Quoi qu’on dise, les Algériens ont des dons de séduction hors du commun. S’il n’en était pas ainsi je vois mal comment Isabelle Eberhardt, Suissesse, d’origine russe, se serait entichée de Slimane Ehhnni , un spahi qu’elle finit par épouser et avec qui, sans doute, elle aurait eu beaucoup d’enfants si elle n’avait pas été emportée, en octobre 1904, par les eaux en furie d’un oued à Ain Sefra.
L’histoire d’Isabelle et de Slimane, un remake de celle de Tristan et Iseult, revue et corrigée en terre algérienne, est connue du monde entier. Elle est une invite aux amateurs d’émotions fortes et de situations inextricables à venir chez nous se faire abrutir par le soleil et tenter des expériences interdites d’aboutissement partout ailleurs.
L’histoire de Paulette et de Rezki, elle, ne vous sera repêchée par aucun moteur de recherche sur le Web. Pourtant, Paulette est une grande dame. Elle est entrée dans la légende à Bordj Bou Arreridj. Elle y a fait aussi entrer son mari. C’est au cours de la 2ème Guerre Mondiale que tout a commencé. Rezki, enrôlé pour combattre les Boches, est blessé. Hospitalisé, il est pris en charge par une infirmière de la Croix Rouge. Il s’agit évidemment de Paulette. Aussitôt la guerre terminée, Rezki rentre au pays avec Paulette sur le dos.
Paulette s’acclimate. Elle s’occupe du bétail et donne des enfants au guerrier. De temps en temps elle se rappelle, avec nostalgie, le temps où elle était infirmière. Un jour d’entre les jours, Paulette se rend compte qu’une de ses poules a été mordue à mort par un chien qui lui a quasiment arraché le croupion. Affolée, l’infirmière des années 40 resurgit dans la paysanne kabyle de Bordj. Elle aménage une pièce pour la poule. Soins intensifs. Pansements quotidiens. Jusqu’à remise sur pattes du volatile et sortie victorieuse hors du bloc opératoire. Vous comprendrez l’ébahissement des villageois dont les descendants se racontent encore aujourd’hui l’histoire de la poule sauvée de la marmite par Paulette.
Mais vous êtes en droit de savoir ce qu’est devenue cette kabyle d’adoption. Hé bien, elle a marié tous ses enfants. Tous. Jusqu’au dernier. Et, à la mort de Rezki, elle est rentrée chez elle, en France. Pourquoi? Oui, pourquoi ? Car, elle pouvait parfaitement vieillir auprès de ses enfants et de ses petits enfants. Mais je suppose qu’elle n’arrivait plus à vivre dans ce pays, tel qu’il était devenu, et où l’homme valait moins que le croupion d’une poule.