« Le Bateau Calédonie », une pièce produite par le Théâtre Régional Kateb Yacine de Tizi Ouzou, a décroché le grand prix du 17e Festival national du théâtre professionnel d’Alger (FNTP) qui s’est déroulé du 20 au 30 décembre 2024 au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi à Alger (TNA).
Mise en scène par Abdennour Yessad, d’après un texte de Belkacem Meghzouchene, la pièce « Le bateau Calédonie » évoque la déportation forcée d’algériens vers la Nouvelle-Calédonie par le colonialisme français sur décision de tribunaux spéciaux, à partir de 1864. La plupart des algériens qui avaient pris part à la révolte d’El Mokrani (menée par Cheikh El Mokrani et son frère Boumezrag), en 1871, ont été déportés vers la France et vers Nouméa. La pièce de Abdennour Yessad évoque la farouche opposition des algériens à l’occupant français et rappelle que les résistances populaires étaient importanes au début de la colonisation malgré les massacres et la répression.
La pièce se distingue par la scénographie, signée Hamza Djabballah, la chorégraphie, conçue par Khadidja Guemiri, et par les costumes d’époques. La forte distribution (une trentaine de comédiens) n’a pas altéré la cohérence d’un spectacle, élaboré sous forme de plusieurs tableaux.
« La résistance, pour les algériens, est une partie intégrante de leur ADN. Qu’il s’agisse d’un enfant, d’une femme, d’un vieillard ou d’un jeune, tous sont profondément liés à cette terre pour laquelle ils se battent corps et âme. Nous avons choisi de traiter la déportation des Algériens vers la Nouvelle-Calédonie pour exposer les pratiques inhumaines du colonisateur. Ces exils forcés étaient une tentative désespérée d’effacer notre identité nationale », a déclaré Abdennour Yessad, au site d’information du Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi (TNA).
Lydia Laarini a décroché le prix de la meilleure interprétation féminine
Lors de la cérémonie de clôture du 17e FNTP, dans la soirée du 30 décembre 2024 au TNA, les autres prix ont été annoncés en présence d’un public nombreux. Hamza Djaballah a décroché le prix de la meilleure scénographie pour la pièce « Kalima » (Parole), mise en scène par Abdelkader Djeriou du Théâtre régional de Sidi Bel Abbes. Cette pièce revient sur les interventions des députés algériens devant l’Assemblée nationale française, le 20 août 1947. Mohamed Lamine Debaghine, Ahmed Mezghana, Djamel Derdour et Messaoud Boukadoum avaient plaidé l’indépendance de l’Algérie en affrontant une très forte adversité.
Haroun Kilani a obtenu le prix du meilleur texte pour la pièce « Ountha el djinn » (la femelle du djinn), produite par le Théâtre régional Djillali Ben Abdelhalim de Mostaganem. Fidèle au théâtre du rituel, Haroun Kilani, qui a mis en scène la pièce, questionne des aspects qui peuvent paraître surnaturels. A travers les tourments de Fadwa, une femme « possédée par les djinn », l’auteur et metteur en scène invite à la réflexion sur le sens de la spiritualité et de la souffrance.
Le prix de la meilleure mise en scène est revenu à Mohamed Frimehdi pour la pièce « El ikhtiar » (le choix) produite par le Théâtre régional Sirat Boumediène de Saïda. Ecrite par Mohamed Bourahla, la pièce évoque le dilemme d’un jeune médecin qui hésite à rejoindre les rangs de l’ALN durant la guerre de libération nationale. L’engagement militant exige une adhésion totale, ne tolère pas l’hésitation, car le mouvement de l’Histoire dépasse l’attente.
Lydia Laarini a décroché le prix de la meilleure interprétation féminine pour le rôle de Rebiha, veuve de chahid, dans la pièce « Es’Saqia » du Théâtre Régional de Souk Ahras. Mise en scène par Soumia Bounab, d’après un texte de Mazen Fareh Ilyès, la pièce revient sur une boucherie commise par l’armée coloniale française le 8 février 1958 à Sakiet Sidi Youcef (Tunisie) où le sang des algériens s’est mêlé au sang des tunisiens.
Benyoucef Sidmou, meilleur espoir masculin
Le prix de la meilleure interprétation masculine a été attribué à Tahar Ben Safieddine pour son rôle dans la pièce « Infisam Thoulathi El Abâad » (Schyzophrénie à trois dimensions) du Théâtre Régional de Laghouat, écrite par Akram Atma et mise en scène et scénographiée par Zerouk Nakaa. Ce drame psychologique évoque les souffrance d’un homme convaincu de ne pas être malade malgré sa présence dans un hôpital pyschiatrique. Pour cette pièce, Sid Ahmed Boumaâza a remporté le prix de la meilleure composition musicale.
