La jeune chanteuse américaine Black Assets participe depuis le 24 février 2022 et jusqu’au 13 mars à la résidence artistique « OneBeat Sahara« . Après une première session à Taghit (Béchar), la résidence se poursuit à Alger avec un deuxième concert prévu le vendredi 11 mars à l’Opéra d’Alger Boualem Bessaih. Un premier concert a eu lieu à Zaouia Tahtania, à Taghit, le samedi 5 mars. Black Assets est une chanteuse de gospel, de soul, de funk et d’indie pop (dérivé du punk). Son dernier EP porte le titre de « A dark december » (un décembre noir).
24H Algérie: Vous participez à la résidence « OneBeat Sahara » en Algérie avec d’autres jeunes artistes venus de huit pays. Parlez-nous d’abord de cette participation ?
Black Assets: C’est la première fois que je viens en Afrique. Je découvre l’Algérie et Taghit. Je me sens chanceuse et bénie d’être ici. J’ai l’impression de ne pas pouvoir quitter l’Algérie. Ce qui est sûr est que je reviendrai dans ce pays.
Et pourquoi n’êtes vous jamais venue en Afrique auparavant
Black Assets: J’ai grandi au sein d’une petite communauté dans une petite ville au Mississipi puis au Maryland (Baltimore). Ma famille est modeste, n’a jamais eu les moyens pour voyager à l’étranger. Je suis heureuse que la musique ait pu me ramener sur la terre où mes parents et ancêtres n’ont pas pu revenir.
Comment êtes-vous venue à la musique ? Votre voix est celle d’une chanteuse gospel
Black Assets: Vous avez raison. J’ai appris le chant dans une église (chorale) où j’ai pu développer ma voix. Je chante du blues, du R’n’B, d’autres influences venues de partout. Grâce à tout cela, je peux produire mon propre son.
Le gospel est-il une bonne école du chant ?
Black Assets: Ah, oui, absolument ! Cela vous apprend l’improvisation, l’éducation de l’oreille à l’écoute de la musique, la narration d’une histoire à travers une chanson, surtout celle de la souffrance, et le chant correct. Le gospel vous apprend à sentir la musique, l’esprit musical, l’émotion.
De votre manière de chanter apparaît justement une grande émotion…
Black Assets: Quand je chante, je sens que je transmet la voix de mes ancêtres. Je n’arrive pas à contrôler cela, c’est plus fort que moi. La musique m’a donné un espace de liberté où je peux m’exprimer comme je l’entends…
Et que veulent dire vos ancêtres aujourd’hui ?
Black Assets: Ils auraient été fiers. Ils m’auraient dit de continuer, de perséverer, de raconter nos histoires, de ne jamais cesser de le faire, de poursuivre sur la voie du gospel, l’art qui me permet de bien m’exprimer. J’espère seulement que mes ancêtres me disent que j’ai bien fait de choisir cette voie.
Est-ce que la musique a permis aux afro-américains de dire ce qu’ils sont, leur identité, d’où ils viennent ?
Black Assets: La musique était l’unique moyen pour les afro-américains de s’exprimer d’une façon libre et directe, de dire d’où ils viennent. Le monde est dur à notre égard. Les noirs arrivent à répondre, à s’exprimer, par la musique quel que soit le style.
Le 20 janvier 2009, Aretha Franklin a chanté, devant le Capitole, à Washington, lors de l’investiture de Baraka Obama, premier président noir des Etats-Unis. Qu’est-ce que cela signifie pour vous aujourd’hui ?
Black Assets: Ce moment était très significatif pour moi. Cela a démontré jusqu’où les afro-américains pouvaient arriver en politique. Aretha Franklin est la reine de la soul, une icône, qui a bien représenté le gospel et la soul dans le lieu le plus prestigieux des Etats Unis.
Les Etats Unis ont connu plusieurs grandes chanteuses noires comme Natalie Cole, Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Dee Dee Bridgewater, Nina Simone, Dionne Warwick, Aretha Franklin, Whitney Houston, Patti LaBelle, Tina Turner…Quelles sont celles qui peuvent être un modèle pour vous?
Black Assets: Pour moi, c’est Aretha Franklin, Whitney Houston, Tina Turner, The Clark Sisters, et, évidemment, Nina Simone, bref, toutes ces chanteuses sont des modèles pour moi. Leurs chansons sont écoutées partout dans le monde aujourd’hui.
Ici, à Taghit, qu’est-ce que vous avez appris lors de la résidence « OneBeat Sahara », en rencontrant des artistes d’autres pays dont l’Algérie ?
Black Assets: J’ai appris, par exemple, le lien qu’il existe entre la musique gnawa (diwane) et le gospel. Je commence à faire des recherches sur le sujet parce que la musique gospel est très importante pour moi. Ici, je me sens chez moi. Aux Etats Unis, les chanteurs qui dansent dans une église sont traités de fous (chorales de gospel). Ici, on fait la même chose avec plus de liberté (les troupes de diwane lors de spectacles).
Le but de ce genre de résidences artistiques est de rapprocher les gens. Aujourd’hui, on parle de guerre, de xénophobie, de haine, de racisme…Que peuvent faire les artistes pour que le monde devienne meilleur ?
Black Assets: Nous sommes en train de le faire maintenant. Il existe un risque d’une grande guerre. Nous sommes en train de diffuser un message de paix, d’unité, d’amour…Cela met un peu de lumière au milieu de toute cette obscurité. Nous pouvons faire changer les choses. Il n’est pas facile pour un afro-américain de s’asseoir à la même table d’un ambassadeur pour parler des problèmes de sa communauté. La musique m’a permis de le faire (Black Assets a partagé la même table que l’ambassadrice des Etats Unis à Alger Elizabeth Moore Aubin lors d’un dîner à l’hôtel Saoura à Taghit)…
Avons-nous besoin aujourd’hui d’un autre « We are the world » (chanson interprétée en 1985 par 22 stars de la musique américaine dont Ray Charles, Michael Jackson, Stevie Wonder, Kenny Rogers, Tina Turner, Billy Joel, Cyndi Lauper, Bruce Springsteen…pour collecter des fonds pour l’Ethiopie alors frappée par la famine) ?
Black Assets: Je pense que oui. Nous avons besoin d’un autre « We are the world ». J’ai beaucoup aimé cette chanson lorsque j’étais petite (« We are the world » est l’un des singles les plus vendus au monde de toute l’histoire de la musique).
* A la fin de l’interview, Black Assets a interprété a cappella le refrain de « We are the wolrd » (chanson écrite par Michael Jackson et Lionel Richie).