Si vous voulez avoir l’air de comprendre un peu la peinture moderne, surtout celle de Picasso, son représentant emblématique, alors rabattez-vous vite sur le livre de Brassaï : Conversations avec Picasso, aux Éditions Gallimard.
Brassaï est un des plus grands photographes du XXème siècle, au même titre que Cartier-Bresson, Lartigue, Doisneau, pour ne citer que les Français. Doté d’une grande culture, peintre, sculpteur, cinéaste, Brassaï est un touche-à-tout génial et Picasso le charge de réaliser le répertorie photographique de ses sculptures. Ce qui va être à l’origine de la proximité exceptionnelle entre les deux hommes.
Le livre est le résultat de ces années de collaboration. Et Brassaï possède au plus haut degré l’art de raconter, aidé par une prodigieuse mémoire.
C’est peu dire que Picasso est un personnage complexe. Peintre hors du commun, il a marqué de son empreinte indélébile l’art du XXème siècle. Mais en privé, c’est un bonhomme plein de charme, tout en rondeurs, parfois tout en épines. Avec ses humeurs, ses manies. Et son amour légendaire des femmes, qu’il croquait dans les deux sens du terme. D’une humilité déconcertante, il reçoit chez lui tous ceux qui frappent à sa porte, les artistes, les grands noms de la poésie et de la littérature, comme les simples gens motivées par la curiosité.
Brassaï nous raconte tout cela avec beaucoup de bonheur , sans chichi, avec humour. Rien n’échappe à son « œil photographique ». De la manière de travailler de Picasso aux anecdotes les plus truculentes. De son entourage, avec l’inénarrable Sabartès, l’ami d’enfance, gardien du temple et grand ordonnateur des journées du Maître.
C’est aussi un récit historique qui nous décrit la vie à Paris pendant l’occupation allemande, le monde artistique, l’immédiat après-guerre. Si le livre parle de Picasso, on s’attache autant à ce personnage haut en couleurs qu’ au narrateur, témoin privilégié qui nous prête son regard généreux à souhait.
Quand je pense à Picasso, je pense toujours à ma nièce qui, toute petite, n’arrivait pas à retrouver le nom de Picasso et qui dit simplement à son père : « celui qui dessine comme les enfants. ». J’aime à penser que cette définition aurait plu à Picasso qui, lorsqu’il peignait, ne tolérait que la présence des enfants.