Avec une délicatesse empreinte de profondeur, la pièce Bidaa (Commencement), mise en scène par Tounes Aït Ali, puise son essence dans l’univers littéraire d’Ahlem Mosteghanemi. Inspirée de ses romans Le Chaos des Sens et Passager d’un lit, elle offre une adaptation théâtrale où se mêlent émotions intenses, symbolisme et réflexion sur l’identité.
Portée par une sensibilité féminine singulière, Bidaa nous transporte dans un tourbillon d’émotions où les frontières entre l’amour et la haine, la vie et la mort, s’effacent progressivement. Dans ce monde en ébullition, où les événements se succèdent avec une intensité variable, la mort devient une continuité de la vie, une forme de survie pour une nation en quête d’elle-même.
Présentée pour la quatrième fois en dehors de sa générale, cette pièce, adaptée par Faten Kassar, met en lumière Hayette, héroïne emblématique de la trilogie d’Ahlem Mosteghanemi. Au cœur de l’Algérie tourmentée des années 1990, Hayette incarne les conflits intérieurs d’une femme en quête de liberté et d’amour, mais aussi les dilemmes d’une société en transition.
Le décor, magnifiquement orchestré par le mapping immersif d’Anouar Kamli, joue un rôle central dans l’atmosphère de la pièce. À travers des projections tridimensionnelles et des panneaux transformables, le spectateur est plongé dans des salles de cinéma, cafés animés ou espaces intimes. L’utilisation ingénieuse de trois data shows et les détails scénographiques confèrent à l’ensemble une dimension presque cinématographique.
Dans cette histoire, Hayette, épouse d’un militaire, mène une vie rythmée par la monotonie et l’ombre d’un mari possessif. Un jour, dans une salle de cinéma, elle croise un inconnu dont la présence la troublent profondément. Plus tard, dans un café, elle croit le reconnaître en la personne d’un homme vêtu de noir. Cette rencontre la conduit dans une aventure amoureuse où se mêlent mystère et désir. Son amoureux, qui se présente comme un journaliste, soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Est-il vraiment l’homme du cinéma ou n’est-il qu’un fantasme, une projection des espoirs et des peurs de Hayette ?
L’intertextualité de Bidaa tisse un dialogue complexe entre les deux œuvres de Mosteghanemi, tout en explorant l’intimité de ses personnages. Ce dialogue ne se limite pas à leurs émotions individuelles : il ouvre une réflexion sur les échos de l’Histoire dans les relations humaines et les constructions identitaires.
Présentée en marge du 17e Festival National de Théâtre Professionnel, cette pièce captive par sa mise en scène immersive et son texte riche en symboles. Plus qu’une adaptation, Bidaa est une véritable réinvention scénique qui capte l’essence de l’univers littéraire d’Ahlem Mosteghanemi tout en offrant une relecture audacieuse.