Le forum « Notre future: Dialogues Afrique Europe » organisé par l’institut français du 7 au 8 octobre 2022 à Johannesburg a compté 11 panels autour de différentes thématiques. Parmi les sujets abordés « Comment les femmes façonnent la démocratie ? ». Cette session a réuni des militantes féministes venues de France, Tanzanie et du Botswana autour d’une discussion sur les droits de la femme en Afrique et dans le monde.
Cette conférence a été modéré par Marlene Le Roux, militante sud-africaine des droits des personnes handicapées et des droits des femmes. À l’ouverture de la session au siège de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, la militante a rappelé la marche des 20.000 femmes sud-africaines contre l’apartheid 9 août 1956.
« Aujourd’hui le monde assiste au combat des femmes iraniennes au prix de leur vie. En 1956 des femmes rassemblées par la Fédération des femmes sud-africaines, se battaient également pour leurs droits. Et aujourd’hui nous sommes encore là pour parler de nos droits. Je rends hommage à toutes ces femmes, ici ou ailleurs, qui n’ont jamais plié l’échine » déclare Marlene Le Roux à l’ouverture de cette rencontre.
Pour ces intervenantes, le combat des femmes pour leurs droits commence dés l’enfance. Celles-ci sont responsabilisées avec les tâches ménagères sans que ce soit le cas pour les garçons. Ensuite vient le droit à l’éducation. Dans encore beaucoup de pays les filles sont privées d’enseignement. A l’âge adulte, elles vont être confrontées à une autre bataille qui est l’accès au poste de responsabilité, l’égalité salariale et bien d’autres. Elles estiment que le patriarcat dans le monde et les sociétés africaines en particulier a pris racine et pour lutter contre son expansion, il incombe aux parents de revoir les modèles d’éducation.
« Je suis maire adjoint et je travaille contre les discriminations à la municipalité de Saint-Denis et j’organise aussi des ateliers pour enfants au sein des écoles afin de leur expliquer l’égalité, car j’estime que l’éducation est la clé pour lutter contre les stéréotypes que subissent les femmes » informe Maimouna Haidara féministe avocate au barreau de Seine-Saint-Denis et lauréate Prix Gisèle Halimi.
Alyssa Ahrabare est consultante internationale pour les droits des femmes, travaille au sein du réseau européen des femmes migrantes (European Network of Migrant Women : ENOMW), est co-responsable du mouvement Radical Girlsss et porte-parole d’Osez le Féminisme !
Dans son intervention, elle déplore la difficulté d’accéder à des postes dans le gouvernement pour les femmes « En France ce n’est que la deuxième fois qu’on ait une femme Première ministre. Nous avons des lois sur les quotas des représentations des hommes et des femmes dans les partis politiques mais les partis de droite préfèrent payer les amendes que d’intégrer plus de femmes dans leurs rangs » déclare Alyssa Ahrabare.
Dans le meme sillage, Gertrude Dyabene, avocat tanzanien, estime que les lois qui existent aujourd’hui sont biaisées car elles ont été créées par des hommes et le système politique aussi.
« Pour améliorer la situation des femmes à travers le monde il est nécessaire que le travail soit fait en collaboration avec les femmes. Seulement l’implication des femmes doit être plus importante » souligne-t-elle.
Le chemin du féminisme
Chacune des intervenantes livre son propre vécu qui a été à l’origine de leur engagement dans la lutte pour les droits des femmes. Les injustices qu’elles ont subies, à des degrés différents, les ont interpellé alors qu’elle était à un âge très jeune. Chacune dans son domaine, elles façonnent aujourd’hui la démocratie à travers des programmes auxquels elles participent.
L’assistance a été particulièrement ému par le récit de la tanzanienne Gertrude Dyabene. « On a différentes histoires à partager et la mienne a commencé avec ma mère. Elle a épousé mon père quand elle avait 12 ans et avant ça elle a été mariée à un homme à l’age de 7 ans. Dans notre communauté les hommes paient un prix pour avoir une épouse et ma mère a fait partie de ce système de transaction » explique elle.
Gertrude Dyabene confie que dans la communauté ou elle a grandi, les femmes sont fortement désavantagées. Elle décide alors de devenir avocate pour remédier à cette situation. « J’offre mes services pour les femmes et les enfants gratuitement car je ne peux pas demander à ces femmes de me payer car j’ai traversé les mêmes obstacles dans ma vie » souligne elle.
Maimouna Haidara confie qu’elle aussi a été témoin de violence conjugale contre sa mère. C’était pour elle une évidence de choisir le droit comme métier d’avenir pour aider les femmes.
« J’ai créé un atelier contre la violence domestique pour les hommes qui battent les femmes. J’ai fait ça pendant deux ans. J’utilise le théâtre comme outil de sensibilisation. La prestation consiste à inverser les rôles ou ce sont les hommes qui subissent les violences. C’est un moyen très efficace pour leur faire prendre conscience de la situation » explique Maimouna Haidara.
Si chacune d’entre-elles puise son engagement dans son propre vécu, elles s’accordent à dire que la lutte pour les droits des femmes doit être une cause partagée par toutes les femmes.
« Nous ne sommes jamais à l’abri d’une injustice. On peut naitre et grandir dans un environnement privilégié où nos droits sont protégés et garantis, mais on ne sait pas si la situation va rester ainsi pour les générations à venir. C’est pourquoi nous devons toutes s’engager à parler des droits de la femme, interpeller sur la moindre injustice et sensibiliser à chaque fois que l’occasion se présente » concluent les intervenantes.