Le dramaturge et metteur en scène Omar Fetmouche a retracé l’itinéraire de la Coopérative Sinjab de Bordj Menaïel lors d’un débat au 14ème Festival national du théâtre professionnel (FNTP).
Le FNTP, qui s’est déroulé du 11 au 21 mars 2021 au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA) à Alger, a organisé un débat sur «la contribution des coopératives au mouvement théâtral algérien ». « La coopérative Sinjab est née d’un traumatisme d’une jeune troupe de théâtre qui activait au niveau d’un local de l’UNJA (Union national de la jeunesse algérienne) en 1976 à Bordj Menaiel.
Nous étions sous le régime du FLN parti unique, lequel exerçait une forte pression sur les activités culturelles et théâtrales dans cette ville. Il m’a ainsi empêché personnellement d’assister aux répétitions de ma troupe », a confié Omar Fetmouche. La troupe participait régulièrement au Festival national du théâtre amateur de Mostaganem.
« En 1977, nous avions monté la pièce «Tahmouna» (ils nous ont accusé) en utilisant une pastèque comme accessoire. La pastèque est rouge à l’intérieur, ils ont dit que nous critiquons le communisme. Il y avait une telle stupidité au sein du parti unique ! Ils ont alors tenté de m’empêcher d’accompagner la troupe pour une représentation à la Maison de la culture de Tizi Ouzou dirigée par Sid Ahmed Agoumi. Les comédiens ne voulaient pas se déplacer en signe de solidarité. Agoumi est lui-même venu avec sa voiture. Ils étaient intimidés par sa présence. C’est grâce à lui que j’ai pu partir à Tizi Ouzou », s’est-il souvenu.
Omar Fetmouche, «une nouvelle naissance pour le théâtre »
Et de poursuivre : « Au début des années 1980, la troupe s’est installée à la Maison de jeunes. C’était une ouverture. Nous avons créé cinq autres troupes. L’activité théâtrale dépassait le cadre organisationnel de la Maison de jeunes. Nous avons lancé une association culturelle et l’École populaire des arts dramatiques en 1985. On nous avait donné un grand local grâce à des responsables communaux qui aimaient la culture ».
A Annaba, Omar Fetmouche rencontrait, en 1989, Abdelkader Alloula et Ghaouti Azri et ont évoqué la coopérative du 1 Mai créée à Oran, une année auparavant. « Ils nous ont donné des copies des statuts de cette coopérative. En 1990, nous avons décidé de créer notre propre coopérative. Des notaires ont refusé de recevoir notre dossier. Nous avions la chance d’avoir un huissier de justice avec nous. Ils nous alors suggéré de contacter un notaire à Lakhdaria, M.Fertas. Il a accepté en disant qu’il s’agissait d’une loi de la République est qu’il n’y avait aucun problème. Nous sommes sortis de son bureau avec un acte notarié. C’était une nouvelle naissance pour le théâtre. Nous en étions fiers », a-t-il détaillé.
Attaqués par les militants du FIS
Selon lui, il fallait faire du coude à coude pour que la coopérative ait un compte en banque (à la BEA). « En 1991, nous avons été attaqués par les militants du FIS (Front islamique du salut). Ils ont déposé une bombe au niveau de notre local, une véritable catastrophe évoquée par la presse dont Alger Républicain. Les choses se sont apaisées après l’arrêt du processus électoral (en 1992). Mais, nous avons perdu une partie des membres. Le 20 juin 1993, nous étions obligés de créer une autre coopérative « Masrah Sinjab » avec presque la même équipe. Nous voulions au début faire du théâtre pour enfants. Avec un vote, les enfants ont choisi l’appellation Sinjab (écureuil) », a-t-il dit.
Il est revenu aussi sur l’action menée par Sinjab à l’international.
Maréchal Fetmouche !
«Nous étions partie prenante de l’Odyssée 2001 impliquant 28 pays de la Méditerranée. Nous avons ramené un navire de la Roumanie qui a fait le voyage entre Mostaganem et Annaba en passant par Alger. Avec nous, étaient présents Fouzia Ait Hadj et Saïd Hilmi. En s’approchant des eaux territoriales, le navire roumain a été stoppé par les gardes-côtes algériens. Le commandant de bord a alors dit que le navire vient en Algérie à l’invitation du Maréchal Omar Fetmouche ! Cela a suscité l’étonnement. Le ministère de la Défense a alors pris attache avec le directeur de l’ONCI (Office national de la culture et de l’information) pour s’enquérir de la situation. Les choses sont rentrées dans l’ordre rapidement », a rapporté Omar Fetmouche.
Selon lui, les statuts actuels de la coopérative lui permettent d’activer sans aucun souci. Sindjab a ainsi établi des accords avec des compagnies étrangères. « Nous étions invités au Festival international de Budapest, mais nous n’avons pu nous déplacer en raison de la pandémie de Covid-19. Et malgré cela, il y a trois ans, pour un spectacle dans une maison de culture, on nous avait curieusement demandé un certificat prouvant notre existence ! Alors que nous sommes sur le terrain depuis quarante ans. Voilà une autre aberration », a dénoncé Omar Fetmouche.
Il a cité l’exemple de la coopérative Bila Houdoud disparue parce qu’une administration au sein d’une wilaya a refusé de lui accorder ce certificat.
Bureaucratie hégémonique
« C’est la preuve que la bureaucratie est toujours aussi hégémonique sur l’activité culturelle. Ce n’est pas gratuit. C’est pour limiter le champ d’intervention des artistes », a-t-il regretté.
Les statuts actuels des coopératives de théâtres peuvent, selon lui, être enrichis, revus et discutés sans en créer d’autres. « Mais comment se fait-il que le ministère de la Culture n’ait jamais voulu reconnaître l’existence de ces coopératives de théâtre ? Contrairement aux associations, nous n’avons pas le droit d’avoir une subvention de la part de l’Etat », a-t-il relevé. Il a rappelé que Sinjab est la seule coopérative en Algérie à avoir son propre théâtre à Bordj Menaiel « grâce à ses statuts ». Une salle réhabilitée dans les années 1980, partiellement détruite après le séisme de 2003 à Boumerdès et reconstruite ensuite.
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