Nadia Zouaoui est l’une des réalisatrices maghrébines les plus connues au Québec. Elle suit et observe aussi bien l’évolution de sa société d’origine, l’Algérie, que celle qui l’a accueillie. Forte de son vécu de femme algérienne, elle affiche ses engagements en apportant un regard critique sur la condition de la femme algérienne, le racisme, l’islamophobie et les défis du vivre ensemble.
Mais Nadia s’est d’abord révoltée contre le patriarcat de sa société d’origine. Mariée de force à l’âge de 19 ans, elle prend sa revanche contre tout ce que représente ce système à travers son film documentaire « le voyage de Nadia ». Un récit, où elle est narratrice et actrice, qui met à nu les non-dits de la société kabyle sur la condition de la femme. On y découvre une réalisatrice féministe, mais «indépendante», comme elle tient à le préciser. Le film a été très mal reçu par les Algériens et la communauté algérienne à l’étranger notamment en France et au Canada, précise Nadia. « Ça a pris 10 ans pour que les gens de chez nous comprennent ma démarche …au début ils voyaient comme de la prétention pour une femme de se raconter au « je » …mais ici en Occident c’est le film qui a gagné le plus de prix ».
Cette expérience « négative » que raconte Nadia, – rien d’étrange dans une Algérie aux traditions tenaces – n’a pas eu raison d’elle! Bien au contraire. Lorsqu’elle quitte Tazmalt, on lui avait tracé était de rejoindre son mari à Montréal. Mais en négociant sa dot, elle a échangé les bijoux, qu’on offrait traditionnellement aux mariées, contre la reprise de ses études. Et c’est à l’université de Montréal que commence, dans la quiétude, le chemin de « sa » libération.
Une fois diplômée en communication et littérature française, elle entame une carrière de journaliste à Radio Canada. Durant de longues années, elle a appris à composer avec une culture qui n’était pas alors frileuse à l’égard de l’étranger. « A l’époque, je connaissais peu de choses sur les maghrébins d’ici, car je n’ai pas évolué au sein de la communauté. Mais la crise de la décennie noire a tourné mon regard vers l’Algérie, dont je croyais avoir consommé la rupture ».
C’est alors qu’elle réalise deux reportages sur l’Algérie publiés, en 1997, dans le quotidien québécois La Presse. Le premier, «Tout s’achète sauf la mort qui est gratuite», traite de la « guerre civile en Algérie ». Quant au second, «Un paradis algérien bien protégé», il décrit « les Zones d’États créées en Algérie pour protéger la nomenklatura».
Ce retour vers l’Algérie a été un tournant pour Nadia, elle décide de travailler à son propre compte. « J’ai créé ma propre boite de production parce que je voulais faire des films qui font réfléchir tout le monde sur toutes les rives de la planète », lance-t-elle.
Mais, les crispations envers Nadia Zouaoui au Québec ont commencé lorsqu’elle a notamment réalisé deux films qui traitent de l’islamophobie en Amérique du Nord : « Le procès 2.0 » et « Peur, colère et politique« . Le premier film met en scène une jeune femme voilée, victime d’islamophobie au Québec, mais on y décèle en trame de fond une critique des réseaux sociaux et « leur rôle dans l’amplification de la discorde au sein de la société ».Le second, réalisé à l’occasion du 10ème anniversaire des attentats du 11 septembre, raconte l’exacerbation des sentiments de haine envers les musulmans notamment à New York, depuis ces attentats.
Actuellement, Nadia travaille sur un sujet qui lui tient à cœur. Elle se dit révoltée par la violence banalisée que subissent les femmes en Algérie et voudrait faire un film pour donner une voix à ces femmes, dénoncer cette «pandémie», mais surtout «créer un outil de réflexion pour ceux qui ne veulent pas la voir»!