L’île grecque de Kastellorizo, (Meis, pour les Turcs), située à deux kilomètres de la ville côtière turque de Kas (province d’Antalya) cristallise le contentieux entre Ankara et Athènes avec ces dernières semaines une montée des tensions entre les deux pays membres de l’OTAN.
Des photos récentes de l’AFP montrant un déploiement de militaires grecs sur l’île a suscité l’ire d’Ankara qui a fait savoir, via le porte-parole des affaires étrangères, Hami Askoy, qu’elle ne « permettra une telle provocation près de nos côtes ». Le ministre turc des affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a renouvelé l’avertissement au sujet d’une militarisation de l’île.
Le ministre turc qui intervenait mardi, lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre algérien des affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a souligné que si « l’île de Meis devait être militarisée plus que la limite, le perdant serait la Grèce ». Il a rappelé qu’en vertu de l’accord de Paix de Paris de 1947, l’île doit rester démilitarisée.
Athènes a fait savoir par son ministre des affaires étrangères, Nikos Panagiotopoulos, qu’il s’agit d’une simple relève des effectifs dans l’île où 300 militaires sont présents pour une population de 500 habitants. L’île aux dimensions et à la population modestes permet cependant à la Grèce d’étendre sa zone économique exclusive et de la relier à celle de Chypre. C’est le cœur même du contentieux entre les deux pays. La Grèce, en arguant de la convention des nations-unies sur le droit de la mer – que la Turquie n’a pas signée – veut que les îles soient prises en compte dans la délimitation de son plateau continental.
Le cœur du différend
La Turquie, qui possède le plus long littoral de la méditerranée (plus de 4000 km) en serait la plus grande perdante, d’où son refus que les îles grecques soient incluses dans le calcul des zones d’exclusion économique (ZEE). La Grèce compte près de 6 000 îles et îlots dans les mers Égée et Ionienne, dont plus de 200 ont des habitants. C’est le cœur même du différend.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, l’a encore rappelé ce mardi, lors d’un discours à l’occasion de l’ouverture de l’année judiciaire : « La volonté de nous enfermer dans notre littoral, en ignorant les 780 mille km2 de la Turquie et en prenant en compte une île de 10 km2, est la démonstration la plus claire de l’injustice », a-t-il martelé. « Le désir de s’approprier les richesses de la Méditerranée, sur lesquels tous les pays riverains ont des droits, est un exemple du colonialisme moderne » a-t-il ajouté.
Cassius Belli
Le conflit risque de s’exacerber avec l’annonce par la partie grecque d’un projet de loi portant sur l’extension de la zone littorale dans l’espace maritime partagé avec l’Italie pour le porter de six à douze miles marins (de 11 à 22 km). Le chef du gouvernement grec, Kyriakos Mitsotakis, a suggéré que la décision pourrait s’appliquer ailleurs.
Ankara a réagi par les voix du vice-président Fuat Oktay et du ministre turc des affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu : ce serait un « motif de guerre ». Mevlut Cavusoglu, a appelé à des négociations entre les pays riverains de la Méditerranée, afin de trouver un accord sur le partage des ressources naturelles dans la région.