Le droit mis en œuvre par l’État pour réprimer les mouvements d’opinion qui lui sont hostiles est un ensemble de lois adoptées par l’État. Ainsi, l’État se prévaut d’actions conformes à la législation, d’une légalité.
Il agit conformément aux règles qu’il a édictées. Dans la réalité, il ne respecte pas totalement ces règles. Mais même en considérant que ces « dépassements » sont des exceptions, ce statut de juge et partie est déjà contestable. Il ouvre la voie à l’arbitraire.
L’État peut prétendre que sa législation est conforme à la Constitution. Là aussi, c’est l’État qui déclare la constitutionnalité de ses lois.
Le Conseil constitutionnel n’a pas encore fait la preuve de sa neutralité. Bien au contraire. La société civile qui s’est mobilisée pour les libertés individuelles, n’a pas encore suffisamment opposé à cet arbitraire les principes de l’État de droit.
Les avocats, les magistrats, les universitaires et les intellectuels acquis au droit universellement reconnu peuvent jouer un rôle pédagogique salutaire.
LE DROIT, QUEL DROIT ?
La législation élaborée par les gouvernants répond d’abord au besoin de consolider leur pouvoir. Pour cela, ils n’hésitent pas à limiter les libertés des citoyens. Cette législation n’est pas toujours conforme au droit universel.
De nos jours, la déclaration universelle des droits de l’homme constitue la formulation admise par les Nations-Unies et les États membres de ce droit universel. Il est déclaré également droit naturel pour affirmer son caractère imprescriptible. Aucun pouvoir n’octroie ce droit aux femmes et aux hommes. Il est un attribut de la personne humaine. Toute disposition qui conteste ce droit constitue une violation du droit.
La société civile doit contester la capacité que se donnent les gouvernants à dire la loi quand ce droit n’est pas respecté. La société civile ne peut admettre l’instrumentalisation de la guerre de libération pour en faire une source du droit. Les courants politiques et idéologiques de l’opposition doivent également ne pas recourir aux confusions diversions sur l’origine du droit.
La Déclaration du 1er novembre 1954, le Congrès de la Soummam et tous les autres actes et documents de la guerre de libération ont emprunté le droit des Nations à disposer d’elles-mêmes, le droit à l’indépendance, au droit universel. C’est ce qui a fondé sa légitimité. Ainsi, bien compris, le droit de base, c’est le droit naturel, c’est le droit universel, c’est la Déclaration universelle des droits de l’homme.
LEGALITE ET LEGITIMITE
Les gouvernants opposent donc leur législation aux citoyens. Ils opposent leur légalité, une légalité qui signifie la conformité à leurs règles. Ainsi, à la
liberté de manifestation, ils opposent « l’attroupement non armé ». Aux opinions hostiles à l’exercice de leur pouvoir, ils opposent « l’atteinte à l’unité nationale » et « la défense de la sécurité de l’État », autant de motifs qui font référence à des entités abstraites ou symboliques pour nier les droits de la personne humaine.
L’essence des droits de l’homme, c’est l’individu, c’est la personne humaine. En subordonnant l’individu à des entités, la Nation et l’État, les gouvernants inversent la hiérarchie des relations. En les opposant aux individus, ils s’écartent de l’humanisme, de la promotion et de la protection de la personne humaine. La question à laquelle ils doivent répondre avant tout est la suivante : « est-ce que leur conception de la Nation ethnique et de l’État autoritaire est conforme aux droits de la personne humaine ? ».
Assurément non. En fait la législation officielle constitue une fausse légalité quand cette législation n’est pas conforme au droit universel. Dans ce cas, elle n’est pas légitime. Légalité et légitimité se confondent quand les lois et la Constitution découlent du droit universel. La société civile, quant à elle, dispose d’une autre conception de la Nation et de l’État compatible avec les libertés individuelles. C’est la conception de la Nation civique et de l’État de droit.
L’ETAT, UN SUJET DE DROIT
Cette conception qui place l’État au-dessus des citoyens, au nom d’un intérêt général abstrait et arbitraire, comporte une dérogation au droit. L’État ne se soumet pas au principe de l’égalité des sujets de droit. Les gouvernants ne considèrent pas l’État comme un sujet de droit, comme une personne juridique. Cet État n’est donc pas astreint au respect « du principe de légalité ».
