modalités d’application de la mesure

Laisser un commentaire