Un touriste français en Tunisie a profité de son séjour dans ce pays pour rapporter avec lui un plant de palmier dattier qu’il a planté fièrement chez lui espérant avoir de la Deglet Nour batoliss ! Ce palmier aurait produit douze branches de dattes mais … inconsommables d’après lui!!!
Personne ne lui a expliqué qu’il est quasi impossible de produire des dattes en France faute de chaleur en d’ensoleillement suffisant. On ne peut pas tout avoir hélas : des pluies abondantes et du… palmier dattier.
Et cette chaleur et cet ensoleillement ne se trouvent que dans les pays « chauds » dont l’Algérie.
Parmi les plus grands pays producteurs de dattes et selon les données de la FAO, on retrouve l’Egypte (près de 18 % de la production mondiale), l’Arabie saoudite, l’Iran, L’Algérie (près de 12 %), l’Irak, le Pakistan, le Soudan et la Tunisie (moins de 3 %).
Les médias nationaux ont rapporté récemment l’ambition du ministre du commerce Rezig d’exporter nos dattes vers 150 pays à l’horizon 2024, au lieu des 74 actuellement, estimant au passage notre production à 1,2 million de tonnes par an.
Si l’Algérie est en bonne place parmi les pays producteurs de dattes, elle reste à la traine quant à ses exportations.
D’près les mêmes données de la FAO, c’est la Tunisie, très petit producteur qui exporte le plus en termes de valeur marchande (la moitié de sa production nationale en terme de volume), bien plus que l’Algérie qui pointe à la 8eme position ou même l’Égypte qui pointe à la 10eme position.
Pour cela, la Tunisie s’est dotée d’un « Cluster dattes et palmiers » regroupant l’ensemble des acteurs de la filière (producteurs, coopératives, industriels…) qui en concertation cherchent à augmenter la valeur ajoutée de la production, développer les exportations, promouvoir le produit…
Le ministre du commerce a, dans la même déclaration, souligné que les « dattes produites en Algérie ne sont généralement pas traitées avec des produits chimiques » et suggéré la nécessité de passer à « l’agriculture biologique amie de l’environnement ».
Il faut à mon sens relativiser cette déclaration. Il est difficile de produire des dattes sans l’utilisation de pesticides (surtout insecticides dans le cas du palmier dattier contre ses principaux ravageurs qui sont l’acarien Boufaroua et la pyrale de la datte).
Chaque année, le ministère chargé de l’agriculture lance des campagnes de sensibilisation des phœniciculteurs algériens relatives à la protection de leurs cultures mais aussi aux moyens de lutte. Si certaines exploitations phœnicicoles ont recours à des traitements chimiques par l’utilisation des pesticides, d’autres privilégient des moyens de lutte dite « biologique » ou même physique comme le flambage peu utilisé à cause des risques qu’il entraine en termes d’incendies. Des centaines de palmeraies sont ainsi traitées chaque année par les services de l’INPV secondé par des entreprises privées.
L’utilisation des pesticides contre les ravageurs, bien que critiquée, reste très répandue dans le monde. A titre d’exemple, la France n’a pu respecter son engagement de réduire de moitié et en 10 ans, le recours aux produits phytosanitaires dans le cadre du plan Ecophyto de 2008. Bien que les ventes de pesticides enregistrent une légère baisse dans ce pays ces trois dernières années, elles ont enregistré un record avec 62 655 tonnes vendues en 2018 contre 43 103 tonnes en 2021.
Il est difficile d’avoir des statistiques fiables concernant la commercialisation et l’utilisation des pesticides en Algérie dont la règlementation serait très proche de la réglementation française. Il en est de même pour le coté relatif à la formation professionnelle qui, sur ce sujet sensible, relève d’une importance capitale.
En effet, l’utilisation des pesticides sans une formation sérieuse pourrait être catastrophique pour l’exploitant agricole. Plus que leurs effets sanitaires signalés sur cet exploitant-utilisateur – beaucoup moins sur le consommateur à doses modérées- l’utilisation des produits phytosanitaires obéit à des règles aussi nombreuses que strictes : stockage, protection individuelle, conditions météorologiques, délai avant récolte qui indique le nombre de jours à respecter entre le traitement et la récolte, Limites Maximales de Résidus (LMR), Délai de Rentrée c’est-à-dire le délai minimum à respecter après un traitement phytosanitaire avant de retourner sur la parcelle, leur mélange et leur dosage, contrôle du pulvérisateur ….
Le non-respect de ces contraintes peut être préjudiciable à la fois pour l’exploitant comme pour la culture.
Quant à la production de dattes biologiques, là aussi une réflexion doit être menée en amont avec les acteurs de la filière avant toute décision. Il faut avoir à l’esprit que lorsqu’on parle de fruits ou légumes bio, c’est beaucoup plus eu égard à la préservation de l’environnement qu’à la santé du consommateur. Théoriquement l’agriculture biologique ne peut avoir recours qu’à des intrants provenant de substances naturelles ou leurs dérivés. Cependant ces substances naturelles ou leurs dérivées sont susceptibles d’induire des problèmes sanitaires chez l’humain. Ainsi, l’Europe a défini, en juillet dernier, une liste de 47 substances autorisées en agriculture biologique et candidates à la substitution c’est-à-dire permises jusqu’à ce que l’on trouve un produit de substitution pour les remplacer. Par ailleurs, les produits bio nécessitent des engrais eux-mêmes bio qui peuvent héberger des agents pathogènes pour l’homme, exigent davantage de main d’œuvre, sont beaucoup plus chers pour le consommateur et ont un rendement de culture nettement plus faible. Ajoutons à cela l’absence quasi totale d’une demande locale ou nationale de dattes bio et/ou d’organismes internationaux de certification à l’échelle nationale indispensables pour l’exportation avec ce label. Ces désagréments ne sont pas toujours compensés par la différence de prix entre le conventionnel et le bio. C’est la raison pour laquelle le passage en bio ne peut être le fruit d’une décision administrative mais nécessite une réflexion profonde aussi bien sur son opportunité que sur sa plus value.
L’idée du « Cluster » tunisien me semble un bon point de départ.