On ne peut empêcher une catastrophe naturelle de survenir. Et on ne peut faire porter à des dirigeants, aussi incompétents soient-ils, la responsabilité de la colère de la nature. Ces choses terribles arrivent et nous rappellent que l’être humain ne peut tout contrôler. Les images des feux, notamment en Kabylie mais aussi ailleurs en Algérie et dans le reste de la Méditerranée, nous rappellent à quel point l’environnement demeure fragile.
Il ne sert à rien de parler de complot ou de je ne sais quelle main étrangère pour évoquer ces incendies. Comme l’ont remarqué nombre de confrères, c’est la solidarité avec les victimes qui prime. Dans cette sidération que nous impose l’accumulation de catastrophes, celle, sanitaire, liée à l’épidémie de Covid-19 n’étant pas la moindre, la mobilisation, le don et l’empathie sont plus que jamais nécessaires.
Mais il n’est pas interdit de réfléchir à la suite des événements. A ce qui nous attend. Beaucoup auront noté cette sombre coïncidence. Au moment même où des centaines de feux embrasent l’Algérie et de nombreux points de la planète, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publiait un rapport confirmant la gravité de la situation. Le changement climatique est un phénomène global auquel aucun pays, Algérie comprise, n’échappera.
Pour dire les choses clairement et sans aucun catastrophisme, cela devrait être un sujet d’urgence nationale. Croire que l’on s’en sortira grâce à un miracle ou à une modification soudaine de la tendance est illusoire.
Le rapport du GIEC nous dit que les événements climatiques extrêmes (incendies, inondations, canicules, vagues de froid) vont augmenter.
En Méditerranée, on commence à voir se multiplier des tornades à proximité des côtes sans parler de pluies diluviennes résultat de la forte évaporation des eaux marines en été. En conséquence, il est urgent de s’y préparer. Il est absolument inadmissible que la question de la préparation aux chocs engendrés par le réchauffement climatique ne fasse pas l’objet d’un débat national et de la mise en place d’une politique dédiée.
Entendez-vous un responsable algérien parler de cette question ? Aborder les thèmes environnementaux ? La chose est rare. On dira qu’il n’y a pas que dans ces domaines que la parole publique est muette ou plus que discrète. Certes, mais il s’agit ici de vie, tout simplement.
Dans quelques semaines, nous allons commémorer l’anniversaire des inondations de Bab-El-Oued qui avaient endeuillé la capitale et le pays en novembre 2001. Vingt ans déjà ! Plusieurs centaines de morts, des quartiers dévastés par les coulées de boue et un traumatisme national alors que l’on sortait à peine d’une décennie de violences.
A l’époque, déjà, la non-préparation des autorités avaient été pointée du doigt. Car, si l’on ne peut empêcher une catastrophe naturelle, on peut anticiper au mieux pour l’affronter et réduire ses dégâts. Le réchauffement climatique, les dérèglements des courants maritimes océaniques qui régulent les températures dans l’hémisphère nord, vont fatalement provoquer de nouvelles pluies diluviennes et donc, des inondations.
Catastrophes et prévisions
En Scandinavie, des pays comme le Danemark, ont décidé d’élargir les conduits d’égouts de façon à ce qu’ils puissent supporter des écoulements plus importants et plus violents. Au Portugal comme en France ou en Espagne, des réflexions sont menées à propos des installations à imaginer pour atténuer la furie des eaux.
Qu’en est-il d’Alger ? De Constantine ou d’Annaba ? Quels sont les budgets alloués ? Quelle est la politique menée ? Où sont les rapports publics de préparation à de tels événements qui, il ne faut pas l’oublier, concernent aussi le civisme des citoyens. Boucher une conduite d’égouts en y déversant des gravats ou des immondices est aussi grave que de craquer une allumette ou de jeter une bouteille de bière dans une forêt.
Au début des années 1970, l’Algérie était citée en exemple lors des conférences sur l’environnement. A l’époque, on louait son programme de rétention des sables du Sahara grâce au fameux barrage vert. Certes, ce ne fut pas une réussite mais ce ne fut pas non plus un échec total. Planter un arbre n’est jamais inutile.
Bien sûr, nombre d’appelés du service militaire ont gardé un mauvais souvenir de ces campagnes de reboisement passées à patauger dans la glaise et à se nourrir d’un misérable casse-croûte après plusieurs heures d’efforts. Mais l’idée était bonne. Et elle le demeure. Pourquoi ne pas la ressusciter ? Je fais ici, le pari, que des milliers de jeunes sans emploi seraient ravis de trouver du travail dans le domaine du reboisement. Encore faut-il une stratégie et une volonté politique.
Ces derniers jours, de nombreuses critiques se sont abattues contre nos autorités. Elles sont fondées. Qu’est-ce que ce pays qui a engrangé 1000 milliards de dollars de recettes en vingt ans et qui ne dispose pas de moyens de lutte dignes de ce nom pour circonscrire les incendies alors que cela fait soixante ans que la période estivale est marquée par ces sinistres. Au passage, on remarquera que le débat est le même en Grèce, pays où les autorités politiques préfèrent acheter des sous-marins et des avions de chasse plutôt que des avions de type canadair…
Au-delà des discours autosatisfaits et, disons-le franchement indécents eut égard à ce que vivent nombre de citoyens – qu’il s’agisse de la Covid-19 ou des incendies –, il est temps de comprendre que ce siècle sera celui du défi climatique. Et qu’il est temps de se préparer sérieusement aux catastrophes qui viennent.