La reconnaissance par Trump de la souveraineté marocaine sur les territoires sahraouies sape dangereusement des décennies de politique américaine soigneusement élaborée, estime un ancien conseiller à la sécurité du président sortant.
L’annonce du président américain sortant reconnaissant « la marocanité » du Sahara Occidental, a « brisé un engagement américain perçu comme inébranlable et que j’ai essayé de défendre et de faire avancer lorsque j’étais conseiller à la sécurité, bien souvent contre la volonté du département d’Etat qui tentait de trouver un moyen de renforcer le contrôle du Maroc sur le Sahara occidental », a estimé John Bolton l’ancien conseiller à la sécurité de Donald Trump.
Ce responsable qui avait quitté l’administration Trump en 2018 estime dans cette tribune publié par le très sérieux Foreign Policy dans le cadre d’une série d’articles sur la transition Biden. Le nouveau locataire de la Maison Blanche, affirme M. Bolton, doit inverser la trajectoire et annuler la décision du président sortant
La normalisation pouvait se faire sans sacrifier les Sahraouis
« La reconnaissance par Trump de la souveraineté marocaine (sur le Sahara occidental) mine dangereusement des décennies d’une politique américaine soigneusement mise au point », a déploré, en outre, John Bolton. Reprenant les arguments du sénateur américain pro-sahraoui James Inhofe, il a estimé que les Marocains et les Israéliens auraient pu normaliser leurs relations sans pour autant sacrifier le peuple sahraoui, mettant en avant une volonté de rapprochement existant de part et d’autre depuis des années et des relations officieuses plutôt « chaleureuses ». « La meilleure chose à faire pour Biden dès son investiture serait d’annuler la décision relative à la souveraineté marocaine.
Ce ne sera pas facile étant données les attentes, mal inspirées, du côté de Rabat et (d’Israël). Si Biden veut faire un revirement de 180 degrés, il devra le faire immédiatement après son installation, cela minimisera les dégâts », a soutenu Bolton. Selon lui, Biden et ses conseillers pourraient dire que la volte-face de Trump était en cours d’examen, en « insistant sur le fait que le référendum reste un pré-requis pour que les Etats-Unis considèrent le problème sahraoui comme résolu ».
La Maroc saborde depuis presque trois décennies la tenue du référendum d’autodétermination
Le Maroc, soutenu par la France, a passé près de trois décennies à tenter d’empêcher la tenue du référendum pour l’autodétermination du peuple sahraoui », a assuré, mardi, l’ancien conseiller à la sécurité du président américain Trump, John Bolton. « Avec la France et d’autres alliés au Conseil de sécurité (le Maroc) a tenté, malheureusement avec un certain succès, de perturber (l’application) de la résolution 690 relative au référendum », a-t-il indiqué dans une tribune publiée sur le magazine en ligne, Foreign Policy. « Rabat a fait une multitude de pseudo-propositions d’autonomie, dont aucune ne pouvait être acceptée par le Polisario », suggérant (globalement) un référendum où il fallait choisir entre une intégration au territoire (marocain) et une « autonomie ».
Pour les Sahraouis, « c’était une offre à prendre ou à laisser qui a toujours été inacceptable », a-t-il expliqué. Bolton a rappelé que « du point de vue marocain, ce genre de processus de paix prétendue pouvait durer éternellement », signalant que « non seulement le Maroc contrôle militairement de vastes pans du territoire sahraoui, mais il s’emploie à envoyer des vagues successives de Marocains pour s’installer dans les territoires tentant ainsi de noyer la population sahraouie ».
Les Sahraouis clairs : le referendum ou la guerre
John Bolton a tenu à rappeler que « le Polisario n’a pas abandonné sa guerre pour un processus de paix, mais pour un référendum », faisant allusion au cessez-le-feu, entré en vigueur en1991 et rompu le 13 novembre dernier. « Si le Maroc n’accepte pas un référendum, cela ne mérite pas un cessez-le-feu ou un faux processus de paix », a-t-il tranché. « Le Polisario vit un moment crucial et sa décision serait totalement justifiée s’il revenait aux armes », a-t-il affirmé. « Pour le Polisario, la volte-face de Trump est plus que décevante » , a-t-il noté faisant référence à l’annonce faite par le président américain sortant au sujet de la reconnaissance par son pays de prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
L’Algérie aurait dû être consultée
L’ancien chef du National Security Council (NSC) pense que l’Algérie aurait dû être consultée par les Etats-Unis avant que l’annonce de Trump ne soit faite, au même titre que « le Polisario, la Mauritanie et d’autres pays concernés par la question ». « L’approche désinvolte (de Trump) visant à annoncer une autre victoire superficielle provoquera d’importants problèmes de stabilité au Maghreb », a-t-il ajouté. « C’est ce qui se produit lorsqu’un amateur prend en main la diplomatie américaine », a-t-il relevé accusant Trump d’être incapable de traiter des questions politiques complexes et d’avoir une propension à faire des « deals », faisant allusion à son profile d’homme d’affaires. « J’étais dans le bureau ovale le 1er mai 2019, lorsque le sénateur d’Oklahoma (James Inhofe) expliquait pourquoi il était en faveur d’un référendum. Trump lui dit alors qu’il n’avait jamais entendu parler du Sahara occidental et Inhofe répondit: Nous en avons déjà parlé mais vous ne m’écoutiez pas », raconte Bolton.