Le parti du Front des forces socialistes (FFS) a pointé du doigt un « immobilisme destructeur » du pouvoir ce mardi 23 février 2021, au lendemain de la marche du 22 février, date du 2e anniversaire du déclenchement du Hirak. Dans un communiqué diffusé sur la page Facebook, le plus vieux parti de l’opposition reproche au pouvoir l’absence « d’actions fortes, notamment sur le plan politique », preuve de « mépris » à l’égard des attentes du Hirak.
Dans son communiqué, l’instance présidentielle du FFS a rendu hommage au mouvement populaire, qui « continuera à être toujours célébré dans notre pays car il exprime une aspiration profonde de notre peuple à la liberté et à la dignité et constituera une référence pour d’autres peuples opprimés qui mènent le même combat ». « Cette mobilisation citoyenne de nos compatriotes, sur tout le territoire national et à l’étranger, a eu le grand mérite de montrer et de dénoncer ouvertement le caractère autoritaire du régime, la nécessité de changer radicalement le système de gouvernance qui a échoué à sortir le pays de la crise politique, économique, sociale et sanitaire porteuse de tous les dangers », estime-t-on.
Pour le FFS, le Hirak « continue à vivre dans le coeurs et les esprits de l’écrasante majorité de notre peuple ». Ce mouvement « risque à tout moment de reprendre avec plus de détermination et d’intransigeance si le pouvoir continue d’ignorer ses préoccupations et à ses attentes », écrit l’instance présidentielle, au lendemain des marches populaires dans plusieurs wilayas du pays.
Et de poursuivre: « Au moment où la situation socioéconomique et le mode de vie des pans entiers de la société algérienne se dégradent dangereusement et deviennent insupportables pour le plus grand nombre, le régime se cantonne dans un immobilisme destructeur qui pousse à la révolte alors qu’une telle situation exige des actions fortes notamment sur le plan politique ».
Le parti fondé par le défunt Hocine Ait Ahmed estime que cette ignorance, « qui frise le mépris de la volonté populaire, se manifeste par le renforcement du dispositif répressif, l’instrumentalisation de certains médias, et le rejet systématique de toutes les initiatives politiques de sortie de crise, qui proposent des solutions concrètes et consensuelles pour désamorcer ce contexte particulièrement explosif ».
Le Front des forces sociales a rappelé « ses valeurs historiques, fondamentalement puisées des principes de la glorieuse guerre de libération nationale et de la plateforme de la Soummam », pour réaffirmer son « attachement à une sortie de crise basée sur un dialogue responsable.
De l’avis des membres de l’Instance présidentielle, le contexte politique national actuel « ne peut plus supporter d’autres dérives autoritaires et d’autres échecs. Notre pays et notre peuple méritent de prétendre légitimement, à un destin politique et socioéconomique stable et prospère ».
Le même parti appelle les dirigeants du pouvoir à s’engager « dans un élan patriotique de changement pacifique de l’ordre établi. Cet engagement devra être illustré par une volonté politique de créer un climat de détente et de confiance en faveur de ce changement ».
Le FFS au coeur d’une polémique après la visite chez Tebboune
Cette prise de position critique intervient après l’énorme polémique provoquée au sein des militants du parti – et qui s’est exprimée avec force et parfois violemment sur les réseaux sociaux – après la rencontre de deux dirigeants du parti avec le chef de l’Etat, le 14 février dernier.
A l’image de l’avocate et membre du Conseil National du FFS, Nabila Smail, qui a fustigé avec vigueur la rencontre en soulignant dans un post que « Personne ne peut me reprocher de dire non à l’assassinat du FFS. Il est plus que de mon devoir, de refuser et de dénoncer la mise à mort de cette pépinière politique qui a donné toute la substance à la lutte politique. Mon devoir est d’appeler les militants a sauver leurs patrimoine, celui du peuple, celui de l’Algérie « .
La polémique a été fortement accentuée par les prises de positions très tranchées de Samir Bouakouir, conseiller politique du premier secrétaire du FFS, dont l’entretien à Patrie News, un site pro-pouvoir, a été largement traité par l’agence APS.
Dans cet entretien Samir Bouakouir assure que le président Tebboune « a été très à l’écoute, et très attentif…. ». Mais ce qui a suscité une vague de critiques au sein des militants, souvent engagés dans le Hirak, est de voir le conseiller du premier secrétaire reprendre la thèse d’un hirak «originel » et un autre qui ne serait qu’un hirak dévoyé.
« Ce qu’on appelle « hirak (entre guillemets) est devenu une espèce de nébuleuse derrière laquelle se dissimulent tous ceux qui veulent maintenir l’immobilisme dans le pays. Les groupes et les « leaders auto-proclamés », aux motivations multiples et certains aux desseins obscurs convergent pour entretenir sciemment la stratégie du pourrissement et de la tension permanente. Le « hirak » est devenu un instrument au service de l’immobilisme et du statu-quo. A mes yeux, ce phénomène n’a plus rien à voir avec l’esprit originel du 22 février », a-t-il écrit.
Les réactions aux déclarations de Bouakouir ont été si fortes qu’elles l’ont conduit à préciser que ses « prises de position en analyses n’engagent pas le FFS dont le porte-parole n’est autre que le Premier Secrétaire du parti… ». Mais cette mise au point n’a pas mis fin à la très vive polémique. Sur les réseaux des militants ont ont dénoncé une insertion du « plus vieux parti d’opposition » dans l’agenda du régime et notamment dans la perspective des prochaines législatives.
La question de la participation aux élections législatives a toujours constitué une difficulté pour le FFS, comme pour d’autres partis. Le FFS a choisi parfois de boycotter et aussi de participer parfois. Mais le contexte actuel, avec l’émergence d’un mouvement de contestation populaire, est radicalement différent des précédents. D’où un débat intense, souvent polémique, mais également très politique au sujet du positionnement du FFS.
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