Le dramaturge et journaliste Hmida Layachi est chargé de diriger l’atelier sur la réforme du théâtre en Algérie installé le 22 juillet 2020 par la ministre de la Culture Malika Bendouda et composé de plusieurs professionnels du quatrième art.
Quelles sont les missions de l’atelier sur la réforme du théâtre et comment allez-vous travailler ?
Il faut noter qu’il existe d’autres ateliers et groupes de travail au ministère de la Culture qui doivent plancher sur le développement des arts en Algérie. Notre atelier va présenter de nouvelles bases pour un nouveau départ du théâtre algérien. Il s’agit notamment de revoir le fonctionnement des théâtres régionaux. Une réforme profonde sera menée. Le mode de désignation des directeurs de ces théâtres va changer en ce sens que les nouveaux directeurs seront nommés sur base d’un contrat de performance de trois ans. Contrat renouvelable.
Les théâtres régionaux qui existent dans une vingtaine de villes vont-ils changer d’appellation ?
Ces théâtres ont été créé dans contexte historique particulier. En Algérie, nous allons passer au théâtre de la ville. Ce théâtre peut bénéficier de partenariat entre les ministères de la Culture, de l’Intérieur et de l’Education. Il deviendra un centre de rayonnement pour le spectacle vivant. Un travail sera mené aussi sur les archives au niveau de chaque théâtre. Aujourd’hui, on peut dire que la mémoire théâtrale est presque absente dans ces espaces. A travers le potentiel culturel de la ville où il se trouve, chaque théâtre aura une spécificité. Un théâtre sera plus ouvert à la formation en devenant un centre dramatique, un autres sera destiné au répertoire, etc. Tout cela est à l’étude actuellement. En tous cas, nous allons adopter un calendrier pour présenter un projet sans s’étaler trop dans le temps.
Vous évoquez souvent le théâtre de l’initiative. Sera-t-il inclus dans les propositions de votre atelier?
Oui. Dans ce théâtre, il y a plusieurs formes du théâtre indépendant et du théâtre privé. Il est possible que ce qu’on appelle les « Coopératives de théâtre » vont retrouver un nouveau cadre, celui des Start up. Le statut des associations actives peut également changer pour relever du théâtre privé. Un soutien sera apporté à ce théâtre à travers de nouveaux mécanismes. Par exemple, il y aura création d’un organisme chargé de gérer le fond d’aide pour le théâtre privé.
Le théâtre privé aura-t-il ses propres salles?
Oui. Là, on peut aller vers le théâtre de poche avec des salles de 40 à 60 salles. Des partenariats seront établis avec les communes pour l’utilisation de certaines salles qui sont fermées ou abandonnées. Des facilités d’accès aux crédits bancaires seront accordés au théâtre privé. Une aide indirecte de l’Etat peut être aussi donnée à travers les équipements sur base de cahier de charges. Le théâtre privé peut prendre plusieurs formes : théâtre commercial, théâtre expérimental, etc. Le soutien à ce théâtre peut également s’exprimer à travers la formation, le recyclage, le management culturel, la gestion des salles. Le débat et la recherche se poursuivront dans l’atelier sur toutes les formes que peut prendre le théâtre de l’initiative. Appel sera fait aux experts en finance et en droit pour appuyer les projets futurs.
Est-ce que le théâtre de la ville va adopter les règles de la commercialité et de la billetterie pour rompre avec « la culture » du spectacle gratuit?
Le théâtre de la ville va continuer la mission de service public dans certains aspects. En même temps, une évaluation se fera de l’application du contrat de performance présenté par le directeur qui est porteur de projet. Des indicateurs seront pris en compte. Il y a, à titre d’exemple, des théâtres qui vont se spécialiser dans le théâtre pour enfants, le théâtre pour jeunes et le théâtre scolaire. Là, le théâtre est tenu de créer de nouveaux espaces d’expression à l’intérieur de la salle ou dans les écoles. Donc, il sera demandé au porteur de projet une certaine efficacité dans l’action artistique et de gestion. Le ministère de la Culture peut apporter son aide lorsque les travaux relèvent du théâtre de répertoire ou du théâtre universel à condition que cela s’exprime dans de nouvelles formes. Les directeurs des théâtres de la ville seront encouragés à créer des partenariats avec des entreprises économiques en vue d’une meilleure exploitation des salles de spectacles. Le porteur de projet est tenu de réaliser une certaine rentabilité mais pas dans le sens strictement commercial. Nous devons sentir qu’il est à même d’apporter un plus au théâtre qu’il gère et qu’il est capable de conquérir un nouveau public. En cas de difficultés, l’Etat sera à ses côtés.
Qu’en est-il de la formation aux arts dramatiques et aux métiers de scène ?
Nous avons consacré un volet à la formation et au recyclage dans les domaines du management culture et de la technique. L’ISMAS (Institut supérieur des métiers, arts de spectacle et audiovisuel) de Bordj El Kiffan (Alger) ne suffit plus. Là, nous réfléchissons à la manière de transformer certains théâtres régionaux en centres de formation dramatique. Un budget spécial leur sera consacré. Des formateurs seront sollicités y compris de l’étranger. Les formations peuvent être payantes autant pour les individus que pour les institutions. Des facilités seront accordées aux étudiants.