Djaffar Gacem est scénariste, réalisateur et producteur algérien. Il est connu par la réalisation de plusieurs sit-com et feuilletons télévisés dont les plus célèbres sont « Nass M’lih City » (2001), « Djemai Family » (2008), « Dar El Bahdja » (2013) et Soltan Achour El acher (2015). « Héliopolis » est son premier long métrage.
24H Algérie: La crise sanitaire de la Covid-19 a retardé la sortie de votre premier film « Héliopolis » en Algérie. Existe-t-il une date en perspective ?
Djaffar Gacem: La programmation de la sortie du film ne dépend pas de moi. Le film était prêt depuis fin février 2020. On s’est mis d’accord avec le CADC (Centre algérien pour le développement du cinéma) pour l’organisation d’une avant-première. J’ai proposé mai 2020 à la faveur de la célébration des événements du 8 mai 1945. L’histoire du film en est liée. La date a été décalée au 5 juillet 2020. Et là, il n’y a pas de date précise. On espère que la projection se fera en octobre/novembre 2020. J’écarte la possibilité de le projeter en septembre prochain.
«Héliopolis», qui porte le nom d’une ville de la région de Guelma, plonge dans l’Histoire contemporaine de l’Algérie. Quelle est la trame du film? Film historique?
C’est une fiction autour de faits réels. C’est l’histoire de Zénati, un père, propriétaire terrien, fils de Caïd, qui est attaché aux idées de Ferhat Abbas, idées assimilationnistes de l’époque. Ferhat Abbas demandait l’égalité entre algériens et français. Comme les juifs avec le décret Crémieux (en 1870, ce décret a attribué d’office la nationalité française à plus de 35.000 juifs vivant en Algérie), il réclamait des droits aux algériens musulmans qui combattaient pour la France (durant la Seconde guerre mondiale). Le fils de Zénati, un bachelier, est contre les croyances de son père. Il lui disait que la France ne donnera jamais aux algériens leurs droits, ni assmiliation, ni rien du tout.
D’où le conflit entre eux…
Oui. Petit à petit, le fils de Zénati épouse les idées de Messali Hadj qui revendiquait l’indépendance de l’Algérie. De ce conflit père et fils, apparaît la guerre menée par les puissants colons, dans les milieux ruraux de Guelma, contre les musulmans qu’ils appelaient « indigènes ». Donc, c’est le grand conflit entre l’Algérie et la France qui est dévoilé. L’histoire du film commence en 1940. Au fil de l’histoire sont expliquées les raisons ayant conduit aux manifestations du 8 mai 1945 et aux tragiques événements de Guelma, Sétif et Kherrata. Je me suis concentré sur Guelma. A l’époque, le sous-préfet André Achiary était un partisan de la tuerie à grande échelle contre les musulmans. Il avait armé un milice et donné raison aux colons pour se défendre (la milice armée par Achiary a commis des centaines de meurtres et d’exécutions sommaires dans la région de Guelma durant tout le mois de mai 1945. Achiary a été décoré de la Légion d’honneur en 1946).
Pourquoi le choix de « Héliopolis »?
A Héliopolis (à 5 km de Guelma) a eu l’incinération des musulmans algériens après un assassinat massif. Des milliers de morts ont été brûlés dans des fours à chaux (en 1945, les milices coloniales ont transformé un four du colon Marcel Lavie en four crématoire pour y brûler les cadavres d’algériens au milieu de branches d’oliviers).
Votre film est donc plus politique qu’historique
Oui, l’histoire est politique. Ce n’est pas un film western. Il y a quelques événements pour montrer l’atrocité des colons, sinon c’est un film politique pour montrer la psycholgie des algériens à l’époque et la position comme celle du père Zénati qui n’était pas un vendu ou un collaborateur, mais qui estimait qu’il fallait adopter les idées de Ferhat pour se défendre. Son fils a rejoint le PPA. « Héliopolis » est un film dans le contexte, pas un film de jugement. On ne juge pas, on fait un constat…
Avez-vous écrit le scénario du film?
En fait, nous sommes trois à l’avoir écrit. Salah Chihani d’Annaba, son épouse Kahina Ould Said et moi même. Samir Medjraoui a collaboré de loin dans l’écriture du scénario. Nous avons fait appel à des comédiens algériens et français pour donner de la crédibilité au film. Parmi les algériens, il y a Aziz Boukerouni, Mehdi Ramdani et des comédiens du théâtre (comme Fodil Assoul et Mohamed Frimehdi). Côté français, j’ai pris des comédiens ayant joué dans des téléfilms.
C’est donc une production à 100 % algérienne donc…
J’allais dire malheureusement.
Pourquoi?
Le film est une production du CADC. Je suis producteur exécutif. Produit à 100 % en Algérie, le film perd ses chances d’être pris par des distributeurs à l’étranger. Si on est à l’aise pour le payement, il y a un côté négatif. Les distributeurs considèrent cette production comme « un film de commande ». Si nous avions un coproducteur allemand, belge, français ou autre, ne serait-ce qu’à 10 %, cela aurait donné plus de crédit au film. Les comités de sélection des grands festivals de cinéma s’intéressent aux parties qui produisent les films. Un coproducteur européen peut défendre un film en pareilles situations…
Et vous n’avez pas pu trouver un coproducteur européen?
Au début, j’avais un coproducteur belge. L’ex-ministre de la Culture Azzeddine Mihoubi a refusé la présence de ce coproducteur. « Héliopolis » est financé par le fond spécial du 50ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie de 2012. La coproduction n’était pas acceptée pour accéder à ce fond. « Papicha » de Mounia Meddour est présent dans les salles parce qu’il est coproduit par un producteur français. Là, on se bat pour qu’on aille en Algérie vers la coproduction cinématographique avec des étrangers pour renforcer l’apprentissage technique et donner plus de chance à nos films d’être sélectionnés dans les festivals et distribués et pour ne pas qu’ils aient toujours l’occasion de sélectionner les films qu’ils veulent.
La sortie de « Héliopolis » va intervenir dans un contexte particulier
Absolument, surtout avec la levée de voix de certains conservateurs actuellement en France évoquant « la colonisation positive ». Le film « Héliopolis » répond à cela. Dommage que la Covid-19 empêche sa sortie actuellement. J’étais très modeste dans la manière d’aborder le sujet. Je ne voulais pas montrer les massacres à outrance en adoptant une certaine attitude de neutralité.
Après ce premier long métrage, pensez-vous à un deuxième?
Je ne vous cache pas que j’ai eu beaucoup de peur pour le premier film. Nous avons pris quatre ans pour l’écriture et la réécriture au point d’avoir vingt versions du scénario. En lisant les livres, j’ai découvert beaucoup de choses sur l’Histoire de l’Algérie. Là, je suis entrain d’élaborer une idée d’un film sur les essais nucléaires français dans le sud algérien (dix sept explosions ont eu lieu dans le sahara durant les années 1960). Ce sujet m’intéresse. Dans des villages du côté de Reggane, on souffre toujours des radiations atomiques. Des enfants en portent les séquelles, d’autres sont malades. Et personne n’en parle ! A travers une fiction, je veux mettre en lumière ces drames. C’est la fiction qui draine la réalité.
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