L’Union africaine annonce le lancement prochain d’une agence de notation financière africaine. Une décision qui consolide la souveraineté du continent et qui permet de dépasser les évaluations souvent biaisées des agences internationales.
» L’agence sera l’une des principales institutions financières qui va œuvrer à équilibrer la position du continent dans l’architecture financière mondiale », souligne un rapport du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), intitulé « Africa sovereign credit rating outlook – 2024 year-end review ».
Lancé en 2003, le MAEP est chargé de la mise en œuvre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) comme un instrument d’autoévaluation volontaire de la performance des États membres en matière de gouvernance.
Selon le rapport, la nouvelle agence de notation sera indépendante et dirigée par le secteur privé africain. « Elle aura une sensibilité au contexte, qui lui permettra de générer des informations plus complètes sur le profil de crédit en utilisant des experts compétents basés en Afrique et en bénéficiant d’un accès relativement meilleur aux données », est-il souligné.
« Nous devons nous éloigner des évaluations non scientifiques »
A Addis Abeba, le président de la République Abdelmadjid Tebboune, a déclaré, vendredi 14 février, au siège de l’Union africaine (UA), que la création de cette agence représente « un nouveau jalon pour le développement de l’économie africaine ».
Tebboune a insisté sur la nécessité d’œuvrer de concert pour assurer la crédibilité de cette Agence, « sans laquelle elle ne serait pas efficace ». « Nous devons nous éloigner des évaluations non scientifiques, illogiques et antiéconomiques et par conséquent, je pense que nous devons faire notre propre évaluation avant d’être évalués par les autres (…) L’Afrique est l’avenir, et le monde entier le sait », a-t-il déclaré lors de l’ouverture des travaux du 34e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du MAE), en sa qualité de président de ce Mécanisme.
En septembre 2024, Claver Gatete, secrétaire général adjoint de l’ONU et secrétaire exécutif de la CEA (Commission économique pour l’Afrique) a salué le projet de créer une agence de notation africaine.
« Les notations de crédit revêtent une importance indéniable pour le progrès économique de l’Afrique. Or, les trois grandes agences de notation internationales que sont S&P Global Ratings (S&P), Moody’s et Fitch Group continuent de desservir les pays africains en leur attribuant constamment des cotes faibles », a-t-il déclaré.
« Renforcer les marchés intérieurs africains »
Les méthodes de S&P Global Ratings (S&P), Moody’s et Fitch Group ont souvent été critiquées. Des méthodes qui, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), ne prennent pas en compte les réalités concrètes des pays africains.
« Dans le contexte actuel, où le besoin le plus pressant de l’Afrique est le financement de son développement, nous devons investir dans le renforcement de nos marchés intérieurs. Même si la mise en place d’une agence de notation de crédit africaine opérationnelle comporte des coûts aussi bien que des avantages, il s’agit dans l’ensemble d’une évolution très positive. Mais la gestion et l’amélioration des notations de crédit représentent un travail complexe, qui nécessite des efforts coordonnés aux niveaux national, régional et continental. Il faudra également gérer les attentes concernant les résultats que pourra obtenir cette agence de notation africaine, tant du point de vue commercial qu’en ce qui concerne la confiance des investisseurs à court terme, étant donné que le marché restera dominé par les trois grandes agences », a analysé Claver Gatete.
Il est donc, selon lui, impératif de s’attaquer aux fondamentaux. « Premièrement, au niveau national, nous devons nous pencher sur le renforcement de la gouvernance macroéconomique et globale afin de consolider notre position économique. Deuxièmement, il est crucial d’améliorer la qualité, la disponibilité et la transparence des données, ainsi que la coordination entre les divers organismes publics. Nous devons renforcer les capacités techniques et encourager un dialogue plus profond entre les États et les agences de notation », a-t-il détaillé.
Et d’ajouter : « troisièmement, nous devons accorder toute son importance à notre cadre réglementaire pour le mécanisme de notation et nous approprier les meilleures pratiques. Il y a plus de dix ans, l’Europe a connu une crise de la dette qui l’a conduite à mettre en place un organisme de régulation. Nous pouvons apprendre de cette expérience pour faire ressortir les bonnes pratiques tout en évitant les écueils ».