Le metteur en scène et comédien tunisien Faouzi Ben Brahim est membre du jury des premières Journées du théâtre arabe qui se déroulent à Sétif jusqu’au 21 février 2023. Il évoque la situation actuelle du théâtre en Tunisie.
Dans un débat animé par le journaliste et écrivain Abderrezak Boukeba, Faouzi Ben Brahim, qui est fondateur du Festival maghrébin du théâtre amateur de Nabeul, a eu des échanges avec le public. Il a défendu le théâtre amateur. « Être professionnel c’est dans l’esprit, pas sur scène. L’amateur est toujours passionné par le théâtre, pas comme le professionnel qui en fait un métier. Certains professionnels n’aiment pas assister aux ateliers de formation pensant avoir tout compris du théâtre », a-t-il relevé.
Faouzi Ben Brahim, qui a commencé le théâtre à la fin des années 1960, a appris les techniques du jeu et de la maîtrise de la scène avec des grands noms du théâtre tunisien comme Jamil Joudi et Moncef Souissi.
« Même à mon âge, j’assiste toujours aux ateliers et aux formations. Aujourd’hui en Tunisie, les jeunes qui font du théâtre veulent écarter les plus anciens qui, selon eux, font partie du passé. Après la révolution de 2011, nous avons vu l’émergence de beaucoup d’individus disant faire du théâtre alors qu’ils n’ont aucun background, aucune culture relative aux arts de scène. Et, ils refusent d’assister aux ateliers disant qu’ils ne vont rien y apprendre », a-t-il soutenu.
« Sur scène, le discours est devenu direct »
Il a critiqué certains médias dont la chaîne de télévision El Hiwar Ettounsi « qui a contribué à détruire le goût du public ». Faouzi Ben Brahim a écrit et mis en scène plusieurs pièces de théâtre. « J’ai écrit la pièce « Sohba, sohba » sur le terrorisme en Tunisie dans les années 1990 avant que le phénomène n’apparait en Tunisie. Cette pièce a été censurée à l’époque de Zine Al Abidine Ben Ali (…) Après la révolution, le théâtre tunisien n’a pas évolué. La levée des contraintes n’a pas réellement aidé ce théâtre à progresser. N’importe qui écrit et met en scène aujourd’hui pour le théâtre. Sur scène, le discours est devenu direct, politique, sans nuance ni métaphore », a-t-il confié.
Il a regretté l’absence du public dans les salles de théâtre. « Là nous sortons dans la rue pour intéresser le public. Une manière de poser le débat sur la nécessité d’introduire des réformes au sein de la société. Nous avons été attaqués sur les réseaux sociaux, accusés de faire dans le satanisme. Il y a une certaine inconscience. D’aucuns se posent même la question sur l’intérêt de faire du théâtre aujourd’hui », a regretté Faouzi Ben Brahim.
Et de poursuivre : « Nous aurions pu en tant qu’artistes et intellectuels sauver notre révolution en Tunisie. Nous n’avons pas fait de révolution culturelle. Chacun de nous a pris une direction, certains travaillant pour se rapprocher des politiques pour avoir des subventions ou des avantages. Si nous avions fait une révolution culturelle, nous ne serions pas dans la situation actuelle en Tunisie ».
Faible soutien des collectivités locales
« Même le soutien des collectivités locales du théâtre est faible. Et la subvention du ministère de la Culture publics arrive avec beaucoup de retard, une année parfois alors que des bourgeois du théâtre bénéficient à chaque fois et avoir de la facilité des subventions », a-t-il noté.
Abderrezak Boukeba a plaidé pour créer un festival culturel annuel commun à Sakiet Sidi Youcef, ce village tunisien bombardé par l’armée coloniale française le 8 février 1958 pour punir la population en raison de son soutien aux combattants algériens. « Au lieu de commémorer froidement l’événement chaque année, il n’y a pas mieux que de le faire en créant une zone culturelle libre en célébrant les arts de la rue dans ce village », a-t-il proposé.