Le prix du meilleur second rôle masculin est revenu à Fethi Mebarki pour son rôle dans «El Iktiyar et celui du meilleur second rôle féminin a été attribué à Hadjer Seraoui pour son rôle dans «Aqd el Djouhar» (collier de perles), une pièce mise en scène par Haidar Benhassine d’après un texte de M’hamed Benguettaf. Cette pièc, produite par le TNA, a obtenu le prix spécial du jury.Le jeune Benyoucef Sidmmou de Miliana a décroché le prix du meilleur espoir masculin pour son rôle dans «Sarkhat el oussoud» (cri des lions), première production pour adulte du nouveau théâtre régional d’Ain Defla. La pièce a été mise en scène par Sid Ahmed Kara.
« Cette pièce est le fruit d’une production de formation avec laquelle nous avons inauguré le Théâtre régional d’Aïn Defla. Cette formation a duré huit mois. En ce qui concerne le spectacle, nous avons voulu proposer une perspective différente de la guerre de libération nationale. Beaucoup ont déjà traité de la Révolution dans leurs œuvres, et nous avons voulu sortir de ce schéma pour offrir un regard nouveau », a déclaré Sid Ahmed Kara.
Le prix du meilleur espoir féminin est revenu à Feriel Medjadji pour son rôle dans «Oun’tha El Djinn».
« Les metteurs en scène algériens doivent renouveler leurs visions »
Aissa Chouat a, pour sa part, décroché le prix de la meilleure chorégraphie pour « Zahrat er-Rimal tantafidh » (La rose des sables se révolte), une pièce du Théâtre Régional d’Adrar, écrite par Akram Atma et mise en scène par Lotfi Bensebaâ. Elle narre l’histoire du chahid Hachemi M’hamed (Bounafaâ). Le 21 novembre 1957 Bounafaâ a participé à la célèbre bataille de Hassi Ghambou contre les soldats français aux côtés de Si Farhat et de Fodil Becherayer. Les trois moudjahidine sont tombés au champs d’honneur lors de cette bataille.
Dix neuf pièces était en compétition au 17e FNTP qui était dédié à la comédienne Nadia Talbi.
Présidé par l’universitaire Lakhdar Mansouri, le jury était composé par la metteure en scène et universitaire Dalila Nouar, les metteurs en scène Rabie Guechi et Youcef Taouint ainsi que du musicien et composituer Sansabil Baghdadi.
Dans ses recommandations, le jury a critiqué le recours excessif à la narration historique dans certaines pièces au détriment des aspects dramatiques et esthétiques essentiels à l’expression théâtrale. « Les metteurs en scène algériens doivent renouveler leurs visions dans la conception des spectacles. Ils doivent mettre l’accent sur la direction d’acteurs comme élément essentiel de la création théâtrale ».
Le jury de Lakhdar Mansouri a recommandé la mise en place d’un comité national itinérant de sélection des spectacles pour élaborer la liste finale des pièces à mettre en compétition lors du FNTP, considéré comme le plus grand festival du théâtre en Algérie. Le jury a rappelé l’accord signé en novembre 2024 entre les ministères de la Culture et des Arts et de la Communication, à travers l’Entreprise publique de Télévision (EPTV) et le Théâtre national algérien. Un accord qui permet l’enregistrement et la diffusion des pièces de théâtre à la télévision publique.
Le Palmarès du 17e Festival national du théâtre professionnel d’Alger
⦁ Grand Prix : « Safinat Caledounia » du Théâtre régional de Tizi-Ouzou.
⦁ Meilleure Mise en scène : Mohamed Frimehdi pour « Al-Ikhityar » du Théâtre régional de Saïda.
⦁ Prix du Jury : « Aâqd el-Djouher » du Théâtre national algérien.
⦁ Meilleur Texte : Haroun El Kilani pour « Ountha el-Djinn » du Théâtre régional de Mostaganem.
⦁ Meilleure Scénographie : Hamza Djaballah pour « Kalima » du Théâtre régional de Sidi Bel-Abbès.
⦁ Meilleure Musique : Sid-Ahmed Boumaaza pour « Infisam thoulathi al-Abâad » du Théâtre régional de Laghouat.
⦁ Meilleure interprétation féminine : Lydia Larini pour « As-Saqiya » du Théâtre régional de Souk-Ahras.
⦁ Meilleure interprétation masculine : Tahar Ben Safieddine pour « Infisam thoulathi al-Abaâd » du Théâtre régional de Laghouat.
⦁ Prix d’encouragement de la meilleure Chorégraphie : Aïssa Chouat pour « Zahra er-Rimal tantafidh » du Théâtre régional d’Adrar.
⦁ Prix d’encouragement du meilleur Second Rôle féminin : Hadjer Siraoui pour « Aâqd el-Djouher » du Théâtre national algérien.
⦁ Prix d’encouragement du meilleur Second Rôle masculin : Fethi Mebarki pour « Al-Ikhtiyar » du Théâtre régional de Saïda.
⦁ Prix d’encouragement du meilleur Espoir féminin : Feriel Madjadi pour « Ountha el-Djinn » du Théâtre régional de Mostaganem.
⦁ Prix d’encouragement du meilleur Espoir masculin : Youcef Sidmou pour « Sarkhat al-Oussoud » du Théâtre régional d’Ain Defla.