La démocratie a besoin d’un Etat de droit

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La démocratie a besoin d'un Etat de droit
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« Il n’y a pas de démocratie avec un État faible » a déclaré le Président Tebboune ce mercredi 19 janvier 2022. C’est une vérité qui parait évidente. Elle peut être exprimée plus directement : Un Etat faible ne permet pas l’exercice de la démocratie. En admettant une définition communément admise de la démocratie- la règle majoritaire reposant sur un ensemble de libertés individuelles- et une définition d’un « État faible » basée sur la réalité d’un certain nombre d’États, cette affirmation est à première vue vérifiée.

LES ÉTATS FAIBLES ET LA DÉMOCRATIE

L’observation des États dans le monde indique une liste restreinte d’États faibles. Le Mali à nos frontières sud, la Somalie dans la corne de l’Afrique, le Liban à l’est de la Méditerranée sont à inscrire d’office dans cette liste.

Ces États, pour s’en tenir à ces seuls exemples, ne maitrisent pas leur territoire, entretiennent des relations conflictuelles avec les populations ou communautés implantées sur leur territoire et éprouvent les plus grandes difficultés à constituer des gouvernements stables et reconnus. Ces États ne disposent pas « du monopole de la violence légitime ».

Des milices indépendantes du pouvoir central se partagent le territoire et le contrôle des populations. Ces pays sont constamment sous la menace d’une guerre civile. Ces États ne sont pas en mesure de remplir leurs obligations régaliennes, assurer la sécurité des personnes et des biens. Ils n’offrent pas les conditions minimales pour la démocratie.

A ce niveau de notre développement, l’affirmation « un Etat faible ne permet pas l’exercice de la démocratie » est vérifiée. Le Président Tebboune peut appuyer son raisonnement en poursuivant : « une faiblesse qui provoque le chaos et oblige à abandonner ses principes ». Mais une telle affirmation peut en cacher une autre et même la valider par défaut.

LES ÉTATS FORTS ET LA DÉMOCRATIE

Un théorème bien connu de la logique veut que « si une proposition est vraie, alors sa contraposée est également vraie ». Un exemple célèbre permet de le comprendre facilement. Si la proposition « s’il pleut, le sol est mouillé » est vrai alors sa contraposée « si le sol n’est pas mouillé, il ne pleut pas » est également vraie. Appliqué à l’affirmation présidentielle, la proposition « pas de démocratie, si l’Etat est faible » est vraie implique que la proposition « si l’Etat est fort, démocratie il y a » est vraie.

Cela devient moins évident pour ne pas dire contestable. Pas seulement sur le plan de la logique formelle. Les pays aussi différents que la Chine, les Etats-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, l’Iran, la Corée du Nord et le Japon sont des États forts. Ce sont des puissances économiques et militaires qui exercent leur autorité sur leurs territoires et leurs peuples respectifs.

Leurs gouvernements disposent d’une reconnaissance internationale incontestable. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon sont des États démocratiques. Ils répondent aux critères universels de la démocratie. La Russie est un Etat autoritaire. La Chine, la Corée du Nord et l’Iran sont des États totalitaires. Voilà qui suffit déjà à invalider la proposition contraposée « si l’Etat est fort, démocratie il y a ».

L’ETAT OMNIPOTENT ET LES LIBERTES INDIVIDUELLES

Il faut reconnaître que l’affirmation « Il n’y a pas de démocratie avec un État faible » ne pouvait que rencontrer la suspicion si on la rapporte à l’état actuel de la situation politique dans notre pays. Les vagues d’interpellations, d’arrestations, de gardes à vue, de contrôles judiciaires, de détentions préventives et de condamnations à la privation de liberté par les tribunaux soulèvent des objections majeures.

La démonstration de force de l’Etat qui limite les droits fondamentaux ne pouvait être comprise comme une volonté de développer la démocratie. Nous ne sommes pas en présence d’une ouverture vers plus de libertés individuelles mais dans la voie de leurs limitations. Le Président Tebboune le reconnaît implicitement en déclarant :« Les commentaires politiques et la liberté d’expression sont garantis, mais avec civisme, car ils n’ont rien à voir avec la diffamation, l’insulte, la calomnie, la diffusion de mensonges ».

Les exceptions énumérées recoupent les motifs d’inculpation de nombreux citoyens poursuivis pour leurs publications dans les réseaux sociaux ou leurs participations aux marches hebdomadaires du Hirak. Retenir les débordements ou excès de langage de citoyens qui expriment leur opposition au pouvoir revient à ne considérer que les aspects secondaires de leur opinion.

