Que peut Alger face au gouvernement de Pedro Sanchez qui a choisi de « vendre » les sahraouis pour préserver des intérêts économiques et coloniaux au Maroc ? Alger, contrairement à Rabat, n’utilisera pas l’arme du chantage migratoire qui semble avoir réussi au Maroc. Elle n’utilisera probablement pas le gaz comme une arme diplomatique et respectera ses engagements contractuels malgré le virage du gouvernement de Pedro Sanchez qui a littéralement trahi les sahraouis pour garder les enclaves de Ceuta et Melilla où se rend aujourd’hui le président du gouvernement espagnol.
Mais le retournement du gouvernement espagnol – dénoncé par l’opposition et aussi par Podemos partenaire du PSOE dans l’exécutif – aura nécessairement des conséquences lourdes sur l’avenir de la coopération énergétique entre Alger et Madrid. Les responsables espagnols, pour atténuer l’impact de leur virage, ont agité en direction d’Alger la perspective censée être alléchante d’être, via le «hub » espagnol, une alternative au gaz russe. Une perspective qui permettrait ainsi à Madrid de gagner sur tous les tableaux. Mais le retournement honteux de Pedro Sanchez qui suscite de vives polémiques en Espagne – le ministre des affaires étrangères espagnol doit s’expliquer aujourd’hui devant la commission des affaires étrangères du congères espagnol – ne sera pas de nature à inciter Alger à jouer la carte gazière avec Madrid.
L’option italienne
D’autant qu’il existe une alternative italienne concrète comme porte d’entrée du gaz algérien vers l’Europe. Avec la crise en Ukraine et face à la volonté de l’Europe de mettre fin à sa dépendance avec la Russie, Madrid et Rome sont en concurrence pour être la porte d’entrée du gaz en direction des pays européens du nord. Entre Madrid et Rome, le choix est ainsi pratiquement fait D’autant que des sources officielles italiennes ont assuré au journal espagnol El Mundo que le gouvernement italien reste sur sa position exprimée en novembre par le président italien, Sergio Mattarela dans un entretien au journal El Moudjahid. «Nous soutenons le rôle de l’Algérie et son attachement au cadre onusien sur le Sahara occidental » avait notamment déclaré le président italien. L’option italienne est d’ailleurs confortée par l’annonce dimanche d’une importante découverte de pétrole et de gaz réalisée à Hassi Berkine par Sonatrach et son très vieux partenaire italien ENI.
Alger qui a cessé les livraisons de gaz via le gazoduc Maghreb-Europe (GME) (reliant l’Algérie à l’Espagne via le Maroc) pourrait se contenter de respecter les obligations contractuelles avec les entreprises espagnoles mais sans s’engager pour des développements futurs dans le secteur de l’énergie. Sonatrach envoie déjà via le gazoduc Transmed reliant l’Algérie et l’Italie via la Tunisie exporté 22 Gm3 (milliards de mètres cubes) contre 11 Gm3.
Aznar : une «erreur que nous paierons très cher »
Les signaux ne manquent pas. Le 28 février dernier, le ministre des affaires étrangères italien, Luigi Di Maio, était à Alger, accompagné notamment du PDG du géant énergétique italien Eni, Claudio Descalzi. L’Italie est d’autant plus intéressée qu’elle est dépendante à 45% du gaz russe. Et au-delà de l’issue de la guerre en Ukraine, tous les pays européens seront amenés à réduire à cette dépendance.
En attendant que ce choix stratégique en faveur de l’Italie soit confirmé publiquement, le premier geste serait que Sonatrach fasse valoir rapidement son droit contractuel de revoir les prix du gaz pour 2022, 2023 et 2024 avec le groupe espagnol Naturgy (ex Gas Natural). Même si la ministre espagnole de la transition écologique, Teresa Ribera, note qu’il s’agit d’une affaire entre des entreprises, cela constituera un signal que l’avenir de la coopération énergétique ne sera pas aussi radieux que le souhaite le gouvernement espagnol. L’ancien Premier ministre, José María Aznar, a estimé qu’en s’alignant sur le plan marocain « sans consensus, ni débat parlementaire », le gouvernement de Sanchez a commis « une erreur que nous paierons très cher ».