Plus de 41.000 hectares d’espaces forestiers ont été enregistrés en Algérie durant les dix premiers mois de l’année 2023 qui a connu, au niveau mondial, l’été le plus chaud jamais mesuré au niveau mondial.
L’été algérien n’a pas dérogé à cette tendance mondiale avec des pics de chaleur atteignant les 55 degrés au cours du mois de juillet 2023. Si les causes traditionnelles des feux de forêts – négligences, accidents, éclairs et pyromanie – existent encore, elles se déroulent désormais dans le contexte aggravant du changement climatique.
La régularité et l’ampleur des feux de forêts dans le monde au cours des dernières années sont bien le fait du réchauffement climatique. A telle enseigne que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a lancé un cri d’alarme remarqué: « L’effondrement climatique a commencé. Notre climat implose plus vite que nous ne pouvons y faire face, avec des phénomènes météorologiques extrêmes qui frappent tous les coins de la planète ».
Indéniablement, le réchauffement climatique entraîne une augmentation de la fréquence et de l’intensité des incendies. Hausse des températures et baisse de l’humidité des sols impactent la végétation qui s’assèche et devient plus aisément inflammable. La sécheresse, qui est la conséquence de la conjugaison de ces deux facteurs, est une cause majeure dans l’aggravation des risques d’incendies.
Les incendies de plus en plus intenses
Les incendies sont devenus plus fréquents et plus intenses dans le monde entier, y compris en Algérie. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la superficie des terres brûlées par les incendies dans le monde a augmenté de 2,2 % par an entre 2001 et 2019.
En Algérie, la superficie totale de couvert végétal touchée par les incendies en 2021 s’est élevée à plus de 100 000 hectares, soit une augmentation de 150 % par rapport à 2018 où elle était estimée à 34 000 hectares, selon les données de la direction générale des forêts (DGF).
Pour 2023, le bilan est de 41.000 hectares, selon un bilan donné le samedi 11 novembre 2023 par le Directeur général des forêts (DGF), Djamel Touahria. Les incendies ont touché 37 wilayas avec des records de chaleur enregistrés au cours du mois de juillet.
Le même phénomène est constaté pour l’ensemble du pourtour Méditerranéen, ainsi que l’indique l’étude universitaire de Guiot et al. (2023) intitulée « Climate change increases the risk of wildfires in the Mediterranean » publiée dans la revue Nature Climate Change. Se basant sur un modèle pour simuler les changements de la fréquence et de l’intensité des incendies dans le pourtour méditerranéen au cours des 50 dernières années, l’étude montre que ceux-ci sont devenus plus fréquents et plus intenses depuis les années 1970. Le lien est établi entre cette tendance et le changement climatique.
L’étude a montré, plus précisément, que la hausse des températures et la sécheresse dues au changement climatique ont entraîné une augmentation de la probabilité de déclenchement d’incendies. Ces incendies sont devenus plus intenses, la végétation étant plus sèche et donc plus inflammable. Les grands incendies deviennent donc des phénomènes réguliers, toujours plus menaçants, qui questionnent directement les modes d’occupation de l’espace et le rapport des populations à l’environnement «naturel» immédiat.
Malgré la volonté du gouvernement algérien d’améliorer les moyens de lutte notamment par l’acquisition de canadairs et la location d’appareils en cas de grands sinistres, le nombre de départs de feux est de plus en plus important et les surfaces brûlées sont de plus en plus étendues. Ces incendies ont des conséquences dévastatrices sur l’environnement, l’économie et la santé humaine. Ils détruisent la végétation, la faune et les habitats naturels.
Le secteur de l’Agriculture et du Développement rural a débloqué en 2021, une enveloppe de 4,5 Mds Da pour indemniser les victimes, en fournissant notamment des arbres fruitiers, des têtes de bétail, des unités d’élevage et la réhabilitation des structures agricoles. Si le couvert végétal se renouvelle systématiquement avec un taux de 60%, les forêts ravagées à 3 reprises nécessitent des opérations de reboisement spéciales.
La DGF a planté, au titre de la campagne 2021-2022, plus de 11 millions d’arbustes dans les espaces forestiers et agro-forestiers dans le cadre d’un programme mis en œuvre en coordination avec la société civile et les associations activant dans le domaine de l’environnement ainsi que les établissements publics et privés et des instituts.
Que faire pour lutter contre les incendies de forêt ?
La lutte contre les feux de forêt est une préoccupation majeure, étant donné les conséquences dévastatrices de ces catastrophes sur l’environnement, l’économie et la santé humaine. Plusieurs mesures peuvent être prises pour atténuer ce fléau.
Il s’agit d’abord de l’entretien régulier des zones forestières pour éliminer les matières combustibles potentielles, ainsi que la mise en place de mesures de prévention des incendies. La gestion forestière responsable peut grandement réduire la vulnérabilité des régions boisées aux flammes dévastatrices.
Il est, également, essentiel d’accroître la préparation aux risques d’incendies. Cela peut être réalisé en renforçant les capacités de lutte, en fournissant une formation adéquate aux équipes d’intervention et en investissant dans des technologies de pointe pour la détection précoce des feux.
Depuis les incendies dévastateurs de 2021, l’Algérie a mis en place un dispositif opérationnel composé de 401 tours de contrôle, 513 brigades mobiles et 63 camion-citerne d’eau à travers 3261 points d’eau et 1019 ateliers de travail d’un effectif de 9481 agents mobilisables en cas de nécessité. Ce dispositif devrait être renforcé par l’action des canadairs pour cerner les incendies à temps.
Sensibiliser le public aux risques liés aux incendies de forêt est tout aussi important, car cela peut permettre une réaction plus rapide et des comportements plus sûrs en cas d’urgence.
Il convient aussi de prendre des mesures immédiates pour réduire les risques avec notamment l’adoption de comportements responsables tels que l’interdiction de jeter des mégots de cigarettes ou d’allumer des feux de camp dans des zones à risque. Il est également crucial de rester vigilant lorsque l’on se trouve à proximité de zones boisées, car une détection précoce peut faire la différence entre un incendie maîtrisé et une catastrophe. En cas de constatation d’un incendie, il est impératif d’appeler immédiatement les services d’urgence. Une réaction rapide et coordonnée est essentielle pour contenir les incendies avant qu’ils ne deviennent incontrôlables.
L’enjeu mondial qui concerne tous les Etats consiste à s’attaquer à la racine du problème avec la mise en application de vraies politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Celles-ci, ainsi que l’établissent les rapports réguliers du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont un facteur majeur du dérèglement climatique et amplifient la fréquence et l’intensité des incendies de forêt. Réduire l’empreinte carbone et promouvoir des pratiques respectueuses de l’environnement sont des étapes essentielles pour contrôler ce problème.
La lutte contre les feux de forêt est un défi complexe, mais des mesures concrètes peuvent être prises pour atténuer les risques. En réduisant les émissions de gaz à effet de serre, en améliorant la gestion des forêts et en augmentant la préparation aux incendies, on peut contribuer sensiblement à protéger les forêts, les communautés qui vivent à proximité et la planète. L’avertissement du secrétaire général de l’Onu lancé le 27 juillet 2023 doit être entendu: « L’ère du réchauffement climatique est terminée, place à l’ère de l’ébullition mondiale ».