Les Etats-Unis de Joe Biden ont annoncé mercredi une remise à plat de la politique américaine au Moyen-Orient, avec un «réexamen» du soutien militaire aux monarchies du Golfe et une reprise envisagée du dialogue avec l’Iran qui «prendra un certain temps».
L’avenir de l’accord sur le nucléaire iranien, dont Donald Trump avait retiré Washington, s’annonce comme une des priorités les plus pressantes sur la scène internationale.
Or, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, au lendemain de sa prise de fonctions, a immédiatement temporisé.
«Le président Biden a dit très clairement que si l’Iran respecte à nouveau pleinement ses engagements» de l’accord de 2015, «les Etats-Unis en feront autant», a-t-il déclaré lors de sa première conférence de presse.
«L’Iran a cessé de respecter ses engagements sur plusieurs fronts. Cela prendra un certain temps, s’il prend cette décision, de revenir dans les clous, et il faudra aussi du temps pour que nous puissions évaluer s’il respecte ses obligations. Nous en sommes loin, c’est le moins que l’on puisse dire», a-t-il prévenu.
Surtout, les tractations s’annoncent ardues, puisque Téhéran exige au contraire que ce soit Washington qui fasse le premier pas en levant les sanctions américaines avant toute chose. Antony Blinken est resté vague sur la manière dont il envisage de résoudre ce casse-tête. Il s’est entretenu mercredi avec ses homologues français, britannique et allemand, très attachés à l’accord iranien.
L’accord censé empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique a été conclu en 2015.
Mais en 2018, l’ex-président républicain en a claqué la porte, jugeant qu’il était insuffisant pour endiguer les «activités déstabilisatrices» de la République islamique au Moyen-Orient. Il a dans la foulée rétabli puis durci toutes les sanctions américaines contre l’Iran, qui en retour a commencé à se désengager des limites imposées à son programme nucléaire.
Joe Biden estime lui qu’il faut avant toute chose sauver cet accord pour éviter l’émergence d’un Iran nucléaire.
«Pire crise humanitaire»
«Ensuite, nous utiliserions cela comme un point de départ pour bâtir, avec nos alliés et partenaires, ce que nous avons appelé un accord plus durable et plus fort, pour gérer plusieurs autres sujets qui sont très problématiques dans la relation avec l’Iran», a réaffirmé Antony Blinken sans entrer dans les détails. «Mais nous en sommes loin», a-t-il insisté.
Parallèlement, le secrétaire d’Etat a engagé une revue des dernières décisions controversées du précédent gouvernement.
Premier résultat spectaculaire: Washington a suspendu les ventes d’armes «en cours» le temps de les «réexaminer» pour s’assurer qu’elles répondent à ses «objectifs stratégiques», a annoncé mercredi le département d’Etat. Parmi ces transactions gelées figurent des munitions de précision à l’Arabie saoudite et surtout 50 chasseurs furtifs F-35 aux Emirats arabes unis.
Ryad, avec le soutien d’Abou Dhabi, dirige une coalition militaire auprès du gouvernement du Yémen dans le conflit qui l’oppose aux rebelles Houthis, appuyés par l’Iran.
Antony Blinken s’était engagé la semaine dernière à «mettre fin» au soutien américain à cette coalition, accusée de nombreuses bavures contre les civils yéménites. Il a souligné mercredi qu’elle avait «contribué à ce que l’on considère souvent comme la pire crise humanitaire au monde actuellement».
Par la même occasion, il a confirmé le réexamen «de manière très urgente» de l’inscription des Houthis sur la liste noire américaine des «organisations terroristes», critiquée de toutes parts car elle risque d’entraver l’acheminement de l’aide humanitaire dans les vastes territoires contrôlés par les rebelles.
Ces décisions traduisent une évolution importante des équilibres des alliances américaines, tant le royaume saoudien était, avec Israël, le pilier incontournable de la politique anti-Iran de Donald Trump.
La suspension de la vente de F-35 aux Emirats est aussi particulièrement emblématique car elle avait été décidée à l’automne, après des années de résistance, en échange de la reconnaissance d’Israël.
Cette normalisation historique des relations avec l’Etat hébreu décrochée in extremis par Donald Trump auprès des Emirats, de Bahreïn, du Maroc et du Soudan a été «applaudie» par Antony Blinken. Mais il a prévenu qu’il avait déjà commencé à «regarder» les «engagements» pris par Washington pour arracher ces accords, afin d’en avoir «une compréhension exhaustive».
Reviendra-t-il sur la vente des F-35 ou sur la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental? Le nouveau ministre n’a pas répondu dans l’immédiat.