C’est comme si on devait rejeter les antibiotiques ou tout autre médicament pour leurs effets secondaires. Il est vrai qu’une opinion n’est pas forcément un remède. Ce qui, d’ailleurs, est valable pour le citoyen comme pour les gouvernants. L’opinion est naturellement liée à la personne humaine. C’est pourquoi, nier la liberté d’opinion, c’est atrophier la personne humaine, c’est la priver d’une faculté essentielle.

La tendance actuelle à dramatiser les excès de langage au point de recourir à la privation de liberté révèle plutôt une préoccupation partisane, réduire les forces d’opposition au pouvoir. Il est évident qu’une plus grande maturité et de plus justes orientations des oppositions produiraient un débat plus policé et témoignant de plus de « civisme ».

C’est un long apprentissage. Il n’est pas sûr que ce soit l’objectif recherché. Parce que la source de l’attitude répressive des autorités tient à leur conception de la suprématie de l’Etat par rapport à l’individu, par rapport au citoyen. Or à bien examiner les choses, c’est l’Etat omnipotent qui tend naturellement à limiter les libertés individuelles.

A revenir sur les pays aux « États forts », il ressort nettement que les régimes où la démocratie fait gravement défaut, les États autoritaires ou totalitaires, sont ceux dont les gouvernements sont omnipotents.

Dans ces États se développe le syndrome de la citadelle assiégée. Le Président Tebboune parle des « tentatives de mettre l’État à genoux par des moyens détournés ». Sans nier les menaces extérieures nées des rivalités régionales et des groupes terroristes islamistes stationnés aux frontières, la tendance à exagérer le danger ou à instrumentaliser ce danger est monnaie courante. Depuis 1962, les pouvoirs ont eu recours à cet épouvantail pour susciter « l’unité nationale » et intimider les oppositions au nom d’un fantomatique « front intérieur ». Sincère ou simulée, cette intention aboutit dans tous les cas à intimider les forces d’opposition.

MOINS D’ETAT, PLUS DE LIBERTE

A bien examiner le parcours politique de l’Algérie indépendante, une relation se trouve confirmée. Plus l’Etat est dominant, moins grand est l’espace de liberté pour les citoyens. Mis à part les pouvoirs régaliens -la protection extérieure du pays, la sureté, la protection des libertés et la garantie des contrats- que l’Etat doit assumer, les autres domaines de l’activité nationale souffre de la présence excessive de l’Etat.

Il en est ainsi dans le domaine économique. Ceux qui sont aux commandes de l’économie le ressentent. Bien que timides encore, les efforts pour libérer l’investissement ne sont soutenus que par le gouvernement. Les forces d’opposition dont l’économie est le talon d’Achille restent encore attachées aux différentes formes d’étatisme et de socialisme. Elles semblent ignorer que l’article 17 de la Déclaration universelle des droits de l’homme proclame :

« 1. Toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété. 2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété ».

Toute volonté de nier la liberté économique aboutit tôt ou tard à la négation des autres libertés. C’est ce qu’ont confirmé les États nazi, fasciste, communiste et nationaliste qui partagent cette négation de la propriété privée. Dans tous les autres domaines d’activité, plus l’Etat est fortement présent, moins les innovations et les incitations à la croissance se font jour.

L’éducation nationale et la culture, secteurs soumis aux pesanteurs idéologiques, n’échappent pas à cet étouffement. Les libertés d’opinion, de la presse, de conscience et de culte sont particulièrement amoindries par l’hégémonie de l’Etat. C’est pourquoi, ce qui est à l’ordre du jour dans l’Algérie d’aujourd’hui, c’est la limitation des pouvoirs et de la place de l’Etat dans la vie des Algériennes et des Algériens. Cette limitation induit une plus grande autonomie du citoyen et par conséquent une plus grande responsabilité individuelle.

Si c’est ce à quoi appelle le Président Tebboune, alors la direction est toute tracée. C’est la perspective de l’Etat de droit, promoteur et protecteur des libertés individuelles. Un des premiers pas serait la libération de tous les détenus d’opinion.

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1 commentaire

  1. Tout une diatribe pour justifier l’injustifiable.La liberté d’opinion n’a rien à voir avec la propriéte privée,comme l’etat de droit et du droit des états qui est différent.Par ailleurs,si on a le droit de tout dire,il faut,aussi,avoir le devoir de tout entendre et de subir,car la nature humaine est ainsi faite :action entraine réaction,etc…

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