Depuis deux semaines, le nombre de cas positifs de Coronavirus augmente à un rythme rapide à Biskra, située à 438 km au Sud-est d’Alger. Entre 30 et 60 cas sont enregistrés chaque jour dans cette région du pays suscitant l’inquiétude du personnel de santé. Biskra est déjà à 393 cas, selon le dernier bilan du Comité scientifique chargé du suivi de la pandémie de Covid-19. Rien que durant les derniers vingt quatre heures, 50 cas confirmés ont été enregistrés, le deuxième nombre le plus élevé après celui de Sétif (72).
Les internautes ont lancé le hashtag بسكرة تستغيث Biskra en détresse sur Twitter et ont publié des photos et des vidéos sur la situation difficile dans les structures hospitalières dans la wilaya, arrivées à saturation. « Les deux hôpitaux de Biskra ne peuvent pas prendre en charge les malades. Il y a ceux qui meurent par asphyxie et d’autres par négligence », lance un praticien dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux.
Le personnel paramédical a, lui aussi, lancé des alertes sur les réseaux sociaux se plaignant de manque de moyens. Dans une vidéo, un homme dénonce de la mauvaise prise en charge médicale de sa mère et montre ce qu’il présente comme des responsables administratifs de l’hôpital Docteur Saâdane fuyant sa caméra. L’homme montre un hôpital à l’état d’abandon avec des bureaux vides, des malades dans une mauvaise posture et un manque visible de propreté.
Des parents d’autres patients évoquent le manque d’appareils d’oxygène dans les hôpitaux. « Sortons tous et collectons de l’argent pour acheter ces appareils. Que chaque biskri donne 1000 dinars. Nous pouvons acheter des appareils et sauver les malades. Faites montre de solidarité. Nous avons besoin de 200 appareils d’oxygène pour sortir de la crise », a lancé un bénévole dans une autre vidéo en interpellant directement les nombreux hommes d’affaires de la région des Ziban. A côté de l’hôpital Saâdane, des citoyens se sont rassemblés pour dénoncer le mauvais traitement des patients dans l’hôpital public. « Savez vous qu’ils ont même planté des roses et arbres en apprenant la visite du ministre de la Santé. Ils nettoient l’hôpital et tous les infirmiers et les femmes de ménage sont tous venus aujourd’hui« , dévoile un agent de l’hôpital
« Monsieur le ministre, ils ont équipé l’hôpital pour vous ! »
Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière Abderrahmane Benbouzid a été accueilli à Biskra par un mouvement de protestation du personnel de santé exigeant le départ du directeur de la Santé et de la Population, accusé de mauvaise gestion. Plusieurs pancartes ont été exhibées par les protestataires : « Monsieur le ministre, ils ont équipé l’hôpital pour vous », « Manque d’équipements médicaux », « Où sont les responsables? », « Cinq infirmiers pour prendre en charge 120 malades », « Manque d’oxygène », « Biskra lance un appel de détresse »… « Le directeur de la Santé était en congé maladie. Il n’a repris son travail qu’avec votre venue à Biskra », lance un infirmier à l’adresse du ministre. « Nous ne voulons pas de prime, nous voulons un renforcement des équipes. Il n’y a que quelques médecins qui affrontent le Coronavirus à Biskra. Nous faisons tout ce qui est possible pour prendre en charge les malades, mais la pandémie à Biskra s’est propagée comme un feu de paille.Nous manquons de moyens surtout d’appareils d’oxygène. Nous voulons des solutions d’urgence », demande une femme médecin.
« Monsieur le ministre, cela fait deux mois que je n’ai pas vu ma mère. Personne nous ne dit un mot gentil. Et personne n’est venu nous voir. Aujourd’hui, que vous êtes venus, ils sont tous là. Mon responsable hiérarchique dans le secteur m’évite. Nous sommes fatigués », se plaint un autre médecin, la voix nouée par l’émotion.
A Biskra, deux médecins ont été emportés par le Coronavirus, Samir Chebila et Mohamed Houhou. Abderrahmane Benbouzid annonce à la presse avoir décidé de doter les structures de santé de Biskra d’appareils de réanimation et de respirateurs artificiels et d’équiper le laboratoire de l’hôpital Docteur Saâdane d’une machine pour effectuer les tests PCR. Il a reconnu l’existence de manquements dans le secteur de santé à Biskra et de malentendus entre l’administration et les personnels soignants. «Nous allons veiller à régler ces problèmes rapidement », a promet-il demandant qu’on lui donne un peu de temps.
Situation inquiétante à El Oued
La situation sanitaire à El Oued, wilaya voisine de Biskra, est également inquiétante avec une augmentation sensible du nombre de cas positifs de Covid-19. Selon le dernier bilan, El Oued compte 371 cas confirmés avec une hausse variant entre 15 et 30 cas par jour. « Il n’y a que six agents chargés d’hygiène dans l’ Etablissement publique de santé d’El Oued. L’agent nettoie les chambres et les toilettes et puis distribue les repas sur les malades. Parfois, il est même chargé aussi de donner à manger aux patients. Il faut recruter en urgence des agents. Beaucoup de paramédicaux ont quitté l’hôpital en bénéficiant de la retraite anticipée. Il est arrivé qu’un seul infirmier accueille 25 malades atteints de Covid-19 en une soirée de permanence. C’est une catastrophe », s’alarme un médecin demandant au ministre de la Santé de recruter en urgence de nouveaux infirmiers. « Ce qu’on vous a montré à hôpital n’est pas la réalité. Dès qu’ils ont appris que vous veniez, ils ont ouvert un chantier pour tout nettoyer et mettre de l’ordre. Ils auraient dû vous dire la vérité. A l’hôpital Benamor Djillali, le scanner est en panne depuis des années », dénonce le même praticien de santé publique en présence d’Abderrahmane Benbouzid. Le ministre a promis de réétudier le dossier d’un projet de construction d’un hôpital de 240 lits à El Oued.