Le président français Emmanuel Macron a demandé pardon, ce 20 septembre 2021, aux harkis au nom de la France. Paris refuse toujours de reconnaître les crimes coloniaux en Algérie.
« Au nom de la France, je dis aux Harkis et à leurs enfants, à voix haute et solennelle, que la République a contracté à leur égard une dette. Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance. Nous n’oublierons pas. Aux combattants abandonnés, à leurs familles, qui ont subi les camps, la prison, le déni, je demande pardon », a-t-il déclaré lors d’une cérémonie à l’Élysée, à Paris.
C’est la première fois qu’un chef d’Etat français demande pardon aux Harkis, des Algériens qui avaient choisi de combattre aux côtés de l’armée coloniale française durant la guerre de libération nationale (1954-1962).
Après les accords d’Evian le 18 mars 1962, près de 60 000 harkis ont été admis en France. Avec leurs descendants, leur communauté est estimée à plus 500 000 personnes aujourd’hui. Et près de 60.000 harkis sont restés en Algérie après l’indépendance du pays.
« Le souvenir des harkis, l’honneur des harkis, doit être gravé dans la mémoire nationale. Cette Histoire nous la racontons, nous l’enseignons et nous continuerons d’en panser les plaies tant qu’elles ne sont pas refermées par des paroles de vérités, des gestes de mémoire et des actes de justice », a-t-il ajouté.
Une fille de harki assume les actes de son père
Il a annoncé la préparation d’un projet de loi sur « la reconnaissance et la réparation » à l’égard des harkis. Il est question également de revalorisation des pensions des harkis et leurs ayants droits.
C’est un pas de plus par rapport à l’ex-président François Hollande qui, en septembre 2016, avait évoqué «les responsabilités des gouvernements français » dans « l’abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil inhumaines de ceux transférés en France ».
Fille de harki, Dalila Kerchouche, qui a réalisé un documentaire sur les supplétifs algériens de l’armée française, a pris la parole lors de la cérémonie de l’Elysée pour dénoncer « l’abandon » par la France de « 150.000 » harkis en Algérie (ce chiffre n’est confirmé par aucun historien). Assumant pleinement les actes de son père, Dalila Kerchouche prétend que 70.000 harkis avaient été « torturés et massacrés (en Algérie), sans que l’Etat intervienne ».
Elle a dénoncé l’ouverture de « camps » pour harkis en France après l’indépendance de l’Algérie. « Les harkis sont avant tout des Français, victimes d’un terrible abus de confiance », a-t-elle affirmé.
« Vraie barbarie »
Le pardon d’Emmanuel Macron aux harkis, fait en nom de l’Etat français, relance le débat sur les crimes coloniaux en Algérie et sur le refus de la France de le reconnaître officiellement et publiquement. En visite en Algérie en février 2017, Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie ».
« La colonisation fait partie de l’histoire française (…). Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes », a-t-il dit lors d’une interview à Echourouk news. Des déclarations qui avaient suscité une vague d’indignation parmi la droite et l’extrême-droite françaises.
Arrivé au Palais de l’Elysée, Emmanuel Macron n’a jamais présenté ces excuses aux Algériens victimes des exactions, d’assassinats, de massacres et de disparitions forcées durant les 132 ans d’occupation française de l’Algérie.
En décembre 2017, Emmanuel Macron a visité l’Algérie en tant que chef d’Etat et a demandé aux jeunes algériens de…regarder vers l’avenir. « Vous n’avez pas vécu la colonisation, vous », s’est-il adressé à un jeune Algérois. En septembre 2018, il a reconnu la responsablité de l’Etat français dans la mort du militant anticolonialiste Mauric Audin en 1957, «mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France».
«On a tué Audin. On l’a tué au couteau pour faire croire que c’était les Arabes qui l’avaient tué. Voilà », a reconnu le général parachutiste Paul Aussaresses à propos de Maurice Audin.
Quid des milliers d’Algériens disparus durant la guerre de libération nationale?
Emmanuel Macron ne s’est pas intéressé au sort de milliers d’Algériens victimes de tortures massives durant la guerre de libération nationale par les soldats de Marcel Bigeard, Paul Aussaresses, Raoul Salan, Roger Trinquier, Jacques Massu et autres.
En mars 2021, le président français a annoncé la reconnaissance par la France de l’assassinat d’Ali Boumendjel, avocat nationaliste algérien. « Au cœur de la Bataille d’Alger, Ali Boumendjel fut arrêté par l’armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957. Paul Aussaresses avoua lui-même avoir ordonné à l’un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide », a écrit le Palais de l’Elysée dans une déclaration.
