Si on veut réfléchir sur ce qu’est une œuvre, sa portée culturelle, artistique, socio-économique, le détour (adaptation, réappropriation …) est un médium pertinent et efficace à la portée de tous .
C’est Marcel Duchamp qui fait appel dès 1913 au détournement des fonctions utilitaires premières d’objets et d’images quand il invente le ready-made.
Le détournement est un processus artistique qui consiste à s’approprier une image ou un objet et à le modifier pour en faire quelque chose de nouveau, de différent.
Il associe un élément (ici chez Youcef Design, une femme aux habits traditionnels à un décor urbain moderne et ainsi crée une narration, du sens qui fait allusion au fait que l’orientalisme a fantasmé des sociétés, des cultures loin de leur réel.
C’est grâce à toutes ces oeuvres que les occidentaux ont fabriqué un imaginaire dévoyé sur le monde arabe, parfois méprisant pour les femmes et les hommes pour constituer un corpus de représentations qui comme l’a écrit Edward Saïd a contribué a façonner l’image de l’arabe et a largement influencé les relations avec l’Occident et la domination politique et culturelle, la dépréciation de la langue arabe, la diabolisation de l’arabe et de l’islam, et la cause palestinienne..
L’orientalisme est un mouvement esthétique occidental, prenant comme sujet l’Orient, avec des représentations tantôt réalistes, tantôt imaginaires mais surtout fantasmées.
Détour en art
Sur un plan géopolitique, l’essor de l’orientalisme au XIXème siècle, comme mouvement artistique, est directement lié aux bouleversements politiques que connaissent le Moyen Orient et le Maghreb tout au long du siècle, avec l’expansion du colonialisme européen et le lent effondrement de l’Empire ottoman.
En Algérie, les premiers peintres voyageurs étaient missionnés pour raconter les faits de guerre français dès 1830. Abandonnant les scènes historiques traditionnelles des orientalistes, certains artistes tels qu’Eugène Delacroix, Eugène Fromentin, Théodore Chassériau, Gustave Guillaumet, Renoir et même Picasso (avec les femmes d’Alger d’après Delacroix), apportèrent une autre vision de l’Algérie où se mêlaient romantisme, recherche de sujets nouveaux pour leurs tableaux, fascination et fantasme en particulier sur les femmes souvent associées au harem, à la lascivité, à l’érotisme exotique dans les bains maures .
Ici Youcef Design reprend certaines oeuvres et se propose de nous parler de la réalité sociale des femmes en Algérie comme cette photographie où les oranges vendues à la sauvette, à même le sol pour survivre sous le regard agressif d’autres marchants ambulants.
On se souvient aussi d’un cacher scotché au mur qui parodiait « La banane » d’Andy Warhol elle même détournée par Maurizio Catalan pour protester contre le marché de l’art et vendue à 120 00O$, ou du portrait de Bouteflika traité à la manière de Bansky qui passe son tableau à la broyeuse à papiers, sans oublier la Joconde algérienne de Yasseur Ameur mais aussi sa Marylin ou le radeau de la Méduse .
Le détournement est donc une manière générale de réutiliser un matériau préexistant au profit d’un nouveau dispositif sémiotique, d’une nouvelle narration plus proche de la réalité des personnes . il permet d’introduire la dérision voire l’ironie, la critique, la réappropriation culturelle et constitue une lutte graphique, picturale, iconographique qui revisite l’histoire de l’art .