Coronavirus: des syndicats dénoncent la “gestion bureaucratique et purement administrative” de la crise sanitaire

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Coronavirus: des syndicats dénoncent la “gestion bureaucratique et purement administrative” de la crise sanitaire
Coronavirus: des syndicats dénoncent la “gestion bureaucratique et purement administrative” de la crise sanitaire
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Des syndicats de la Santé ont fustigé la “gestion bureaucratique” de la crise sanitaire liée à la covid-19. Dans une conférence de presse, animée ce mardi 21 juillet 2020 au siège du Syndicat algérien des paramédicaux à Kouba, les syndicalistes ont dénoncé leur “exclusion” par les responsables politiques, regrettant que les professionnels du secteur “paient au prix fort” les conséquences de cette “gestion par les chiffres”.

Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique, a immédiatement souligné une “coordination inexistante” dans la gestion de la crise sanitaire. “Depuis le début de l’épidémie, fin février ou début mars, le ministère de la Santé réfléchit seul, agit seul. A se demander est-ce que cette épidémie se déroule en Algérie. Ils ne nous répondent même pas par téléphone”, a-t-il déclaré. 

“Au niveau des wilayas, c’est les autorités locales qui gèrent. Les praticiens, sont exclus. Les conseils médicaux aussi. Idem pour les syndicats. Pourtant, “la gestion de cette crise ne peut se faire sans les Praticiens, les professionnels qui sont sur le terrain”, estime-t-il. “Comme si nous vivons une crise politique ou économique alors qu’il s’agit d’un problème de santé publique, qu’ils ne peuvent pas gérer sans les praticiens”.

Rachid Belhadj, président du Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires, a établi le même constat. Il a dénoncé une “gestion bureaucratique, administrative pure” de cette crise, soulignant lui aussi l’absence de coordination. “Celle-ci est même absente entre les Directions de la Santé publique. Pire encore, dans la capitale même, par exemple, il n’existe pas de coordination entre les centres hospitalo-universitaires”, a-t-il ajouté. 

Conséquence: des patients qui ne sont pas concernés par le coronavirus se retrouvent sans prise en charge, a alerté le président du SNECHU. “Nous avons toujours un devoir moral vis-à-vis des autres malades. Que faut-il faire pour les cancéreux, pour les patients atteints de maladies chroniques, pour les urgences chirurgicales ou pour les autres services, tous fermés et mobilisés pour la lutte contre l’épidémie ?”. 

Autre conséquence de cette absence de coordination: les médecins libéraux, qui réaffirment pourtant leur disponibilité mais qui sont “rabaissés à un rôle de figurant et exclu du terrain”, fait savoir Dr. Mustapha Benbrahem, président du Syndicat national des médecins libéraux.

“Les médecins libéraux sont aussi désarmés face aux malades. Les praticiens non retenus se retrouvent contraints de s’organiser par eux-mêmes devant un circuit de prise en charge débordé”.  “Il aurait été judicieux, poursuit-il, d’impliquer les médecins libéraux, notamment pour des enquêtes épidémiologiques ou pour le suivi des malades”.

“Les médecins libéraux, à partir de leur espace, peuvent apporter leur aide. A charge des autorités publiques de leur assurer le minimum de sécurité et d’assurer la traçabilité des malades”, a-t-il souligné. 

Dr. Belhadj a également évoqué la prise de décision centralisée par les autorités locales. “Désormais, c’est les Walis qui ordonnent l’ouverture de nouveaux lits. Mais ce n’est pas pas de l’hôtellerie pour parler de lits. Il est également question de personnel. Un malade en réanimation a besoin de 3 paramédicaux, c’est-à-dire 3 infirmiers. Nos hôpitaux ont parfois 2 infirmiers pour 20 patients”, a-t-il rajouté.

Les intervenants ont ainsi appelé les autorités à discuter avec leurs partenaires sociaux, les syndicats de la Santé et les Praticiens, en l’occurrence. “Nous voulons que cette crise soit gérée par des professionnels du terrain, pas des animateurs de plateaux télévisées ou des étrangers qui ne sauront même pas vous dire comment entrer au CHU de Mustapha Pacha. Ni des administrateurs. Ceux-là ne vous diront jamais que la situation va mal”, a encore déclaré Dr. Belhadj. 

