L’Algérie, le Maroc et la Turquie ne pourront plus envoyer des imams et psalmodieurs en France. Une décision du président Français Emmanuel Macron qui veut libérer l’islam en France des « influences étrangères ». « Il y a deux types d’influences. Il y a une influence qui est visible, assumée, et il y a une influence qui est parfois plus profonde et dangereuse, mais qui est moins visible et moins assumée », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, vendredi 2 octobre, pour présenter « un plan » contre « le séparatisme islamiste ».
« La première influence qu’on a décidée de réduire, en concertation avec les pays, c’est l’organisation même de l’Islam consulaire. Nous sommes un pays où nous organisons la formation des imams dans des pays étrangers, mais aussi celle de psalmodieurs que nous faisions venir de manière régulière. C’est la Turquie, le Maroc et l’Algérie qui fournissaient ces imams et ces psalmodieurs. Nous avons décidé de mettre fin à ce système, de manière totalement apaisée avec les pays d’origines », a-t-il annoncé.
Depuis presque dix ans, la droite française fait pression pour mettre fin à l’envoi vers la France d’imams étrangers. Motif ? « Parce que ça ne correspond pas à l’idée qu’on doit se faire d’un islam des Lumières en France, d’un islam de France », a expliqué Valérie Pécresse, ancien ministre à l’époque de Nicolas Sarkozy. Durant le Ramadhan, l’Algérie et le Maroc envoient des imams et des psalmodieurs en accord avec les autorités françaises pour assurer la grande prière du soir (Taraouih).
« Surmoi post-colonial «
En 2014, Alger et Paris ont signé une convention pour la formation à la laïcité des 120 imams algériens envoyés chaque année en France. Ces « imams détachés » sont formés par des universités où ils apprennent aussi la maîtrise de la langue française.
Pour rappel, l’Algérie et la France ont d’un commun accord, en 1991, décidé d’utiliser les accords culturels franco-algériens de décembre 1981 relatifs aux « enseignants de langue et de culture d’origine » (ELCO) pour intégrer des imams. Une fois sur le territoire français, les imams obtiennent une attestation de détachement de l’Ambassade d’Algérie à Paris en application du décret 16/06/1984 du ministère de l’Éducation et de la Formation. En 1995, Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, a relancé l’initiative d’accueillir des imams algériens en France.
Macron a annoncé que des imams et des psalmodieurs seront formés en France. « Nous devons détacher ce lien qui est celui qu’on nomme l’islam consulaire. Parce qu’il nourrit des rivalités, des dysfonctionnements mais surtout, il continue de faire porter ce surmoi post-colonial que j’évoquais par ailleurs, avec énormément d’ambiguïtés et il ne permet pas à la structuration de cette religion dans notre pays d’avancer comme il faut. Et je le dis de manière vraiment très apaisée et en accord à la fois avec le CFCM (Conseil français du culte musulman) et les 3 pays que j’évoquais. Et donc, nous mettons fin à ce lien et à cette influence étrangère », a-t-il précisé.
Pour la « deuxième influence », il s’agit, d’après lui, du financement étranger des activités cultuelles en France « avec beaucoup d’opacité ». Un financement qui ne sera pas interdit mais « encadré et contrôlé ».
Les enseignants étrangers de la langue arabe ciblés
Macron entend également mettre un terme à ce qu’il a appelé « l’ingérence étrangère » dans l’école française. Sa cible : les enseignants étrangers de langue arabe. « Nous l’avions constaté, c’est le fameux système des ELCO, des enseignements de langue et de culture d’origine, qui conduisait à avoir sur notre sol, dans un cadre contractuel avec les pays d’origine, des enseignants qui ne maîtrisaient parfois pas le français, qui prodiguaient un enseignement dans le cadre de ces ELCO, je rappelle qu’ils faisaient l’objet de contrats avec l’Algérie, le Maroc et la Turquie, des enseignements qui eux mêmes n’étaient pas conformes aux lois de la République ou aux principes fondamentaux de nos programmes », a-t-il dit.
Il a parlé d’un travail conduit par les ministères de l’Éducation et des Affaires étrangères pour « mettre un terme à ce système » et faire en sorte « que nous n’ayons qu’un système, celui des EILE (enseignements internationaux de langues étrangères) où nous pouvons avoir un enseignement par exemple en langue arabe, une contractualisation avec ces États, mais où nous avons un contrôle sur les enseignants, sur le respect de nos valeurs ». « Un vrai contrôle de l’Éducation nationale sur la qualité des enseignants et de l’enseignement. Nous sommes en train de parachever les derniers termes de la négociation. Mais au terme de négociations serrées avec les trois pays que j’évoquais, nous mettons donc bien fin aux ELCO », a-t-il déclaré.
Des traumatismes non encore réglés
Le président français semble agacé par l’intérêt porté par les jeunes maghrébins vivant en France au passé colonial de ce pays. « Un pays qui a un passé colonial et qui a des traumatismes qu’il n’a toujours pas réglé avec des faits qui sont fondateurs dans notre psyché collective, dans notre projet, dans notre manière de nous voir. La guerre d’Algérie en fait partie et au fond, toute cette période de notre histoire est revue comme à rebours, parce que nous n’avons jamais déplié les choses nous-mêmes. Et donc nous voyons des enfants de la République, parfois d’ailleurs, enfants ou petits-enfants de citoyens aujourd’hui issus de l’immigration et venus du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne, revisiter leur identité par un discours post-colonial ou anti-colonial », a-t-il constaté.
« Nous voyons des enfants dans la République qui n’ont jamais connu la colonisation, dont les parents sont sur notre sol et les grands-parents depuis longtemps, mais qui tombent dans le piège, là aussi méthodique de certains autres qui utilisent ce discours, cette forme de haine de soi que la République devrait nourrir contre elle-même, mais aussi de tabous que nous avons nous-mêmes entretenu et faisant miroiter leurs origines avec notre histoire, nourrissent aussi ce séparatisme », a-t-il ajouté.