Deux ans après le début de la guerre de libération nationale en Algérie en 1954, la France a lancé « l’opération Homo » pour assassiner les français favorables au FLN et à l’indépendance de l’Algérie. C’est ce que révèle le journaliste et documentariste Vincent Nouzille dans un livre-enquête « Les tueurs de la République », à paraître bientôt en version augmentée aux éditions Fayard, à Paris.
L’auteur s’est appuyé sur les témoignages et sur les archives de Jacques Foccart, l’homme de confiance du général Charles De Gaulle, et proche de Jacques Soustelle, ministre des Colonies, puis gouverneur général de l’Algérie. Il est, avec Charles Pasqua, l’un des fondateurs du SAC (Service d’action civique), la police parallèle de De Gaulle (dissout en 1982).
Vincent Nouzille a repris dans la nouvelle édition (la première date de 2015) de son livre un document datant d’août 1958 où est dressée une liste de neuf personnes à tuer, classées en trois catégories : « les français pro-FLN », les vendeurs d’armes au FLN et les politiques. Dans la première catégorie, est cité le nom du journaliste de gauche, travaillant à Alger à l’époque, Jacques Favrel.
Pour la seconde, on évoque les membres du Réseau Jeanson, groupe de soutien du FLN. L’un des principaux animateurs de ce groupe, le communiste Henri Curiel a été assassiné le 4 mai 1978 à Paris. Un assassinat « commandé » par les services secrets français et « exécuté » par un commando d’extrême droite. Dans le viseur des services secrets français, il y avait aussi des militants anticolonialistes européens comme l’allemand Wilhem Schulz-Lesum, considéré comme une menace pour « les intérêts français en Algérie ».
« Légionnaires déserteurs »
Installé à Tétouan, au Maroc, l’ingénieur Wilhem Schulz-Lesum avait monté, en 1956, à la demande de Abdelhafid Boussouf, un réseau de légionnaires déserteurs, allemands et autrichiens. L’objectif du FLN était d’affaiblir « Les unités de légion étrangère » par l’augmentation de la désertion, suscitant les craintes des militaires français dont le général Henri Lorillot, commandant de la 10ème région militaire.
Dans la troisième catégorie citée dans le document, des noms de politiques sont mentionnés dont celui d’Armelle Crochemore. Les opérations étaient menées par le service action du SDECE (service de documentation extérieure et de contre-espionnage), ancêtre de la DGSE. En plus des assassinats ciblés, ce service lançait des avertissements sous forme d’agression physique. Constantin Melnik, coordinateur des services de renseignement entre 1959 et 1962, a reconnu que ces opérations étaient nombreuses.
Le livre de Vincent Nouzille contredit la thèse développée par les autorités françaises, celle de ne pas s’en prendre aux ressortissants français.
Opérations clandestines
Les opérations clandestines étaient, selon lui, coordonnées par Jacques Foccart, sur ordre du Général Charles De Gaulle lui-même. « Mais, c’est une hypothèse », prévient-il compte tenu de l’inexistence d’une trace écrite. Foccart a, lui, laissé sa signature et ses notes sur plusieurs documents confidentiels consultés par l’auteur de « Les tueurs de la République ». Dans ses notes, Foccart qui, à l’époque était « conseiller technique » à Matignon, a mentionné l’amiral Georges Cabanier, chef d’état-major de la défense nationale attaché au général de Gaulle, et le général Paul Grossin, chef du SDECE entre 1957 et 1962.
Même s’il n’est pas cité, Michel Debré, Premier ministre, faisait partie aussi du petit comité qui donnait ses ordres au service action du SDECE. Durant la guerre de libération nationale, l’Opération Homo consistait en l’élimination de militants et de responsables du FLN en Algérie et à l’étranger ainsi que leurs soutiens. L’attentat raté contre Taïeb Boulahrouf à Rome faisait partie des nombreuses opérations clandestines du SDECE. Idem pour l’assassinat à Paris de Amokrane Ould Aoudia, avocat du FLN, et à Genève pour Marcel Léopold, négociant d’armes, qui approvisionnait le FLN.
« La main rouge », le faux nez du SDECE
« A Genève, on parle d’un coup de la Main rouge, une mystérieuse organisation de justiciers qui frappe les trafiquants d’armes. Plus tard, il sera confirmé que cette Main rouge était plutôt tricolore. Il s’agit en réalité d’un «faux nez» créé par le Service Action de l’espionnage français, pour couvrir les assassinats ciblés », a écrit La Tribune de Genève le 19 septembre 1957. Et d’ajouter : « Les sources tant françaises qu’algériennes affirment aujourd’hui que Marcel Léopold a été tué par les services secrets français, car il fournissait en explosifs le principal pourvoyeur d’armement du FLN, l’Allemand Georg Puchert, abattu à Francfort le 3 mars 1959 ».
Interviewé en 2015 par France 2, Vincent Nouzille a révélé que les opérations secrètes d’assassinats ciblés sont également menées par les forces spéciales de l’armée. Il a cité l’exemple de la Libye. « Au sein du service action, le bras armé de la DGSE, a été constitué, au milieu des années 1980, une mini-cellule constituée de tueurs clandestins, mise complètement à part pour ne pas être repérable, la Section Alpha », a précisé le journaliste.
Selon lui, « le permis de tuer » était donné par le président de la République. Il a cité l’exemple de François Hollande, « chef de guerre impitoyable ». « On l’a vu lors de l’opération militaire Serval au Mali ou en Centrafrique où il a décidé pour un certain nombre d’opérations militaires. Là, il s’agit d’opérations spéciales comme l’élimination de chefs terroristes au Mali. Lorsqu’il y a des attentats ou des prises d’otages, l’État français. L’État français se venge, cela a commencé avant François Hollande. Comme les services secrets israéliens, la France applique aussi la loi du Talion », a détaillé Vincent Nouzille.
Il a indiqué que le système des assassinats ciblés est né durant « la guerre d’Algérie ». « On a estimé qu’il y avait plus de 200 assassinats ciblés à cette époque menés par le service action du SDECE », a-t-il précisé. Ancien journaliste à Libération, l’Expansion, Marianne, l’Express et VSD, chroniqueur à Radio France Internationale (RFI), Vincent Nouzille est auteur de deux biographies de patrons français : Citizen Bouygues » et « L’acrobate Jean-Luc Lagardère. En 2018, il a signé avec Patrick Rotman, un documentaire « Histoire secrète de l’antiterrorisme ».
[…] operações clandestinas do SDECE aparecem em documentos de agosto de 1958. Um deles inclui uma lista de nove pessoas, divididas em três categorias: 1) “franceses pró-FLN”, incluindo o nome do jornalista de […]