Le Président Abdelmadjid Tebboune est revenu, dans une interview accordée à la chaîne internationale Al24 news, diffusée dimanche 31 juillet, sur les relations extérieures.
Le chef de l’Etat a parlé de la parade militaire organisée le 5 juillet 2022 à Alger et a estimé que c’était une tradition rétablie après plus de 30 ans d’arrêt. « L’Algérie est une puissance africaine et un pays qui a son poids en Méditerranée. Lorsqu’un pays européen, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, organise un défilé militaire, personne ne se pose de questions. Mais, quand l’Algérie le fait, on émet des interrogations, comme si nous n’avions pas le droit de le faire », a-t-il déclaré.
Le chef de l’Etat a estimé que le défilé militaire a montré la cohésion existant entre l’armée et le peuple. « C’est une armée d’une nation. Ce n’est pas une armée de mercenaires ou une armée conquérante qui va occuper d’autres espaces. Notre armée est pacifique. Une armée qui n’a jamais violé les normes internationales. Une armée puissante », a-t-il soutenu.
Organisation d’une rencontre de l’OLP en Algérie
Interrogé sur les efforts fournis par l’Algérie pour concrétiser la réconciliation interpalestinienne, Tebboune a estimé que l’Algérie a toute la crédibilité pour réussir. « C’est peut-être le seul Etat qui n’a pas de calculs étroits à propos de cela. Nous sommes aux côtés de la Palestine quelles que soient les figures qui la représentent. Nous considérons l’OLP (Organisation de la libération de la Palestine) comme le seul représentant légéitime du peuple palestinien. Sans unité et sans unification des rangs, il sera difficile de concrétiser l’indépendance. La division fait de la Palestine une proie facile. Toutes les factions palestiniennes, y compris Hamas, font confiance à l’Algérie. L’Algérie veut rassembler les Palestiniens. Cela va aboutir avec l’organisation avant le sommet arabe (prévu en novembre 2022) d’une rencontre de l’OLP en Algérie », a annoncé le chef de l’Etat.
Le 5 juillet 2022, le président Tebboune a réuni, à Alger, le président de l’Autorité palestienne, Mahmoud Abbas et le chef du bureau politique du Mouvement palestinien Hamas, Ismaïl Haniyeh. Une rencontre qualifiée d’historique après des années de rupture entre les deux responsables.
Pas de médiation de l’Algérie en Tunisie
Le même jour, le président tunisien Kais Saied était à Alger pour assister à la parade militaire. Une occasion pour annoncer la réouverture des frontières terrestres entre les deux pays. Le 6 juillet, le président Tebboune a reçu le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi. S’agit-il d’une médiation de l’Algérie pour mettre fin à la crise politique en Tunisie ? « La médiation se fait entre adversaires. Le président tunisien n’est pas en conflit avec l’UGTT. Après les jeunes, l’UGTT était l’un de ses principaux appuis. Ils se sont rencontrés (à Alger). L’UGTT était l’un de nos invités. Il n’y a pas eu de médiation de l’Algérie », a précisé Tebboune.
Il a estimé que la Tunisie est un véritable pays frère pour l’Algérie : « C’est un Etat qui est passé par une révolution. Le pays est entré dans une autre forme de gestion. La crise économique a provoqué des troubles sociaux. Tout ce qu’endure la Tunisie actuellement, l’Algérie l’avait connu par le passé. Si l’Algérie ne soutenait pas la Tunisie, elle le ferait pour qui ? C’est un devoir historique. Nos sangs se sont mêlés avant et pendant la Révolution (guerre de libération nationale). Nous n’avons rien vu de négatif de la part de la Tunisie. Nous sommes à l’aise actuellement, nous devons faire profiter la Tunisie ».
Il a indiqué que l’Algérie soutient la Tunisie sur le plan économique sans s’ingérer dans ses affaires internes. « L’Algérie est aux côtés de la légitimité. Le président Kais Saied représente cette légitimité. Il est élu par le peuple. Donc, nous traitons avec le président », a-t-il appuyé.
« L’Algérie n’a de problème avec aucun pays arabe »
Le président Tebboune a estimé, par ailleurs, que le prochain sommet arabe prévu à Alger sera un succès dans la mesure où « l’Algérie n’a aucune autre intention derrière l’organisation de ce sommet que d’œuvrer pour l’unification des rangs arabes ».
« Ces dernières années, le monde arabe a connu beaucoup de désaccords et de conflits. Nous souhaitons que tous nos frères se rencontrent. L’Algérie n’a de problème avec aucun pays arabe et respecte tous les Etats. Tout l’intérêt pour la Oumma arabe est de se rencontrer en Algérie, qui est, de surcroît, la mieux placée pour unifier les rangs et mener des médiations pour régler certains différends ».
