Le verdict du procès en appel du journaliste Khaled Drareni et ses coaccusés, les militants Slimane Hamitouche et Samir Belarbi sera connu mardi prochain. Au cours du procès, tenu le mardi 8 septembre, plus d’une trentaine d’avocats ont plaidé pour affirmer que le dossier de l’accusation était vide et que les chefs d’inculpation retenus contre leurs clients ne tenaient pas la route. Ils ont également exprimé leur inquiétude face à la grande défaillance du système juridique à protéger les droits élémentaires des citoyens.
Le procès en appel a commencé dans l’après-midi par l’octroi de la parole aux trois accusés poursuivis pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’unité nationale ». Alors que des journalistes scandaient aux abords de la Cour d’Alger que Khaled Drareni est un «sahafi hor », le journaliste qui a écopé d’une peine de trois ans ferme en première instance s’est défendu avec force d’être un criminel.
« Le journalisme que je pratique ne menace pas la sécurité du pays, mais le protège », a déclaré Khaled Drareni, devenu en Algérie et même à l’étranger un symbole du combat pour la liberté de la presse. Le directeur de Casbah Tribune a insisté pour dire qu’il n’était « là » que parce qu’il avait couvert le Hirak en toute indépendance. « On peut revoir toutes mes interventions pour voir s’il y a une atteinte à l’unité nationale. Je relatais les faits ».
Après le réquisitoire du procureur qui a demandé une aggravation de la peine pour les trois accusés, ce fut le tour des avocat(e)s, d’Alger et de nombreuses autres wilayas de monter à la barre pour démonter le dossier de l’accusation. Leurs voix, exprimées avec force, résonnaient dans tout l’immeuble de la Cour d’Alger pour clamer l’innocence de leur client et dénoncer le dysfonctionnement de la justice.
Me Amirouche Bakouri, a souligné que ce procès était « une affaire nationale » et il a mis l’accent sur les « lacunes » qu’il estime « graves pour la justice » . « Je sais que vous êtes fatigué monsieur le président en voyant une trentaine d’avocats venus de plusieurs wilayas vous dire que Khaled Drareni Samir Belarbi et Slimane Hamitouche n’ont pas porté atteinte à l’unité nationale. Si nous sommes ici aujourd’hui, en nombre, c’est parce qu’il s’agit d’une cause nationale, de la liberté d’expression et de la liberté de la presse ».
On aurait aimé que seulement deux avocats les défendent, a-t-il poursuivi mais l’affaire est d’une dimension telle que les avocats de l’ensemble du pays se sentent concernés. « Je me demande comment on peut accuser un militant d’atteinte à l’unité nationale » questionne-t-il.
Maitre Mostefa Bouchachi, ancien président de la ligue algérienne de défense des droits de l’homme, a mis en garde contre le danger qui plane sur la justice et la situation actuelle des tribunaux. « Ce qui m’attriste, ce n’est pas le comportement du système de cette manière, c’est normal il souhaite se régénérer. Ce qui est dangereux est que le procureur général sacralise le système et ses hommes. J’ai toujours cru que les tribunaux étaient les lieux où les gens se sentaient en sécurité, quand ces dépassements arrivent en 2020, je suis pessimiste pour l’avenir de la justice ».
« Pas normal que des journalistes soient en prison »
Me Bouchachi a insisté sur le fait qu’il n’est pas normal que « des journalistes soient en prison. La révolution a été faite pour l’Etat de droit et des libertés, mais le régime poursuit les journalistes qui ont une ligne éditoriale indépendante »
Me Abdelghani Badi a souligné la dégradation de la situation en matière de respect des droits par rapport à la période de Bouteflika. « Comment allons-nous vers l’Algérie nouvelle » s’est-il interrogé en soulignant que la sécurité juridique était en danger en Algérie.
Telle était la tonalité générale chez les 34 avocats constitués : défense trois accusés. Ils ont aussi une justice libérée de l’instrumentalisation politiquement. « Nous avons essayé d’attirer l’attention de la Cour qu’il y a obligation d’appliquer la loi sur les faits. Or, les faits que l’on reproche à ces trois citoyens ne sont pas punis par la loi. Ils sont donc obligés de démontrer quels sont les éléments qui les ont conduits à accuser Slimane, Khaled et Samir d’atteinte à l’unité nationale » conclut l’avocate Nabila Smail.
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