Des milliers d’autres Algériens ont subi le même sort avant et après 1954. Le site 1000 autres a répertorié et documenté plusieurs cas de personnes portées disparues à ce jour en publiant des photos. La disparition forcée est un crime continu, selon le droit international. Aucune enquête sérieuse n’a été menée sur la pratique de « la corvée de bois » (des Algériens tués dans les forêts par les soldats Français).
L’Algérie exige une réparation pour les victimes des explosions nucléaires du sahara
Officiellement, l’Algérie exige depuis des années la vérité sur les disparitions durant la guerre de libération nationale. Comme, elle réclame une réparation pour les victimes des explosions nucléaires exécutées par la France dans le sud algérien entre 1962 et 1967 et le nettoyage des sites. Alger exige aussi la restitution des archives et des biens culturels pris après l’occupation française en 1830.
En janvier 2021, l’historien Benjamin Stora a remis un rapport sur « la guerre d’Algérie ». « Le président de la République engagera, sur la base de ce travail, plusieurs initiatives concrètes afin d’avancer sur un chemin de reconnaissance de toutes les mémoires et d’apaisement », a écrit l’Elysée dans une déclaration.
« La responsabilité de Stora est complète »
« Si la France et l’actuel président de la République excluent toute reconnaissance des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis au cours des 130 ans de colonisation de l’Algérie, c’est aussi parce que le rapport rendu par le conseiller-historien Benjamin Stora, tranche en ce sens », a déclaré le politologue et universitaire français, Olivier Le Cour Grandmaison dans un entretien à l’APS.
Et d’ajouter : « la responsabilité de Stora est complète puisqu’il fournit ainsi à Emmanuel Macron, comme à tous ceux qui refusent de s’engager dans cette voie indispensable à la manifestation de la justice, de l’égalité et de la vérité, de nombreux arguments pour justifier une fois encore cette dérobade historiquement et politiquement indigne ».
«Le fait d’écarter toute possibilité d’excuses de la part de la France officielle pour ses crimes coloniaux est de nature à torpiller les tentatives de réconciliation avec la mémoire. Les Algériens n’attendent pas de l’Etat français une indemnisation financière pour les millions de vies, mais l’appellent à reconnaître ses crimes contre l’humanité», a estimé, de son côté, l’Organisation nationale des Moudjahidine (ONM), après la publication du rapport Stora.
Pierre Daum , vous connaissez ? Il a écrit des ouvrages sur ce sujet de harkis : Sur les Harkis, il existe des idées reçues en France comme en Algérie
Comment les Harkis sont vus en France ?
Comme je l’ai dit, 25.000 harkis sont venus en France en 1962-1963. Certains sont venus avec leurs femmes et leurs enfants. En tout, cela fait presque 80.000 personnes. La moitié a été rapatriée par l’armée française, mais le reste par ses propres moyens, parfois clandestinement.
D’une façon générale, à cette époque, la position du général de Gaulle, qui était président de la République française, était de tout faire pour que les harkis et leurs familles restent en Algérie. Je cite des propos très racistes de de Gaulle, où il explique à l’époque que « harkis ou pas harkis, ce sont des musulmans, et la France, qui est un pays chrétien, n’est pas faite pour accueillir des musulmans ! ». Cette mentalité raciste existe encore malheureusement en France aujourd’hui !
Derrière leurs discours dénonçant le «massacre des harkis», il faut en fait entendre : «Nous n’aurions jamais dû lâcher l’Algérie, regardez ce que ces pauvres harkis ont subi !» Ce discours a été plutôt efficace puisqu’aujourd’hui, la plupart des Français pensent qu’en 1962, les harkis ont soit réussi à s’enfuir en France, soit ont été «massacrés».
En 2005 , le Parlement francais a voté une loi exprimant la « reconnaissance » du pays envers les harkis. Toutefois, l’Etat français ne reconnaît pas sa « responsabilité » dans l’abandon des harkis qui se sont fait massacrer après le cessez-le-feu de mars 1962. Le Parlement français a adopté un texte de loi exprimant la « reconnaissance » de la France envers les harkis, anciens supplétifs de l’armée en Algérie, et voté des crédits pour financer des mesures en leur faveur. Seule la majorité – UMP et centristes – a voté pour, la gauche dénonçant le refus de reconnaître « la responsabilité » de l’Etat dans les massacres de harkis et de civils en Algérie.
Les harkis un problème que la France traînerà pour toute la vie .
[…] et ravive ainsi les blessures des Algériens, et une tentative désespérée de la France de créer un colonialisme civilisé, qui ne peut effacer l’ampleur de la barbarie qui a laissé des millions de martyrs et de […]