Le comédien Hakim Dekkar est président du Comité de l’action culturelle de la ville de Constantine. Le Comité organise le 9e Printemps théâtral de Constantine à partir de ce samedi 27 mars jusqu’au 3 avril 2021.
24H Algérie : Le Printemps théâtral de Constantine ne s’est pas tenu depuis 2017. Expliquez-nous ce retour ?
Hakim Dekkar: Le Printemps théâtral de Constantine est de retour avec l’installation du Comité de l’action culturelle de la ville de Constantine constitué principalement d’artistes. Les rêves seront donc artistiques parmi lesquels la reprise de certaines manifestations culturelles qui étaient à l’arrêt depuis plusieurs années dont le Printemps théâtral.
Malgré les contraintes liées à la Pandémie de Covid 19, nous avons décidé d’organiser la manifestation car les gens ont soif de voir des pièces et des comédiens sur scène, de débattre du théâtre et de se rencontrer. C’est donc le printemps de tous. Nous avons choisi d’organiser le Printemps théâtral à la faveur du 27 mars, journée mondiale du théâtre, en rendant hommage à l’un de de ses fondateurs, Salim Merabia, ex-directeur du Théâtre régional de Constantine(TRC).
Sur le plan théâtral, Constantine est une ville qui a un riche héritage. Est-ce que le Printemps théâtral est pensé dans le sens de rappeler cette richesse ?
Hakim Dekkar: Sans aucune complaisance, Constantine, l’ancienne Cirta, fut par le passé une capitale à cinq reprises. Une capitale de la culture et des arts. Elle était la capitale des Numides. Et, 2015, capitale de la culture arabe.
Le Printemps théâtral rassemble les amis, les artistes et les cultures depuis son lancement en 1995 (la manifestation a été arrêtée à plusieurs reprises, NDLR). C’est un parcours riche. Nous voulons être différents des autres à travers la programmation et la participation des artistes.
Parlez-nous des conférences que vous avez programmé, parallèlement aux six spectacles prévus au Théâtre régional Mohamed Tahar Fergani de Constantine ( TRC) ?
Hakim Dekkar: Le débat pour ce genre de manifestations est nécessaire. Il faut discuter de notre métier et de l’art du théâtre pour savoir où en sommes-nous aujourd’hui. Trois débats sur trois thématiques différentes sont prévus les 28,29 et 30 mars 2021. Il s’agit de : « le roman et l’adaptation au théâtre », « le texte et l’intertextualité dans la mise en scène théâtrale » et « les métiers du théâtre entre tradition et modernité ».
Les débats auront lieu à la salle de conférences du TRC à partir de 10h. Les textes de trois pièces de théâtre au programme sont tirés de romans de Mouloud Mammeri, Malek Haddad et Amin Zaoui. Les étudiants des facultés d’art de l’université seront présents lors des débats, autant que les gens du théâtre.
Comment expliquer justement ce retour au roman algérien pour les adaptations théâtrales ?
Hakim Dekkar: Oui. Nous avons constaté que les gens du théâtre s’orientent de plus en plus vers le roman algérien. C’est une bonne chose puisque cela permet d’évoquer sur scène les questions qui nous intéressent en tant qu’Algériens. Des questions traitées par des écrivains Algériens.
Cela dit, il n’est pas interdit d’adapter des pièces de théâtre à partir de romans étrangers de renommée. Mais, je pense que pour parler au monde, il faut démarrer du local. Des romans d’Amin Zaoui ou de Yasmina Khadra peuvent être adaptés à la scène. J’encourage le mouvement d’adaptation au théâtre des romans algériens.
Vous avez également prévu des visites touristiques et culturelles à Constantine durant la manifestation…
Parce que Constantine est elle-même une Histoire avec ses sites et ses arts. Dans chaque coin de la ville, il y a une histoire, un conte, un fait. Il est aussi de notre rôle en tant que comité de faire la promotion de notre ville. Nous avons l’ambition que le Printemps théâtral de Constantine devienne un lieu de rencontre des gens du théâtre d’Algérie et de l’étranger et des touristes. Pourquoi pas !
Nous voulons que dans le futur les activités artistiques liées à la manifestation se déroulent dans trois ou quatre espaces, pas uniquement au TRC, avec un nombre plus important de pièces de théâtre. Notre espoir est que le public vienne également en dehors de Constantine pour y assister, une manière de redynamiser la culture, le tourisme et l’économie.
Le Printemps théâtral de Constantine va-t-il s’ouvrir à l’international ?
Par le passé, des troupes des pays du Maghreb participaient à cet événement. Notre ambition est que le Printemps théâtral de Constantine devienne maghrébin lors des prochaines éditions, ouvert aux spectacles primés localement et à l’international. Une manière pour nous d’être différent aussi des autres festivals.
Vous êtes sur la route depuis des années et vous êtes passés par toutes les scènes d’Algérie. Quel regard portez-vous sur le mouvement théâtral algérien actuellement ?
Ce qui est observé pour le drama algérien, concerne également le théâtre. Par le passé, le sujet était au centre de la création artistique dans le théâtre amateur, le théâtre indépendant et le théâtre professionnel. Peut être que les techniques n’étaient pas maîtrisées, mais les sujets étaient puissants.
Aujourd’hui, nous avons la maîtrise de la technique scénique, mais le sujet est superficiel, vite oublié par le spectateur, mis à part quelques rares exceptions. On a parfois du mal à se rappeler des titres des pièces produites durant les dix dernières années. Ce n’est pas le cas des pièces représentées dans les années 1990. Idem pour le drama, on se rappelle de quelques productions et on oublie le reste.
Donc, je souhaite que le sujet soit remis dans le cœur des créations théâtrales. La technique, la mise en scène et les outils modernes doivent être adaptés au sujet, pas le contraire.
Pendant 1995, le monologue « Khebat kr’aou » (celui qui frappe du pied) n’a pas pris de rides. Comment Hakim Dekkar explique cette longévité ?
La sincérité. Sincérité avec soi-même d’abord et dans le traitement des sujets qui concernent les petites gens. Il faut toujours rester près des préoccupations et des douleurs des gens, les accompagner dans leurs moments de bonheur et de leurs moments de tristesse. Grâce à cela, un travail artistique ne perd jamais de sa fraîcheur, reste ancré dans l’imaginaire populaire. « Khabat Kra’ou » a été représenté au moins 900 fois.
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