Interrogé sur la présence de la Syrie au sommet de novembre prochain, il a rappelé que ce pays est un membre fondateur de la Ligue arabe. « Sur le plan légal, la présence de la Syrie est normale mais d’un point de vue politique conjoncturel, il existe encore quelques différends. Les syriens, eux mêmes, disent qu’ils ne veulent pas être une source de division des rangs (arabes) plus qu’ils ne le sont déjà. Une période de réflexion leur a été accordée. Et des contacts sont maintenus avec les pays arabes. Nous œuvrons avec une ferme conviction à réaliser l’unité arabe », a insisté le chef de l’Etat.
« En plus de la Turquie, Qatar a investi beaucoup d’argent en Algérie »
Tebboune est revenu aussi sur ces récentes visites en Turquie et en Italie. « L’un des plus grands investissements étrangers en Algérie sont l’oeuvre de la Turquie. A Oran, la production de l’acier a doublé (au complexe de Tosyali). Nous exportons aujourd’hui. Il y a de l’investissement dans le secteur du textile. D’autres sont prévus dans les industries légères. Il est donc tout à fait naturel de développer et de renforcer cette relation », a-t-il dit.
Il a rappelé que l’Algérie et la Turquie sont liées par une Histoire. « Nous n’avons aucun problème avec la Turquie. En plus de la Turquie, Qatar a investi beaucoup d’argent en Algérie. L’Arabie Saoudite entend le faire aussi. Nous œuvrons pour attirer les investissements des pays frères », a-t-il souligné.
« L’Italie est le premier partenaire européen de l’Algérie sur le plan économique. Depuis plus de 65 ans et la guerre de libération, nous n’avons connu aucun problème, ni litige ou incompréhension avec l’Italie. A chaque fois que l’Algérie passait par des moments difficiles, elle trouvait un soutien solide auprès de l’Italie dans toutes les conditions, y compris durant la tragédie nationale », a soutenu Tebboune.
« Nous n’avons vu que du bien et de la bonne volonté de l’Italie »
Il a rappelé que la compagnie aérienne italienne Alitalia était la seule européenne à maintenir ses vols vers l’Algérie après l’affaire de la prise d’otages dans un avion d’Air France à l’aéroport international d’Alger en 1994. « Les mains terroristes avaient ciblé des italiens en Algérie pour les éloigner du pays. Malgré cela, l’Italie a renforcé ses relations avec l’Algérie. Nous n’avons vu que du bien et de la bonne volonté de l’Italie. Ils travaillent en silence. Ils ne cherchent pas le tapis rouge. Il y a des centaines d’entreprises italiennes qui travaillent en Algérie, personne n’entend parler. Les appareils de boulangerie et les moulins (utilisés en Algérie) sont à 80 % d’origine italienne. Ce n’est pas d’aujourd’hui donc », a détaillé le chef de l’Etat.
Il a annoncé que l’Algérie et l’Italie vont aller vers la coproduction pour remplacer les importations. « Les italiens sont prêts à produire avec nous des véhicules et des navires. Un montage de certains appareils se fait actuellement dans le secteur de la défense nationale », a-t-il noté.
L’Algérie entend rejoindre le BRICS
Tebboune a parlé d’une volonté de l’Algérie de faire partie du groupe des BRICS ( Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud). Un groupe qui existe depuis 2011. Les cinq pays représentent près de 3 milliards de personnes. « Nous ne précédons pas les événements, il y aura de bonnes nouvelles. Mais, pour faire partie du BRICS, il faut rassembler certaines conditions économiques. Ces conditions sont en grande partie réunies par l’Algérie. Le BRICS nous intéresse. C’est une puissance politique et économique. Le BRICS nous intéresse pour s’éloigner de l’attractivité des deux pôles. C’est notre orientation en tant que pays leader du mouvement des non-alignés », a-t-il appuyé.
« L’Algérie est le plus grand et le proche voisin de la Libye »
Tebboune a regretté que les choses se compliquent en Libye à chaque fois qu’une solution à la crise politique émerge. « Certains comportements nous amènent à se poser des questions: est-ce qu’il existe une volonté d’une stabilité de la Libye ou pas ? Ou existe-t-il des arrières pensées? Nous soutenons la légitimité et tout ce qu’a décidé le Conseil de sécurité de l’ONU. Nous sommes pour l’unification des rangs libyens. Nous sommes favorables à une solution libyenne sans ingérence. L’Algérie est le plus grand et le proche voisin de la Libye, l’Egypte mise à part. Nous ne nous sommes jamais ingérés dans leurs affaires internes ni envoyé ou soutenu des mercenaires. Lorsqu’ils nous font appel, nous répondons toujours présents pour contribuer à trouver des solutions à des problèmes économiques ou techniques », a-t-il détaillé.
Il a précisé que l’Algérie a gelé ses activités pétrolières en Libye et que les Libyens insistent aujourd’hui pour que Sonatrach reprenne la production des hydrocarbures dans ce pays. Il a rappelé aussi que l’Algérie appelle depuis deux ans à l’organisation d’élections en Libye. « Les élections sont la seule solution. Il est possible de les organiser à condition qu’il ait une volonté de le faire », a-t-il dit.