Le gérant du multiplexe TMV Garden City d’Alger Riad Aït Aoudia est revenu sur son expérience et sur l’intérêt du public pour le cinéma, lors d’un débat organisé, mardi 13 février 2024, au Palais de la Culture Moufdi Zakaria, à Alger.
Organisé par le ministère de la Culture et des Arts et l’Agence algérienne de la promotion des investissements (AAPI), le débat portait sur « les mécanismes d’investissement dans l’industrie cinématographique ».
« Nous travaillons avec le ministère des Finances pour mettre au point des mesures incitatives bancaires et fiscales en faveur des investisseurs et pour réviser les instruments de financement, d’appui à la production cinématographique et d’exploitation des salles de cinéma par les opérateurs privés », a déclaré Soraya Mouloudji, ministre de la Culture et des Arts.
Une convention-cadre sera bientôt signée avec l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (ABEF) portant sur des propositions accélérant la levée des obstacles aux porteurs de projets et accordant « des prêts bancaires à taux d’intérêt bonifiés aux investisseurs et aux producteurs dans les domaines liés au secteur cinématographique ».
La ministre a annoncé la création prochaine du Centre national du cinéma qui va permettre « l’unification et de facilitation des procédures relatives à l’organisation et la gestion de l’industrie cinématographique ».
« Des avantages fiscaux et parafiscaux »
Omar Rekkache, directeur général de l’AAPI, a, pour sa part, évoqué « les avantages fiscaux et parafiscaux » que peuvent être accordés aux investisseurs dans le domaine du cinéma pour construire des studios de tournage ou des cités du cinéma. Il a parlé aussi des facilités liées à l’accès au foncier économique pour la réalisation de ces projets. Il a invité les présents à consulter la nouvelle plateforme de l’investisseur, riche en informations sur tous les aspects réglementaires et administratifs liés à l’acte d’investir.
Les gérants de trois multiplex (Alger et Oran) ont pris la parole pour revenir sur leur expérience, qualifiée de réussie, par Nabil Hadji, conseiller au ministère de la Culture et des Arts. « Certains de ces projets ont été accompagnés par le secteur de la Culture et des arts. Il existe actuellement des projets similaires dans d’autres villes », a-t-il souligné.
Riad Ait Aoudia, directeur de TMV, qui gère le multiplex du Mall Garden City, à Chéraga, à Alger. Un multiplex composé de quatre salles ouvert en août 2023. « En Algérie, il n’y a pas la concurrence de grands groupes de cinéma internationaux. C’est un secteur encore vierge et le potentiel est énorme. Dans notre projet, il n’y a pas que l’exploitation, mais la production aussi. Nous souhaitons développer des films avec des producteurs algériens », a-t-il dit.
Le complexe TMV s’étend 990 mètres carrés sans comprendre les espaces communs (parking, plateforme). « Aujourd’hui, nous avons quatre salles. Une salle de 240 places, une de 80 places, une petite de 60 places et une salle VIP pour 20 personnes. C’est un investissement de 350 millions de dinars sur nos fonds propres avec l’aide de nos partenaires sponsors et autres. C’est une industrie qui est cadrée avec des ratios. Vous savez exactement ce que vous devez ramener. C’est également une activité facile à contrôler, en temps réel, vous avez le nombre de tickets vendus grâce à un système informatique. Nous avons investi sur les décors », a détaillé Riad Ait Aoudia.
« Nous vendons une moyenne de 400 tickets »
Il a rappelé que le complexe TMV est opérationnel depuis six mois. « Aujourd’hui, nous sommes à dix séances par jour avec seulement deux salles. Le nombre va augmenter. Le ticket est vendu à un prix moyen de 850 dinars. Nous développons des offres de fidélité. Nous avons déjà assuré 1780 séances, distribué 44 films. Nous vendons une moyenne de 400 tickets par jour et 40 tickets par séance. Notre meilleur jour était avec 1232 tickets vendus, l’équivalent de 1,2 millions de dinars. Un film algérien est dans le top 10 des entrées (« La dernière reine »). Nous avons constaté que les gens veulent voir des films algériens. D’où notre volonté de contribuer à la production de films en Algérie », a déclaré le gérant de TMV.
Il a annoncé qu’en six mois, 73.000 tickets et 2,5 tonnes de pop corn ont été vendus. « Nous avons 30 emplois directs et des saisonniers, des étudiants qui travaillent le soir. Notre chiffre d’affaires est de 90 millions de dinars. Je signale que nous n’avons constaté aucune incivilité, aucun acte de vandalisme ou d’incident. C’est une grande satisfaction pour nous de voir des familles venir en salle », a-t-il dit.
