Je relis cette dernière phrase d’un article de Kamel Daoud* à l’encontre de son ami Jean-Paul Vesco à l’occasion de la nomination de ce dernier au service de l’Archidiocèse d’Alger . Une phrase qui vaut, elle aussi à sa manière, nomination :
« Ce pays a besoin surtout d’Algériens qui le sont par choix ».
Je ne peux m’empêcher de penser quel auteur, penseur ou citoyen français pourrait reprendre à son compte :
« Ce pays (la France) a besoin surtout de Français qui le sont par choix ».
Dans ce même article, Kamel Daoud reconnaît en son ami et dans sa propre démarche la force du doute, le caractère nomade de religions maintenant une foi vive mais sans prétention de vérité.
Dans cette période électorale française de propos haineux cette ouverture des frontières géographiques et de recherche, donc de curiosités et de doutes partagés sur sa propre religion et celle de l’ami, sont des espaces de vraie respiration, à l’image des chemins de traverse. Il est si rare d’estimer ce qui rassemble, ainsi que la part de différences qui nous enrichit.
A l’heure où la folie des affirmations radicales, des cléricalismes religieux, patriotiques et sociétaux s’érigent en étendards, souvent curieusement brandis par des nouveaux convertis sans doute en mal de reconnaissance, deux hommes se tendent la main. Leur force est celle du doute. Les certitudes, les dogmes, les rites, ne sont que des murailles érigées contre la liberté de croire et de penser.
Qu’on ne se méprenne pas ! Je fais l’éloge du doute du chercheur qui ne craint pas d’avancer le plus souvent d’erreurs rectifiées en erreurs rectifiées. Ce doute est celui de l’humilité. C’est celui dont les sages disaient : « Dans le doute, abstiens toi ! » . Abstiens toi d’affirmer ou d’adopter des partis pris, une attitude de repli sur soi, mais ne t’abstiens jamais de t’interroger.
Il est un autre doute, sans cesse amplifié par une crue médiatique peu soucieuse de ses sources, où l’erreur flatte et pèse autant que la vérité au point qu’elle puisse être affirmée et instrumentalisée comme une vérité et parfois La vérité. Ce doute n’est pas celui qui s’interroge sur le bien-fondé d’une hypothèse scientifique ou spirituelle. C’est celui qui travestit l’interrogation en affirmation plus ou moins révisionniste, voire négationniste. On reconnaît leurs adeptes au fait qu’ils ne doutent pas de leur pensée ou d’eux mêmes.
Leur mantra pourrait être : « Dans le doute, ne retiens que l’affirmation qui sert ton ego !»
Oui, nos pays ont surtout besoin de citoyens, de souche ou non, qui le soient par choix.
Un choix qui ne se nourrit pas de pensée unique, de désinformation, de provocations, d’ostracisme. Qui ne se nourrit pas de normes protectionnistes de droit du sol ou de droit du sang. L’origine du sang et du sol n’est que le fruit versatile d’un hasard plus ou moins heureux.
Un choix de tout homme libre et respectueux qui finit par s’entendre dire de la part de ses hôtes : « Bienvenue chez toi ». Et lorsqu’il n’existe pas d’autre choix que celui imposé de partir pour survivre, il ne devrait pas exister d’autre choix que celui d’accueillir !
« L’ami, c’est celui dans les yeux duquel je me reconnais »**. Donc celui qui me reconnaît et m’accueille chez lui, donc chez moi.
Devenir par choix, oser le partage de ses incertitudes, proposer un Dieu à l’image de ses actes et se retrouver dans le regard d’un ami.
Pour offrir et agrandir « l’espace de ma tente » au dialogue et se reconnaître dans le regard d’un ami, mieux vaut percevoir le vraisemblable, et non le vrai !
Merci à vous, hommes sans frontières intérieures et extérieures.
* Journaliste et écrivain algérien ( Article paru dans Liberté du 30/12/2021)
**L’amitié ( Livre de J.P Vesco. 2017 Ed. Bayard)
Merci Jean-François. C’est très juste
J’aime bien aussi l’image de la caravane, pas installés, solidaires et bienveillants, en marche, en recherche ensemble, prenant soin de ceux qui ont du mal à marcher…
Amitié
Jean-Marc Denise