Plus de 50 médecins décédés

Le ras-le-bol exprimé par ces intervenants est d’autant plus alarmant que les Praticiens de la Santé sont les premières victimes de cette gestion. “Les Praticiens souffrent. De la surcharge, d’abord. Du manque des ressources, ensuite. Nous avons également enregistré des cas de contaminations de médecins qui ne sont même pas mobilisés dans la lutte contre l’épidémie de coronavirus”, a déclaré le président du Syndicat algérien des paramédicaux, Dr. Lounès Ghachi.

Les intervenants ont rappelé que plus de 50 médecins sont décédés et plus de 3.500 ont été contaminés depuis le début de cette épidémie, selon les statistiques récoltées par les syndicats. Les médecins libéraux ne sont pas en reste. Dr. Benbraham a fait savoir que son syndicat a enregistré 28 décès du nombre total de praticiens décédés.

Dr. Merabet a également évoqué l’absence de prise en charge des médecins atteints par le coronavirus. “Des collègues à nous décèdent ou se retrouvent contaminés et nous avons du mal à les intégrer en réanimation. D’autres, des cas confirmés, ne trouvent pas où se mettre en quarantaine et demandent à louer des chambres”, fait-il savoir. 

Il a également souligné la dépendance de l’Algérie à des fournisseurs étrangers de masques de protection, de consommables, de réactifs ou d’équipements. “Ceci est dangereux. Nous n’avons même pas suffisamment de tests PCR pour réaliser des dépistages chez nos collègues”. 

Le président du SNECHU, Dr. Belhadj, souligne de son côté que le ministère de la Santé n’a même pas adressé une note aux Praticiens concernant la prise en charge des médecins malades. “Nous gérons le transport. Nous gérons l’hébergement. Les hôtels sont mobilisés pour les Algériens rapatriés de l’étranger. C’est tout à fait leur droit. Mais je rappelle tout simplement que les médecins aussi ont besoin d’êtres placé en quarantaine”, a-t-il indiqué.

“On ne voit pas le bout du tunnel”

Pour les intervenants, le système de santé est arrivé à une situation “contre laquelle nous avons alerté bien avant cette épidémie”. “On n’attend pas des compliments ou des remerciements. Les médecins sont convaincus de leur mission. Ils se plaignent surtout du manque de discipline de certains citoyens, de la non coordination de la gestion et d’un discours rassurant”, alerte M. Merabet.

Rachid Belhadj affirme que “la situation va exploser”, rappelant les sit-ins de protestation qui ont eu lieu dans plusieurs structures hospitalières à travers le pays. Les syndicats vont être dépassés par la situation sanitaire et la gestion. Pas de conditions. Les moyens manquent. Nous luttons depuis des mois à mains nues. Si nous aussi, nous sommes à bout, comment réussir à dépasser cette crise ?”, s’interroge-t-il.  

Et de poursuivre: “Notre personnel s’effondre. Notre système de santé s’effondre. Nous avons des promesses et des belles paroles. Entre temps, le nombre de lits disponibles est en baisse”.

Interrogés sur la nomination du Pr. Ismail Mesbah au poste de ministre délégué chargé de la réforme hospitalière, les syndicalistes ont exprimé leur réticence, rappelant que la Loi sur la Santé, révisée en 2018, devait aussi être appliquée dans un délai de 2 ans. ”A ce jour, les réformes ne donnent pas de résultat”. 

“Le terme est lui-même réducteur. Il ne s’agit pas réellement de la réforme hospitalière mais de l’organisation de santé. Il faut une restructuration de tout le système, allant de la formation à la coordination entre le public et le privé, en passant par les assurances”, fait remarquer Dr. Merabet.

Interrogés également sur les promesses du président Abdelmadjid Tebboune de décréter une ordonnance punissant les agresseurs du personnel de la Santé, les intervenants, saluant cette décision, ont surtout pointé du doigt “les facteurs qui laissent les citoyens s’emporter dans les hôpitaux”.

“Les belles paroles et les écrits sont là. Mais à 02H du matin, tout le monde est dépassé, dans les hôpitaux”, martèle-t-on.

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