Les violences policières suscitent une vive controverse en France autant qu’une loi limitant l’expression des médias.
Jeudi 26 novembre 2020, trois policiers français ont agressé sous des caméras de surveillance un producteur de musique Michel Zecler devant l’entrée de son studio d’enregistrement à Paris. Ils lui ont reproché de ne pas porter de masque. Roué de coups et insulté pendant une quinzaine de minutes, l’homme, qui ne constituait aucun danger, a même été attaqué par une bombe lacrymogène.
Il a eu une incapacité de travail de six jours avec une déchirure du tendon, des plaies et un crâne ouvert. « En me regardant dans les yeux, on me disait sale nègre. J’ai peur, les gens qui doivent me protéger me braquent. Je n’ai rien fait du tout », a témoigné Michel Zecler dans une déclaration à la presse.
Les vidéos de l’agression policière, relayées par le site Loopsider, ont fait le tour du monde et choqué les Français. « Brutales et racistes. A Paris, des policiers insultent et tabassent un homme noir sans raison. Les cas de violences policières se multiplient, la plupart en toute impunité », a écrit le journal allemand Die Tageszeitung (TAZ). Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « violences par dépositaire de l’autorité publique », « faux en écriture publique », « violences volontaires avec arme , en réunion et accompagnés de propos à caractère raciste », « violation de domicile » et « dégradation volontaire de biens privés en réunion ».
Les policiers ont prétendu que Michel Zecler voulait leur subtiliser leurs armes de service, ce qui a été démenti clairement par les images diffusées sur les réseaux sociaux. Dimanche 29 novembre, le procureur Rémy Heitz a, selon France 24, annoncé l’inculpation des quatre policiers accusés d’avoir violemment frappé le producteur de musique. Trois d’entre eux sont mis en détention provisoire. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a accusé les policiers agresseurs d’avoir « sali l’uniforme de la République ».
Un photographe syrien blessé
Samedi 28 novembre 2020, un photographe d’origine syrienne Ameer Al Halbi, collaborateur de Polka magazine et de l’AFP, a été blessé au visage par un violent coup de matraque d’un policier lors d’une manifestation contre la loi dite de « Sécurité globale ».
Selon Dimitri Beck, directeur de la photographie de Polka, le jeune photographe syrien a eu le nez cassé et a été blessé à l’arcade sourcilière. Plusieurs organisations, dont Reporters sans frontières, ont dénoncé l’agression de Ameer Al Halbi. « Nous sommes choqués par les blessures infligées à notre collègue Ameer Al-Halbi et nous condamnons cette violence non provoquée. Au moment des faits, Ameer Al-Halbi exerçait son droit légal comme photo-journaliste couvrant les manifestations dans les rues de Paris. Il se trouvait avec un groupe de collègues clairement identifiés comme journalistes. Nous demandons à la police d’enquêter sur ce grave incident et de s’assurer que tous les journalistes soient autorisés à mener leur travail sans peur, ni restriction », a déclaré, ce dimanche 29 novembre, Phil Chetwynd, directeur de l’information de l’AFP.
Polka Magazine a, pour sa part, exprimé son indignation suite à l’agression policière visant son photographe. « Le violent coup de matraque qui l’a blessé au visage visait délibérément un photo-journaliste qui exerçait librement son métier », a soutenu Alain Genestar, directeur de Polka.
« Dérive autoritaire de la Macronie »
Les brutalités policières mettent davantage le gouvernement français dans l’embarras surtout après les critiques des professionnels des médias et de l’opposition d’une loi dite de « sécurité globale », adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, la semaine écoulée. L’article 24 de cette loi, défendu par les syndicats de policiers et par l’extrême droite, punit « la diffusion malveillante de l’image des policiers et des gendarmes ».
La peine peut être d’un an de prison et 45.000 euros d’amende. Autrement dit, il sera interdit de diffuser les images de policiers intervenant brutalement lors des manifestations, comme cela fut le cas, à plusieurs reprises, lors des marches des Gilets jaunes à Paris.
Les syndicats de journalistes et les partis de gauche ont dénoncé « une atteinte grave » à la liberté d’informer et « une nouvelle dérive autoritaire de la Macronie ».
Samedi 28 novembre, plus de 500.000 personnes, selon les organisateurs, ont manifesté à Paris et dans d’autres villes françaises, contre cette loi appelant à son retrait immédiat.