La flambée des contaminations par le coronavirus se poursuit en Algérie. Un nouveau pic a été enregistré ce mercredi 11 novembre 2020, avec 811 cas dépistés ces dernières 24 heures. Le bilan officiel, qui ne décrit pas la “situation réelle” pour reprendre les paroles du Pr. Mohamed Belhocine, affiche désormais des chiffres jamais enregistrés depuis l’apparition du covid-19 dans le pays, fin février. “Deuxième vague” ou non, les praticiens de la Santé et chefs de services décrivent une situation “critique”, de plus en plus “grave” depuis quelques semaines. Ils affirment que cette hausse est plus “sévère” et “difficile à gérer” par rapport à la première, enregistrée durant le mois de juillet.
Des services de réanimation une nouvelle fois saturés, pénurie des tests P.C.R ou de respirateurs artificiels, le personnel médical, déjà frappé de plein fouet durant l’été dernier, fait aussi état d’une très forte contagion et de graves contaminations auprès de jeunes populations.
Au centre hospitalo-universitaire de Beni Messous (Alger), “la situation est assez critique”, alerte le Pr. Réda Malek Hamidi, chef de service de réanimation. “Le nombre de malades graves augmente de manière exponentielle. La plupart de nos lits sont saturés. Aux urgences, les nouveaux patients ne trouvent pas de lit et pour nous, personnel médical, c’est très difficile à gérer”, a-t-il déclaré à 24H Algérie.
Cet établissement hospitalier, qui compte 20 lits de réanimation, souffre de manque d’oxygène. Le Pr. Réda Malek Hamidi fait état d’une « surconsommation” par les patients. « Nous avons enregistré ces dernières semaines une baisse importante avec la hausse des cas graves. Nous n’avons pas les réserves que nous souhaitons mais nous sommes en passe de régler définitivement ce problème avec notre administration ».
Depuis plusieurs jours, des praticiens et patients font état d’une pénurie d’oxygène enregistrée dans plusieurs établissements, notamment au profit des patients non encore admis en réanimation. De son avis, cette lacune est “naturelle car aucun hôpital ne pouvait prévoir cette hausse surprise du besoin en oxygénothérapie”.
Une deuxième vague “plus sévère”
Pour le Président de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, Pr. Kamel Sanhadji, cette hausse record des cas confirmés n’est pas d’une deuxième vague “scientifiquement parlant”. Celle-ci est tributaire, affirme-t-il, d’une mutation ou d’une évolution du virus. “Ce qui n’est pas le cas en ce moment en Algérie », a-t-il déclaré. Or, le Pr. Mohamed Belhocine affirmait à la même radio « ne pas détenir des informations » sur une éventuelle mutation du coronavirus en Algérie.
Le Pr. Hamidi qualifie néanmoins cette courbe de « deuxième vague », la jugeant « plus sévère et difficile que la première ». Et « aucun hôpital, en Algérie ou ailleurs dans le monde, ne peut faire face à cette pandémie. Nous ne pouvons compter que sur une seule chose: la conscience des Algériens », appelle-t-il, insistant sur la sensibilisation des citoyens et le respect des mesures de prévention.
Un constat partagé par le Pr. Gharbi Mohamed, épidémiologiste au CHU de Annaba, qui rappelle que la situation épidémiologique est “beaucoup plus grave” que les chiffres officiels. Le ministère ne comptabilise que les cas confirmés par des tests P.C.R mais nous recensons 600 cas par semaine avec les scanners », a-t-il affirmé.
Si les services de réanimation du CHU de Annaba sont régulièrement approvisionnés en oxygène, ils sont toutefois saturés. « Nous avons juste 15 lits de réanimation. 10 au centre hospitalo-universitaire et 5 à l’établissement El Hadjar », a-t-il ajouté. A cet effet, des équipements de cliniques privées devraient être réquisitionnés, sur décision du wali d’Annaba. Des soucis auxquels s’ajoutent un manque de tests P.C.R.
Au moment où le Président de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, Pr. Kamel Sanhadji, “écartait”, à la radio nationale, toute nouvelle contraction de coronavirus par des personnes rétablies, sans “une profonde mutation génétique du virus”, Pr. Gharbi affirmait à 24H Algérie que le CHU de Annaba a enregistré une nouvelle contamination chez deux praticiens qui avaient déjà contracté la covid-19 lors des précédents mois. « Nous constatons ainsi que l’immunité n’est pas durable contre le coronavirus ». S’agit-il alors d’une mutation du coronavirus en Algérie, qui confirmerait une deuxième vague, selon les explications du Pr. Sanhadji ?