Il a précisé que la promotion des offres de TMV se fait à travers les réseaux sociaux. « La vision, c’est un écosystème complet entre investisseurs. Par exemple, un film comme « Avatar » a coûté 200 millions de dollars et a rapporté presque 3 milliards de dollars. C’est un gros investissement. Cela rassemble des investisseurs, des producteurs, des talents, des agences artistiques…une façon que le contenu soit financé par différentes sources. Une partie sera payée par le public, une autre par abonnement sur une plateforme numérique. Notre objectif est de créer cet écosystème. Nous comptons réaliser 180.000 entrées cette année, un chiffre d’affaires de 224 millions de dinars et une marge brute de 50 % », a annoncé Riad Ait Aoudia.
« L’objectif est de faire au moins 10 millions d’entrées en 2028 ».
Selon lui, les frais d’exploitation du multiplex ne sont pas élevés. « Les ratios sont assez intéressants et peuvent être augmentés. Si vous produisez des films et que vous les faites sortir, vous augmentez vos revenus. En Algérie, on est encore à moins de 500.000 entrées par an. L’objectif est de faire au moins 10 millions d’entrées en 2028 avec 30 % de films algériens. Il faudrait 15.000 sièges, c’est-à-dire 50 complexes en Algérie. Cela ferait un financement de 2 milliards de dinars pour la production algérienne. C’est un somme considérable », a-t-il soutenu.
Et de poursuivre : « Aujourd’hui, nous sommes crédibles dans le secteur. Nous pouvons demander à un partenaire de prendre le risque avec nous. Mais, il faudrait qu’on rembourse notre investissement pour pouvoir continuer. Pour arriver à l’objectif de dix millions d’entrées, il nous faut dix ans pour créer dix autres complexes comme TMV Garden City. Donc, c’est une activité qui a besoin d’être soutenue si nous voulons que la production de films puisse bénéficier de l’argent qui vient du public ».
Il a estimé que l’Etat ne peut continuer seul à financer le cinéma : » Il faut prendre des mesures. Il y a nécessité de soutenir le marché de l’exploitation. Il faut identifier les opportunités pour les grandes entreprises qui ont besoin de contenus locaux, les opérateurs de téléphonie mobile, Algérie Télécom…L’essentiel de la bande passante, du business, c’est la consommation de la vidéo. Il faut que l’Algérie soit présente dans ce marché » Pour lui, Algérie Télécom peut investir dans la création de contenus.
Créer un grand groupe algérien du divertissement«
Nous proposons la création d’une commission technique d’aide à l’exploitation des salles de cinéma. Il s’agit de définir les priorités, d’évaluer techniquement et économiquement les projets, conseiller les investisseurs, expliquer les meilleures pratiques pour optimiser les investissements. Cette commission mixte pourrait être constituée de professionnels, d’experts de l’AAPI, de responsables du ministère de la Culture et des Arts ou autres », a-t-il soutenu.
Il a appelé à octroyer aux investisseurs des terrains adaptés pour construire des multiplexes. « Dans un centre commercial, il y a plusieurs activités comme la restauration. Donc, les terrains doivent répondre à certains besoins du public. Ils doivent être suffisamment vastes pour accueillir plusieurs activités. Nous proposons aussi l’octroi de prêts à taux réduit pour la construction et la rénovation des structures cinématographiques », a-t-il indiqué, plaidant pour la promotion d’un partenariat stratégique dans le secteur du cinéma.
Il a regretté l’inexistence encore de grandes sociétés algériennes de production et de distribution de films. D’où, la nécessité, selon lui, d’encourager des partenariats avec les opérateurs de téléphonie mobile, les sociétés industrielles et les fonds d’investissement. « A terme, nous proposons la création d’un grand groupe algérien de divertissement qui intègre la production et l’exploitation. Un groupe qui se développe par du cash, des effets de leviers, avec des acquisitions pour faire de l’économie d’échelle. Il s’agit d’avoir des acteurs puissants qui peuvent réussir en Algérie et se développer à l’international », a-t-il proposé.
A noter qu’ El Hadi Bensenane, responsable au multiplex Ciné Gold à Oran, et Mehdi Abdelmalek, représentant du groupe des hôtels AZ, propriétaire du multiplex Grand Ciné d’Oran, ont également pris la parole durant la même rencontre.