Henri, notre frère (*)

Article initialement publié en 2008.

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Henri, notre frère
Henri, notre frère
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C’était une des dernières activités de Monseigneur Henri Teissier: l’inauguration de la bibliothèque augustinienne André Mandouze, le 5 mai dernier, au Centre d’études diocésain, relevant de l’Evêché d’Alger. L’homme savourait l’indicible bonheur de constater que les amis musulmans étaient là, pour remercier encore une fois Mandouze, ce chrétien sans concession, engagé dans le combat anticolonial, pour son nouveau don. Les amis étaient bien là, comme toujours. En dépit de tout. Un bonheur modeste mais précieux en ces temps ridicules.

C’est que ces derniers mois, le doute avait été instillé. Ceux qui le connaissent devinaient, derrière le silence pudique de l’homme, toujours affable et souriant, une profonde peine. On devinait Henri Teissier accablé par la campagne aveugle – et totalement stupide – qui, sous le prétexte de combattre l’évangélisation, tentait de briser cette action inlassable qu’il a menée pour la fraternité entre musulmans et chrétiens. Sous le patronage posthume d’André Mandouze, il a pu constater combien étaient forts ces liens, tissés de longue date, entre ces chrétiens qui vivent leur foi, sans la moindre agressivité, et les musulmans qui les apprécient.

Henri Teissier et les autres sont bien nos frères. Seuls ceux qui inventent de fausses guerres pour de faux prétextes cherchent à en faire douter. Mgr Henri Teissier, l’Oranais, l’Algérois, l’Algérien, vient d’être remplacé par le père Ghaleb Moussa Abdallah Bader, du Patriarcat latin de Jérusalem. Nous ne doutons que cet homme précieux, attaché au dialogue islamo-chrétien, continuera à servir, même dans sa retraite. Ce grand chrétien est un grand Algérien. Tous ceux qui l’ont connu personnellement ne peuvent que témoigner de son immense capacité d’écoute, de son souci constant des autres.

Cela ne rendait que plus blessant pour nous, Algériens et musulmans, ces «unes» idiotes de journaux en état de guerre, mettant en évidence la basilique de Notre-Dame et la photo d’Henri Teissier pour parler de prosélytisme. Pour des hommes et des femmes qui ont veillé à rester présents parmi nous aux heures les plus dures, ces attaques étaient incompréhensibles. Pour nous, musulmans pratiquants ou non, qui connaissons ces hommes et ces femmes d’église – certains ont laissé leur vie dans notre décennie de sanglante folie – et les services qu’ils rendent, dans le silence, aux humbles parmi les humbles, ces campagnes de presse sont profondément blessantes pour notre foi. Pour notre histoire aussi.

Cet homme – comme tant d’autres hommes et femmes – a traversé des périodes cruciales de l’histoire du pays où il était si facile de se tromper. Mais comme le cardinal Léon-Etienne Duval ou l’amoureux de Saint-Augustin, André Mandouze, il ne s’est pas trompé. Il a été du côté de la justice, du côté des musulmans qui cherchaient à s’émanciper du colonialisme. C’est pour cela que nous disons à Henri Teissier, l’Oranais, l’Algérois, l’Algérien, nous t’aimons, frère. Reste parmi nous !    

(*) Editorial publié dans le Quotidien d’Oran du 26 mai 2008, sous la signature de K.Selim

  

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