De plus en plus de jeunes touchés
Le même professeur a également fait savoir que de plus en plus de jeunes citoyens sont atteints par cette flambée de l’épidémie. « Nous traitions avant des formes graves de contaminations chez des personnes âgées mais cette fois-ci, nous avons des jeunes, de 30, 35 ou 40 ans hospitalisés dans nos services de réanimation », a-t-il déploré.
Le Pr. Gharbi souligne une forte contagion dans les établissements scolaires et universitaires. « Nous recevons également beaucoup d’enfants suite à la rentrée scolaire. Nous avons enregistré 7 cas confirmés et 8 autres cas suspects », précise-t-il. Idem parmi les étudiants qui ont fréquenté récemment leurs universités. Si la date de la rentrée universitaire a été retardée, plusieurs établissements à travers le pays étaient en période d’examens ces dernières semaines.
Une tendance également enregistrée dans les écoles à Alger. Selon le Cnapeste, 54 écoles de la capitale ont détecté des cas de contaminations, que ce soit parmi le personnel administratif, le corps enseignant ou les élèves.
Cette particularité de ce que certains qualifie de « deuxième vague » est également soulevée par le professeur Mohamed Yousfi, chef de service des maladies infectieuses à l’Etablissement hospitalier public de Boufarik. “ »Nous recevons de plus en plus de patients jeunes, contrairement à la première vague. Par patients jeunes, j’entends des formes graves d’infection par le coronavirus chez des personnes de 25 ans et plus », a-t-il précisé.
La situation est tout aussi critique dans cet établissement. “Nous sommes saturés depuis trois semaines. 30 à 40% de nos lits étaient occupés en août (à la fin de la “première courbe”, NDLR) mais maintenant, c’est complet ».
Le Pr. Yousfi Mohamed justifie cette gestion « compliquée » par le manque de tests P.C.R à l’EHP de Boufarik. « Nous sommes la wilaya la plus touchée et nous manquons d’automates P.C.R. Des antennes de l’Institut Pasteur sont implantées dans plusieurs wilayas et certaines ne subissent pas autant de pression que nous. Pourtant, nous sommes les plus touchés par cette pénurie », a-t-il déclaré.
« Il ne faut pas se référer aux statistiques du nombre de nouveaux cas par wilayas mais se référer à l’indice du nombre de contaminations par rapport à la population de la ville », explique-t-il encore, affirmant que “des hôpitaux réalisent des tests et obtiennent les résultats au bout de 3 ou 4 jours. Nous, nous attendons parfois plus de 15 jours pour recevoir les nôtres », poursuit le Pr. Yousfi.
Ce praticien explique que ces retards affectent la performance de l’EHP de Boufarik. « Nous subissons alors une pression de plus en plus grande dans la prise en charge des malades que nous recevons et qui ne sont admis en réanimation qu’une fois confirmés positifs au coronavirus ».
Le même professeur fait savoir que l’établissement hospitalier de Boufarik, qui compte 75 lits, a admis plus de 2.800 patients depuis le début de l’épidémie, fin février. « Des milliers sont passés aussi. Tout l’hôpital est réservé au traitement de la covid-19. Nous sommes le seul hôpital en Algérie à ne pas avoir fermé ses services covid », affirme-t-il.
Pour notre interlocuteur, cette deuxième vague de l’épidémie intervient au moment où le personnel médical de l’EHP est « déjà exténué”. “Nous sommes aussi la seule structure dont l’équipe n’a pas été remplacée, contrairement aux autres hôpitaux. Nous avons enregistré 22 contaminations dans nos rangs et ces médecins aussi, n’ont pas été remplacés”.
L’EHP de Boufarik “gère la consommation et l’approvisionnement en oxygène. Nous avons naturellement enregistré une hausse de la consommation, y compris chez les patients qui n’ont pas encore été admis en réanimation, mais nous sommes régulièrement approvisionnés », précise-t-il.
811 nouveaux cas confirmés de contaminations au coronavirus, ont été enregistrés durant les dernières 24 heures en Algérie. Un nouveau pic. Le bilan des contaminations poursuit son augmentation inquiétante.
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