Ici légalité se confond avec légitimité. Car dans un État de droit, les lois sont soumises au « principe de constitutionnalité ». La Constitution doit être évidemment conforme au droit universel, aux principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
L’État de droit n’est pas juge et partie. Il est une personne juridique soumise au respect des normes juridiques que définissent dans l’ordre hiérarchique, la Constitution, les accords internationaux, les lois et les règlements. Dans le dispositif constitutionnel, il est prévu une « Cour constitutionnelle ».
Ce n’est pas actuellement la priorité du pouvoir. Sa mise en place n’est certes pas une garantie suffisante. Sa composition étant tributaire des choix du Président de la République. Mais la généralisation du « contrôle de constitutionnalité » sous l’impulsion des organisations de la société civile peut constituer une limitation de l’arbitraire. L’affirmation de l’Etat comme sujet de droit s’étend à toutes les institutions de l’Etat et à tous ses agents. C’est dire son importance dans la vie quotidienne du citoyen.
LES ELECTIONS DES APC, UNE OPPORTUNITE
Se battre résolument pour l’Etat de droit n’implique pas d’attendre l’auto-dissolution de l’Etat autoritaire ou son effondrement. C’est une utopie. De
même, les manifestations de la société civile à travers le Hirak ne doivent pas alimenter l’illusion de changement immédiat de la nature de l’Etat. Cette illusion peut pousser à l’aventurisme et à l’abandon du pacifisme. L’Etat de droit sera une conquête progressive.
La société civile doit être présente dans les institutions qui lui reviennent et dont elle doit élargir les prérogatives pour limiter l’arbitraire de l’Etat central autoritaire. Une participation massive et vigilante aux élections locales donnera la mesure de l’état de l’opinion. La faible participation populaire à la présidentielle, au référendum constitutionnel et aux législatives donne la mesure de la désaffection vis-à-vis du pouvoir.
A l’occasion des élections des APC, la société civile doit poser les preuves de sa volonté d’établir un Etat de droit. Elle doit le montrer par un taux de participation élevé et le choix de ses représentants. Elle affirmera d’abord sa participation à la gestion des communes où se décide l’utilisation d’une part non négligeable des ressources publiques Elle doit confirmer également son rejet de la répression et sa revendication de libération des détenus d’opinion. Dans la tolérance, la coopération, le pacifisme et le rejet des sectarismes.
Hocine Ait Ahmed -Allah irrahmou- de son vivant avait tout dit , il avait fait .. des propositions, des déclarations, des lettres, des mémorandums.,
« – Une idee qui pretenndait que les peuples, une fois les indépendances acquises, n’avaient plus rien à conquérir. Tout au plus quelques doléances à caractère matériel. Ce qui devait être le début d’un processus de libération, la proclamation des indépendances, s’est transformé- a été transformé par la force, la ruse et le chantage- en un long asservissement des consciences. La première et la plus formidable victoire de ce soulèvement des sociétés est d’abord dans l’affirmation d’une idée jusque là interdite : C’est aux dirigeants de plaire à leurs peuples et non le contraire. C’est aux dirigeants de faire la preuve qu’ils aiment leur pays et qu’ils méritent la confiance de leurs peuples. Ce n’est pas aux peuples de faire tous les matins la preuve de leur patriotisme en se mettant au garde à vous devant des despotes.
» Il manque la volonté politique. Il manque la volonté de faire les choses sérieusement. Il ya trop de mensonges, de dribbles, de jeux malsains. Ce pays croule sous les manigances et les coups tordus. Et au milieu de tout cela une incroyable légèreté dans la gestion de cette colère qui gronde. On dirait que le pouvoir n’est même plus capable de prendre la mesure de tout ce qui a été gâché. Les vrais décideurs ont toujours imposé le savoir-faire de la police politique, sans oublier le rôle et la longue expérience de Bouteflika dans l’art de faire échec par la ruse et la violence à toute possibilité de démocratisation. Quand il n’y a plus de confiance, il faut d’abord restaurer la confiance. On n’imagine pas un dialogue sans ce préalable. »
Une grande école que celle de Hocine Ait Ahmed , que tous ces décideurs devaient fréquenter.
[…] le climat politique et favoriser les oppositions jusqu’auboutistes qui prônent le boycott. Le pouvoir en place assume une responsabilité particulière dans la détérioration du climat […]