Ce mercredi 5 mars 2025, la justice française a une nouvelle fois tourné le dos aux demandes légitimes de l’Algérie. Le parquet général a recommandé à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de rejeter les six requêtes d’extradition visant Abdesselam Bouchouareb, ancien ministre de l’Industrie et des Mines sous la présidence de feu Abdelaziz Bouteflika entre 2014 et 2017. Installé confortablement dans les Alpes-Maritimes, l’homme de 72 ans est pourtant réclamé par Alger depuis dix-huit mois pour répondre de crimes économiques et financiers qui lui ont valu cinq condamnations à vingt ans de prison chacune, en plus d’un sixième dossier en cours.
Une décision contestée
Pour l’Algérie, cette décision est inadmissible. Bouchouareb, accusé d’avoir pillé les richesses du peuple algérien, doit rendre des comptes devant la justice de son pays. Mais la France, invoquant l’état de santé de l’ancien ministre, semble prête à lui offrir une protection indue. L’avocat général Raphaël Sanesi de Gentile a estimé que son extradition risquerait de provoquer « un déclin rapide et irréversible » de sa santé, une excuse jugée fragile par les représentants algériens. Me Anne-Sophie Partaix, conseil de l’Algérie, a rappelé avec force que « Bouchouareb a volé l’argent des Algériens, il a été condamné et doit répondre de ses actes ».
Les autorités algériennes ont pourtant fourni, dès le 13 février 2025, toutes les garanties exigées par la justice française. Elles ont assuré que Bouchouareb serait détenu au centre pénitentiaire d’El Harrach, à Alger, dans des conditions conformes aux standards, avec des espaces de 120 à 145 m². Mais ces explications n’ont pas convaincu l’avocat général, qui a douté de la capacité d’un homme de son âge à supporter une détention collective, poussant, par la même, l’avocat de Bouchouareb, Me Benjamin Bohbot, a rencherir citant un reportage de Jeune Afrique décrivant une prison surpeuplée où les détenus seraient « entassés comme des sardines ».
Une politisation dénoncée
Du côté algérien, on voit dans cette affaire une politisation claire de la justice française. Dans un contexte de relations déjà tendues entre Alger et Paris, ce refus d’extradition est perçu comme une nouvelle marque de mépris envers la souveraineté judiciaire algérienne. Me Bohbot, défenseur de Bouchouareb, a tenté de présenter son client comme une victime des « purges » post-Bouteflika, forcé à démissionner en avril 2019 sous la pression du Hirak. « Si on l’envoie en Algérie, c’est pour y mourir », a-t-il dramatisé, qualifiant les accusations de « honteuses » et décrivant Bouchouareb comme un « grand industriel anti-islamiste » plutôt qu’un voleur.
Pour les Algériens, Bouchouareb est un visage incarnant les dérives de l’entourage des Bouteflika. L’avocat général français lui-même a reconnu le risque de voir des « éléments d’ordre international » interférer dans cette affaire judiciaire, un aveu qui trahit les véritables enjeux diplomatiques en jeu.
Un symbole des tensions franco-algériennes
Ce nouvel épisode s’inscrit dans une série de frictions entre les deux pays. Alors que l’Algérie lutte pour récupérer ses fonds détournés et juger les responsables de la corruption qui a gangréné l’ère Bouteflika, la France semble hésiter à coopérer pleinement. Pour le peuple algérien, qui a fait barrage au cinquième mandat de Bouteflika par le Hirak, voir un homme comme Bouchouareb échapper à la justice sous prétexte de santé est une injustice criante. La balle est désormais dans le camp de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, mais l’espoir d’une extradition s’amenuise, au grand dam d’Alger.