Les 7ème Journées du film européen ont débuté, jeudi 19 janvier au soir, à la cinémathèque d’Alger avec la projection du film « Matares » de l’algérien Rachid Benhadj et un documentaire sur le phénomène migratoire, « Wallah ! Je te jure ».
Ces journées sont organisées par la Délégation de l’Union européenne en Algérie et doivent durer jusqu’au 26 janvier avec la projection d’une vingtaine de films, entre fiction et documentaire, à Alger, Oran et Béjaïa, sur la thématique de la migration et de la mobilité.
« Il s’agit d’œuvres artistiques, pas de présentation des politiques européennes sur la migration. Il faut profiter de la présence des réalisateurs et des experts pour discuter des perspectives personnelles sur ce sujet. Les histoires des migrations dans le film sont différentes », a souligné Thomas Eckert, chef de la Délégation de l’Union européenne à Alger, lors de la cérémonie d’ouverture à la cinémathèque d’Alger.
Paolo Caputo, chef de mission de l’Organisation internationale pour la migration (OIM), à Alger, a, pour sa part, indiqué qu’il existe autant d’histoires de migration que de migrants. « Chaque migrant à sa propre histoire. Il faut se méfier de la généralisation des paradigmes lorsqu’on parle de migration », a-t-il dit lors de la même cérémonie.
« Nous n’imposons pas de modèles »
Il a rappelé que l’OIM est présente en Algérie depuis février 2016. L’organisation, une agence de l’ONU, a ouvert un bureau opérationnel à Alger comptant une soixantaine de collaborateurs actuellement. « Nous n’imposons pas de modèles. Nous collaborons avec les autorités algériennes sur les initiatives pour le renforcement des capacités, l’appui sanitaire et psychosocial, l’assistance aux déplacements. Nous assurons le retour volontaire et la réintégration des migrants », a précisé Paolo Caputo.
L’OIM, partenaire de ces journées, a proposé un extrait du documentaire, « Walla ! Je te jure » réalisé en 2016 par l’italien Marcello Merletto et financé par l’Union européenne.
La caméra suit dans ce documentaire des migrants venus du Sénégal, du Ghana et d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest dans leur traversée vers l’Italie en passant par Niamey, Agadez puis la Libye.
Des migrants prennent la parole, parlent de leur mésaventure avec les passeurs organisés en réseau, des personnes mortes en cours de route et de leur désillusion une fois arrivés en Europe.
Des clichés sur l’Afrique
Le documentaire n’échappe pas aux clichés habituels sur l’Afrique avec des images d’ordures, d’animaux traînant partout, de routes encombrées et sales, de marchés désordonnés, de personnes égarées, de poussières partout, bref, d’anarchie… L’Algérie et la Libye sont présentées comme des pays « dangereux » pour les migrants clandestins confrontés au racisme et à l’exploitation.
Le réalisateur n’a, à aucun moment, pris soin d’équilibrer pour donner d’autres versions sur cette « image » qu’on veut coller à deux pays qui seraient « invivables » pour les migrants et qui pourtant les accueillent par milliers à longueur d’année. Les migrants qui travaillent en Libye ou en Algérie ne sont pas montrés dans ce documentaire qui porte un plaidoyer, toujours le même, pour « un retour » des migrants dans leurs pays d’origine. Un plaidoyer fortement défendu à Bruxelles.
« Il faut combattre les causes de la migration à la base, améliorer les conditions sociales dans les pays concernés pour montrer des perspectives pour que les gens restent », a plaidé Thomas Eckert lors du débat qui a suivi la projection.
La Libye, l’OTAN et la migration
Il a rappelé que l’Union européenne a créé un fonds en 2016 pour « créer des postes d’emploi en Afrique ». « L’Europe accueille quand même beaucoup de réfugiés politiques, de migrants à travers les circuits légaux. Il y a aussi la régularisation de sans papiers après plusieurs années selon des régimes différents. Il faut reconnaitre que ce n’est pas noir et blanc. Il n’y a pas une seule réponse à tous les cas de migration », a-t-il dit.
Un intervenant a souligné que « le chaos » en Libye a été provoqué par l’intervention militaire de l’OTAN en 2011 « appuyée par des pays européens » pour mettre fin au régime de Mouamar El Kadhafi. Une situation qui, selon lui, a ouvert la voie à la migration clandestine de l’Afrique vers l’Europe.
« Je ne veux pas faire de commentaire sur l’histoire de la Libye de ces dernières années mais le problème est plus large. Même si vous avez évoqué les problèmes, justes ou pas justes, sur le manque d’autorité étatique en Libye, cela ne change rien par rapport à la migration dans les pays subsahariens. Les migrants étaient déjà là même avant l’OTAN et le reste. C’est plus compliqué. Il n’y a pas de solution simple. On ne peut pas dire que sans l’OTAN, il n’y a pas de migration » a répondu Thomas Eckert.