Ferhat Ait Ali, ministre de l’Industrie, a annoncé samedi 9 janvier 2020 que l’endettement des groupes industriels est devenu important et que des changements auront bientôt lieu à la tête des entreprises publiques.
« L’endettement accumulé ces dernières années est estimé à 12 milliards de dollars. Les actifs publics actuels suffisent pour garantir cet endettement. Il y a un problème structurel de management et il y a absence de plans de relance. Un audit est en cours au niveau de tous les groupes industriels publics. En fonction des résultats de l’audit, nous prendrons des décisions. Les plans de redressement sont étudiés groupe par groupe», a déclaré le ministre au Forum du journal Echaab à Alger.
Et d’ajouter « après, on verra quels sont les groupes éligibles à la reconversion, ceux qui vont continuer à produire avec une nouvelle aide (de l’État), ceux qui vont être orientés vers la bourse (ouverture de capital) et ceux dont les actifs seront reversés au trésor public en raison de l’incapacité à rebondir ».
Il existe, pour rappel, douze groupes publics industriels ayant 841 unités avec 42 filiales. « Certaines unités sont en faillite au regard du code de commerce algérien. Leurs actifs sont inférieurs au quart du capital social », a-t-il noté.
Une recapitalisation à travers la bourse
Le ministre a annoncé l’ouverture du capital de certaines entreprises publiques à travers la bourse. Il a écarté le recours au « modèle » de privatisation des années 1990 qui avait privilégié un groupe d’hommes d’affaires « triés sur le volet » dans « l’opacité ».
« Il s’agit de recapitaliser les entreprises publiques. Cela pourrait se faire sous forme d’achat d’actions en bourse. Il ne s’agit pas de vendre ces entreprises à des parties algériennes ou étrangères. Les étrangers, qui se sont habitués à nous vendre leurs produits, à faire du commerce, ne viendront pas racheter une entreprise publique en difficulté financière. Nous ne devons pas reproduire les erreurs du passé », a soutenu Ferhat Ait Ali.
« Ce que nous avons bradé, nous l’avons racheté avec notre argent ! »
Il a critiqué les opérations de privatisation d’entreprises publiques au profit de groupes étrangers dans les années 1990 et 2000. « On leur a donné des complexes avec des stocks consistants, des actifs encore opérationnels et des compétences. Ils nous les ont restitués avec des dettes, des stocks inexistants et des actifs en panne. Ce que nous avons bradé, nous l’avons racheté avec notre argent, dix fois plus cher », a-t-il déclaré.
«Nous faisons du conditionnement »
Ferhat Ait Ali trouve curieux que plus de 50 ans après l’indépendance, l’Algérie n’a toujours pas d’usine de machines et outils. « Sans industrie industrialisante, il n’y pas d’avenir économique. Nous devons reprendre les aciers, la pétrochimie et la machine-outil. Nous devons créer les moyens de notre développement », a-t-il dit.
Selon lui, il n’est pas possible d’évoquer une industrie algérienne si celle-ci dépend entièrement de l’importation de la matière première et des produits semi-industriels. Il a précisé que l’industrie continue de représenter, depuis les années 1990, 5 % du PIB en Algérie.
« La productivité a augmenté, multipliée par dix, mais la part de la valeur ajoutée algérienne est faible, 5 % à peine. Nous ne faisons pas de la transformation réelle, nous faisons du conditionnement et de la transformation tertiaire. Il n’y a pas de valeur ajoutée », a-t-il noté.
Les groupes des hommes d’affaires en prison également poursuivis en justice
Le ministre a indiqué que les entreprises privées, dont les propriétaires sont en prison pour des affaires de corruption, sont également poursuivies en vertu de « la responsabilité pénale des personnalités morales », tel que prévu dans le code pénal.
Il s’agit, entre autres, des entreprises et groupes de Ali Haddad, Mahieddine Tahkout, Hocine Metidji, Ahmed Mazouz, Mohamed Bairi…
« En décembre 2020, il a été décidé de remplacer les administrateurs, désignés à la tête de ces entreprises (lors de l’ouverture des enquêtes judiciaires), par des gestionnaires proches du management surtout que certains groupes ont perdu des marchés ou connu un arrêt des investissements. Il n’était pas possible de continuer la gestion avec des commissaires aux comptes qui n’ont pas toutes les prérogatives », a précisé Ferhat Ait Ali soulignant la nécessité de préserver les actifs de ces entités économiques.
Cette gestion se poursuivra jusqu’à la décision finale (épuisement des recours) de la justice à propos des propriétaires de ces groupes et entreprises.
« Nous verrons ensuite si ces entreprises doivent être récupérées par l’État ou par les banques qui ont octroyé des crédits sans les récupérer. Il ne faut pas qu’on perde ces investissements, c’est après tout de l’argent algérien. Nous ne voulons pas être à l’origine de la faillite de ces entreprises sous prétexte que leurs propriétaires ont des problèmes avec la justice », a-t-il déclaré.