En moins d’une année, Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, a visité l’Algérie à trois reprises. Comme en janvier et mars 2020, il a abordé la situation au Mali et en Libye ainsi que les questions économiques avec les responsables algériens.
« Je suis venu à Alger pour marquer la solidité des liens d’amitié entre nos deux pays. Pour la France, l’Algérie est un pays partenaire de premier plan. D’abord en raison des liens humains qui nous unissent par delà la Méditerranée, ensuite, parce que notre relation est riche et multiple, échange humain, éducatif, scientifique, coopération économique, enjeux sécuritaire et questions régionales », a déclaré, ce jeudi 15 octobre, le chef de la diplomatie française après une audience que lui a accordée le président Abdelmadjid Tebboune au Palais d’El Mouradia, à Alger.
Un communiqué de la Présidence de la République, repris par l’APS, a précisé que l’entretien était l’occasion de passer en revue « les voies et moyens de renforcer les relations de coopération bilatérale et de fixer l’agenda des différents mécanismes de coopération, en particulier le Comité intergouvernemental de haut niveau algéro-français (CIHN), dont la réunion est prévue avant la fin de l’année en cours ».
« Le président Macron a engagé une démarche de lucidité sur l’histoire de la colonisation »
Évoquant le référendum sur la révision constitutionnelle du 1 novembre 2020, Jean Yves Le Drian a parlé « d’une étape importante ». « Le président Tebboune a affiché ses ambitions de réforme des institutions pour renforcer la gouvernance, l’équilibre des pouvoirs et les libertés. Il appartient aux algériens, et à eux seuls, de traduire les aspirations qui se sont exprimées avec civisme et dignité en une vision politique avec des institutions aptes à la concrétiser », a-t-il dit avant d’ajouter : « la France souhaite succès et prospérité à ce pays ami dans le plein respect de sa souveraineté ».
Selon lui, la relation bilatérale connaît un nouvel élan. « Dès 2017, le président Macron a engagé une démarche de lucidité sur l’histoire de la colonisation et la guerre d’Algérie. Il l’a démontré par des actes forts, comme la remise récente à l’Algérie des restes mortuaires de combattants algériens (en juillet 2020) conservés au Musée de l’Homme (Paris) », a souligné Jean-Yves Le Drian.
Il a rappelé que le chef d’Etat français a demandé à l’historien Benjamin Stora de travailler sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » dans « un esprit de vérité et de réconciliation pour que nos deux pays regardent ensemble vers l’avenir, un regard lucide et apaisé sur leur passé est indispensable ».
« L’Algérie a une voix qui compte en Afrique »
La crise en Libye et la situation au Sahel étaient à l’ordre du jour des discussions de Jean Yves Le Drian avec les responsables algériens. Le communiqué de la Présidence de la République a évoqué « la poursuite de la concertation et de l’échange de vues entre les deux pays sur les différentes questions régionales et internationales d’intérêt commun ».
« L’Algérie est un partenaire incontournable pour la France. C’est une puissance d’équilibre qui privilégie le règlement politique des conflits dans un cadre multilatéral. L’Algérie a une voix qui compte en Afrique comme en Méditerranée. En Libye, nous considérons, comme l’Algérie, qu’il n’y a pas de solution militaire (à la crise). Nous soutenons le dialogue politique entre toutes les parties libyennes sous l’égide des Nations Unies. Le rôle des pays voisins, en particulier l’Algérie, est essentiel parce qu’ils sont les premiers concernés par les risques que fait peser cette crise. Ils peuvent jouer un rôle stabilisateur auprès des acteurs libyens, à l’inverse des ingérences des puissances extérieures », a souligné le ministre des Affaires étrangères français.
« Au Mali, la transition doit conduire à la tenue d’élections ouvertes »
La France a, selon lui, salué, « comme l’Algérie », la mise en place d’une transition au Mali (après le renversement par les militaires du président Ibrahim Boubacar Keita fin août 2020 ). « Au Mali, la transition doit conduire à la tenue d’élections ouvertes, libres et transparentes et au rétablissement de l’ordre constitutionnel. Et comme l’Algérie, nous appelons à l’application de l’ensemble de l’Accord de paix d’Alger (signé en 2015) », a-t-il annoncé.
Jean Yves Le Drian dit avoir expliqué au président Tebboune le « plan anti séparatisme » d’Emmanuel Macron ciblant les radicaux religieux pour renforcer « la laïcité ». En application de ce plan, Paris a décidé de mettre fin à « l’islam consulaire » avec l’envoi d’imams maghrébins et turcs pour assurer les prières dans les mosquées français. « Au cœur de la démarche du président de la République, il y a le refus de l’amalgame entre l’islam et l’idéologie de l’islamisme radical. Et, je crois que c’est une préoccupation que nous partageons pleinement avec les autorités algériennes », a-t-il noté.
Concernant la coopération économique, Jean Yves Le Drian a mis en avant la forte présence des entreprises françaises en Algérie. « Elles sont très investies et contribuent au dynamisme de l’économie, à la création d’emploi. Le président Tebboune a annoncé des réformes afin de diversifier l’économie algérienne, d’assouplir les procédures et d’appuyer les entreprises innovantes. Nous saluons cette volonté. Notre dialogue est important afin que les entreprises françaises trouvent toute leur place dans le cadre de ces réformes et continuent de contribuer à la prospérité de l’Algérie », a-t-il déclaré.