Abdelghani Zaalane, ancien ministre des Transports et des Travaux publics, a nié toutes les accusations portées contre lui, lors du deuxième jour du procès en appel de l’homme d’affaires Ali Haddad, à la Cour d’Alger.
« Je n’ai accordé aucun privilège et je n’ai fait aucune intervention pour Haddad ou pour les autres », a-t-il déclaré avant d’ajouter: « ils m’ont accusé d’avoir accordé des privilèges aux ports de Mostaganem, d’Alger et de Jijel. Moi, je suis venu au ministère en 2017. Et ces avantages ont été décidés en 2013 par mes prédécesseurs. Haddad a bénéficié d’un terrain au port de Mostaganem. Le rapport d’expertise a prouvé que ce terrain faisait l’objet d’un litige depuis 2015. A mon arrivée au ministère, j’ai constitué un comité pour régler le problème. Finalement, la surface a été réduite de 5.000 à 2.100 m 2 pour Haddad. Il n’y a pas de détournement de foncier, mais réduction ».
A propos du port de Djen Djen (Jijel), Zaalane a précisé que le patron du groupe ETRHB avait bénéficié d’un lot de terrain deux ans avant son arrivée au ministère. « Idem pour le port d’Alger. Le groupe Haddad avait une convention datant de 2003, renouvelable chaque cinq ans. Cette convention était une initiative de l’entreprise qui gère le port. On m’a reproché de n’avoir pas pris en compte une lettre envoyée par le PDG sur la baisse d’activités dans un quai (exploité par l’ETRHB). Or, cette correspondance date de 2007, à l’époque j’étais wali », a-t-il dit devant le juge.
Interrogé sur le financement de la campagne électorale d’Abdelaziz Bouteflika, début 2019, pour un cinquième mandat, Abdelghani Zaalane a précisé que le tribunal de première instance l’avait innocenté dans cette affaire. « Je ne suis resté que huit jours à la tête de la direction de campagne (entre le 3 et le 11 mars 2019). Je n’ai rien signé et je n’ai pas ouvert de compte. Je m’occupais de l’organisation, les finances étaient gérées par le trésorier », a-t-il dit.
Le prédécesseur d’Abdelghani Zaalane, Abdelmalek Sellal a également nié avoir géré les fonds qui étaient destinés à la campagne électorale avortée de Bouteflika, lors de son audition dans le même procès.
Benyounes et la cimenterie de Relizane
Amara Benyounes, ancien ministre de l’Industrie, a, de son côté, rejeté l’accusation d’avoir accordé des privilèges au groupe ETRHB pour le projet de la cimenterie de Relizane, après un contrat, signé en 2018, avec le danois FLSmidth. « A la date de la signature, je n’étais plus ministre de l’Industrie. C’est ce que j’ai dit lors de l’instruction lorsque j’étais auditionné sur cette cimenterie », a-t-il déclaré. Amara Benyounes était au ministère de l’Industrie entre septembre 2013 et mai 2014. Il dit avoir accordé un titre minier à Ali Haddad.
« Il lui a été accordé, cinq mois après que j’ai quitté le ministère de l’Industrie pour le ministère du Commerce. Mon nom n’a pas été cité dans l’expertise commandée par le conseiller chargé de l’instruction (à la Cour suprême). Je suis toujours poursuivi au tribunal de Sidi M’Hamed pour avoir concédé une cimenterie à Relizane alors que l’instruction a prouvé que cette usine n’existe pas. Après, on m’a accusé d’avoir privilégié un partenariat avec une société chinoise », a poursuivi Amara Benyounes.
Auditionné par visioconférence à partir de la prison d’El Abadla (Béchar), où il a été transféré, Ahmed Ouyahia, ancien Premier ministre, a déclaré qu’il avait quitté le gouvernement en 2006 lorsque la décision de transférer le projet des tramways à l’Entreprise du Métro d’Alger (EMA) a été prise. Pour le juge, il y a eu violation de la loi dans le dossier du transfert. « Il y avait 18 tramways en projets, et ce que je sais est que le transfert a été décidé pour assurer un contrôle sur la transaction. L’ancien ministre des transports a créé un comité technique pour suivre le projet. Je n’étais plus au gouvernement lorsque l’extension du tramway d’Alger jusqu’à Dergana a été décidée », a-t-il répondu.
Marchés de gré à gré
Le projet du tramway d’Alger a été confié en 2006 au français Alstom, à l’italien Todini et à l’ETRHB. La justice s’intéresse à la double extension de la ligne du tramway entre les Fusillés et Dergana avec la création de plusieurs stations supplémentaires sans passer par la commission des marchés. « Il fallait un nouveau contrat parce qu’il s’agissait d’un autre projet », a souligné le juge en remarquant que le montant des travaux d’extension était supérieur à celui du projet initial du tramway.
« Il s’agit de détails qui ne relèvent pas de la compétence du chef du gouvernement », a répliqué Ouyahia suscitant l’étonnement de la Cour. Selon lui, les marchés publics de gré à gré sont approuvés par le Conseil du gouvernement. Il a démenti l’inexistence de concurrence dans la transaction d’achat de voitures de tramway remportée par le français Alstom. Il y a eu, selon Ouyahia, trois autres entreprises qui étaient en course: une du Canada et les deux autres d’Espagne et d’Allemagne. »Le dossier a été étudié par le Conseil national d’investissement (CNI) », a-t-il noté.
Pour le projet Anabib, fractionné en plusieurs opérations, pour, selon le juge, être attribué au patron de l’ETRHB, Ouyahia a rejeté l’accusation de privilégier Ali Haddad. « Le gouvernement ne s’implique pas dans le montage des projets », a-t-il riposté. « Mais, il n’y a pas qu’Ali Haddad en Algérie ! Pourquoi n’avoir pas impliqué d’autres entreprises algériennes dans cet important projet ? », s’est interrogé le juge. Ouyahia a répondu que la décision ne lui appartenait pas.